Israël en guerre - Jour 344

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Retour au Gush Katif : un mouvement déterminé à faire revenir les Israéliens à Gaza

Par idéologie ou pour des questions de sécurité, une coalition s'est formée après les massacres du Hamas pour ramener la présence juive dans l'enclave, disparue depuis 2005

Yoram Ohev-Tzion, secrétaire de la ville de Karmei Katif, passe devant des hangars abritant le siège temporaire de la communauté Karmei Katif, près de la ville israélienne d'Amatzia, dans la région sud du mont Hébron. Sur le mur est inscrit au pochoir le logo du mouvement de jeunesse B'nei Akiva, à côté des mots « branche Katif ». 20 juillet 2015. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)
Yoram Ohev-Tzion, secrétaire de la ville de Karmei Katif, passe devant des hangars abritant le siège temporaire de la communauté Karmei Katif, près de la ville israélienne d'Amatzia, dans la région sud du mont Hébron. Sur le mur est inscrit au pochoir le logo du mouvement de jeunesse B'nei Akiva, à côté des mots « branche Katif ». 20 juillet 2015. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Bien que le président américain Joe Biden ait déclaré que ce serait une « grosse erreur » et que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ait qualifié l’idée d’« irréaliste », des centaines de militants réunis lors d’un rassemblement à Ashdod, fin novembre, ont appelé au rétablissement des implantations juives dans la bande de Gaza suite au massacre du 7 octobre orchestré par le Hamas.

« Je demande à tous les ministres du gouvernement et à leur chef, le Premier ministre, de faire entendre votre voix, maintenant, de relever la tête », déclare Yossi Dagan, chef du Conseil régional de Samarie, sous des applaudissements nourris.

« Faites savoir que vous soutenez l’appel au renouvellement des implantations juives dans toute la bande de Gaza. La nation vous attend ».

Dagan, 43 ans, a mené une campagne réussie qui a donné lieu à un vote à la Knesset, en mars dernier, qui a annulé une partie de la loi de désengagement de 2005 – celle qui interdisait les implantations juives dans le nord de la Samarie. Aujourd’hui, il est à la tête d’une coalition de 11 organisations, principalement de terrain, avec des milliers de bénévoles dont l’objectif vise à annuler la principale disposition de cette loi, à savoir celle qui a fait « se désengager » Israël, c’est-à-dire retirer unilatéralement ses soldats et ses résidents civils d’implantations de Gaza.

Pour ceux qui, en Israël ou ailleurs, soutiennent toujours la solution à deux États, l’idée semble irréaliste et contre-productive.

Beaucoup d’Israéliens ont en mémoire la difficile justification, jusqu’en 2005, du déploiement d’un important contingent de soldats israéliens pour protéger un nombre relativement faible de résidents israéliens de Gaza – 8 600 par rapport à une population palestinienne de 1,7 million à l’époque.

Yossi Dagan, chef du Conseil régional de Samarie qui mène la campagne de réinstallation de la bande de Gaza, montre une carte de la Samarie du Nord dans son bureau du centre industriel de Barkan à Ariel, le 20 novembre 2023. (Crédit : Mati Wagner/Times of Israël)

Mais sur la base de sondages d’opinion israéliens, de preuves anecdotiques et de conversations avec des experts militaires israéliens, une certaine forme de réinstallation de Gaza est considérée comme une option réaliste et bénéficie d’un certain soutien – en particulier parmi les Israéliens qui se définissent comme de droite.

Le 7 octobre, des milliers de terroristes ont franchi la barrière frontalière de Gaza lors d’une attaque barbare menée dans les communautés israéliennes voisines. Ils y ont tué quelque 1 200 personnes avec une extrême brutalité et fait plus de 240 otages dont 138 sont encore aujourd’hui à Gaza.

Pour la foule rassemblée dans une salle d’événements à Ashdod, le 22 novembre, il est évident qu’un retour d’Israël à Gaza est nécessaire pour dissuader et améliorer la sécurité du sud.

« Juste après l’attaque, j’ai su que la réinstallation à Gaza serait la prochaine étape », explique Shlomo Elyashiv Fendel, 16 ans. « Je pensais que les gens agiraient et que je les rejoindrais, mais je n’avais pas l’impression qu’il se passait quelque chose. »

Fendel dit avoir adhéré à un groupe qui « distribue des rubans orange » – référence au symbole du mouvement anti-désengagement dans les mois qui ont précédé le désengagement de Gaza et du nord de la Samarie, en 2005.

