Relance du projet de loi visant à étendre l’influence du Grand Rabbinat sur les autorités locales
La commission de la Constitution de la Knesset va étudier la proposition controversée qui étendrait fortement l'influence du Grand Rabbinat et du ministère des Affaires religieuses
La commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset a annoncé dimanche la relance d’un projet de loi controversé qui étendrait considérablement l’influence du Grand Rabbinat et du ministère des Affaires religieuses dans la nomination des rabbins municipaux, au détriment des autorités locales, tout en érodant le rôle des femmes dans le processus.
S’il est adopté, le projet de loi pourrait coûter aux contribuables des dizaines de millions de shekels par an en salaires pour des centaines de nouveaux rabbins de quartier employés par les municipalités locales.
Suite aux objections du leader du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, et du leader de Tikva Hadasha, Gideon Saar, le projet de loi, qui aurait ouvert la voie à des centaines de nouveaux postes rabbiniques financés par le gouvernement, avait été indéfiniment gelé par les législateurs au début de l’année.
Les deux partis se sont opposés au projet de loi au motif qu’il violait les termes d’un accord exigeant que tous les partis de la coalition d’urgence soient d’accord sur toute législation avancée en temps de guerre. Cependant, Saar a quitté la coalition peu de temps après que le projet de loi a été mis en suspens, suivi par Gantz dimanche dernier, ce qui a ouvert la voie à sa réintroduction.
« [Le Premier ministre Benjamin] Netanyahu et sa coalition prouvent une fois de plus que pour eux, la politique est au-dessus de tout – l’essentiel est de survivre », a estimé HaMahane HaMamlahti dans un communiqué dimanche.
« C’est précisément maintenant, alors que le nord est en feu et le sud en guerre, que la coalition décide de promouvoir une loi tordue, d’attiser les divisions au sein de la nation et de battre de nouveaux records de déconnexion. Nous avons empêché la promotion de cette loi il y a trois mois, et nous ferons tout pour la contrecarrer aujourd’hui également. »
Selon un texte amendé envoyé à la presse, il semble que certains efforts aient été faits pour répondre aux préoccupations des critiques, notamment en demandant au ministre des services religieux de consulter le chef des autorités locales avant de nommer des représentants dans les comités électoraux.
Les détracteurs du projet de loi affirment qu’il profiterait au Shas, le parti séfarade ultra-orthodoxe, en créant des emplois pour ses apparatchiks et en augmentant le droit de regard du Grand Rabbinat orthodoxe sur la nomination des rabbins et sur leur mode de fonctionnement.
Il créerait des centaines d’emplois financés par des fonds publics pour les rabbins orthodoxes, tout en donnant au Grand Rabbinat d’Israël un droit de regard considérable sur la nomination de tous les nouveaux rabbins municipaux, inversant ainsi les changements institués en 2022 par l’ancien ministre des Affaires religieuses Matan Kahana, un législateur de HaMahane HaMamlahti.
Il supprimerait également les restrictions concernant l’organisation d’un vote pour un rabbin municipal dans la période précédant immédiatement les élections municipales ou parlementaires – une stipulation destinée à garantir que les nominations rabbiniques ne deviennent pas une monnaie d’échange politique – et abaisserait le nombre minimum de femmes dans les conseils de nomination des rabbins de 40 % à un tiers.
En outre, la législation supprimerait l’obligation pour les villes de renouveler les mandats des rabbins municipaux tous les dix ans ou de leur donner la possibilité de convoquer des assemblées électorales pour nommer un nouveau rabbin. Au lieu de cela, les rabbins municipaux conserveraient leur poste jusqu’à l’âge de 75 ans, après quoi ils devraient demander à la ville qui les emploie de prolonger leur mandat.
Israël compte environ 470 rabbins municipaux au total. Leurs salaires mensuels vont de 9 000 shekels à 43 000 shekels. Quelque 30 villes sans rabbin seraient obligées d’en embaucher un en vertu du projet de loi, et Tel-Aviv et Haïfa, qui n’ont actuellement aucun rabbin, devraient en embaucher au moins deux.
Dans une analyse du projet de loi réalisée au cours de l’été, l’Israel Democracy Institute a constaté qu’il permettrait l’embauche de 1 070 nouveaux rabbins, alors qu’il n’était prévu d’en embaucher que 514, pour un coût de 120 millions de shekels.
« La situation est absurde. Plutôt que de voir à quel point notre nation est fracturée, à quel point nous sommes menacés sur le plan existentiel et à quel point notre situation interne est dangereuse, [le président de la commission le député Simcha] Rothman et consorts profitent de la guerre pour faire passer un projet de loi qui dépensera des dizaines de millions de shekels pour priver les citoyens de leurs droits juifs fondamentaux et fournir plus d’emplois aux Haredim », a déclaré au Times of Israel le rabbin Seth Farber, directeur de l’organisation à but non lucratif ITIM, un groupe de défense qui aide les Israéliens à s’y retrouver dans la bureaucratie religieuse de leur pays.
Après l’abandon du projet de loi au début de l’année, le ministère des Affaires religieuses avait présenté une série de propositions de règlements qui permettraient d’atteindre le même objectif tout en contournant l’intense opposition publique et législative.
Actuellement, les gouvernements locaux sont majoritaires au sein des comités électoraux, 50 % des votes allant aux conseillers municipaux et au directeur général de la municipalité, le reste étant réparti de manière égale entre les représentants publics choisis par la municipalité et le ministre des Affaires religieuses.
S’ils avaient été approuvés par le ministère à l’issue de la période de consultation publique, les règlements auraient abaissé de 100 000 à 50 000 le nombre de résidents requis pour la nomination d’un deuxième rabbin municipal dans une ville, auraient annulé la réforme de l’ancien ministre des Affaires religieuses Matan Kahana limitant les mandats des rabbins municipaux à dix ans, et auraient permis la nomination de rabbins travaillant à temps plein.
Il aurait également fait passer de 40 % à un tiers le nombre de femmes légalement tenues de siéger dans les commissions de sélection des rabbins et aurait considérablement réduit le niveau de représentation dont bénéficient actuellement les municipalités au sein de ces comités.
Cependant, les règlements n’ont jamais été mis en œuvre et semblent aujourd’hui obsolètes, puisque la question est revenue à la Knesset sous forme législative.
Suite à l’annonce de la relance du projet de loi, les députés du Likud ont exprimé leur opposition sur le groupe WhatsApp de la commission de la Constitution, a rapporté la Radio militaire.
« Pourquoi […] présentons-nous une loi qui est contestée et qui suscite la controverse en temps de guerre ? », a demandé la députée Tally Gotliv (Likud).
« Il y a suffisamment de lois à préparer qui sont liées à la guerre. Laissez les disputes et cette loi pour des jours meilleurs et retirez-la de l’ordre du jour. »
« Tout le monde s’accorde à dire qu’il n’est pas bon de promouvoir la loi en temps de guerre. On ne comprend donc pas pourquoi il a été décidé de relancer le débat sur la loi », a ajouté le député Moshe Saada.
« Ils pensaient que nous ne le remarquerions pas. Ça suffit », a répondu Gotliv.
Canaan Lidor a contribué à cet article.