Aujourd’hui à la tête – avec d’autres – de Returning Home – qui fait partie de la coalition des 11 organisations dirigée par Dagan – Fendel dit que si le mouvement peut sembler composé en grande partie de jeunes, cela n’a pas toujours été le cas. Peu après l’attaque du 7 octobre, rappelle-t-il, de nombreux groupes WhatsApp appelant au retour d’Israéliens dans la bande de Gaza ont été gérés par des personnes plus âgées.

« Il y avait un réserviste, une mère de trois enfants, un grand-père de 60 ans », précise Fendel. « Mais depuis, beaucoup de jeunes nous ont rejoints. »

Shlomo Elyashiv Fendel, 16 ans, militant en faveur du rétablissement des communautés juives dans la bande de Gaza, tient une pancarte sur laquelle on peut lire : « Seules les implantations seront considérées comme une victoire » à la yeshiva Mercaz Harav à Jérusalem, le 20 novembre 2023. (Crédit : Mati Wagner/Times of Israël)

Le lancement de la campagne

À l’exception d’une poignée d’hommes sans kippa et de femmes en pantalon, la foule rassemblée à Ashdod, le 22 novembre, pour le lancement de la campagne nationale de réinstallation des Juifs à Gaza porte des vêtements religieux. Les rubans orange et les t-shirts orange sont bien visibles.

En plus de Dagan, se relaient à la tribune les députés d’arrière-ban du Likud Ariel Kellner et Tally Gotliv, la militante pro-implantations et ex-maire de Kedumim, Daniella Weiss, et Avraham Schrieber, ancien rabbin de Kfar Darom – l’une des 21 communautés juives de Gaza démantelées et évacuées en août 2005.

Les orateurs sont là à l’invitation de groupes aux priorités différentes, mais unis dans leur objectif de rétablir les communautés juives à Gaza.

La députée d’Otzma Yehudit, Limor Son Har-Melech, qui, comme Dagan, a été évacuée de l’une des quatre implantations israéliennes du nord de la Samarie démantelées dans le cadre du désengagement de 2005, a déclaré à la foule que le rétablissement des communautés israéliennes dans la bande de Gaza était nécessaire pour des questions de sécurité.

La députée d’Otzma Yehudit, Limor Son Har-Melech, s’adresse à une foule de centaines de militants devant une pancarte sur laquelle on peut lire : « De retour dans la bande de Gaza, les implantations apportent la sécurité », à Ashdod, le 22 novembre 2023. (Crédit : Mati Wagner/Times of Israël)

« Aujourd’hui, chaque citoyen israélien sait que pour rétablir la sécurité dans le Sud, pour éliminer du langage courant les mots « roquette » et « alerte rouge [pour les sirènes d’alerte à la roquette] », pour redonner à chaque enfant un sentiment de sécurité, il n’y a pas d’autre choix que de réaffirmer le contrôle total sur Gaza », affirme-t-elle.

Son Har-Melech et les autres orateurs représentent un groupe d’extrême droite au sein de la société israélienne.

Il en va de même pour le ministre du Patrimoine Amichai Eliyahu, du parti Otzma Yehudit, un ministre du gouvernement de Netanyahu qui a ouvertement plaidé pour le retour des implantations juives à Gaza.

Eliyahu est tristement connu pour avoir récemment évoqué l’idée de larguer une bombe nucléaire sur les Gazaouis.

Le ministre du Patrimoine Amichaï Eliyahu assistant à une cérémonie à la Knesset, à Jérusalem, le 19 juin 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Les politiciens de haut rang du gouvernement de Netanyahu se montrent plus réticents à l’idée de revenir à Gaza. Le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch (Likud), et la ministre des Transports, Miri Regev (Likud), ont tous deux lié le désengagement de Gaza, en 2005, à l’attaque du 7 octobre, tout en s’abstenant de prôner le rétablissement des implantations.

Cette réticence pourrait bien n’être qu’une omission tactique, et non une position de principe.

Le 20 novembre, interrogé par des journalistes lors d’une réunion à la Knesset de HaTzionout HaDatit à propos du rétablissement des implantations à Gaza, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré : « Ce n’est pas le moment de s’occuper de cela » et « Ce que nous ferons ensuite, côté civil, nous en discuterons plus tard ».

Le ministre des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, est allé plus loin lors d’une interview accordée le 19 novembre à Kol Chaï, une station de radio destinée au public religieux, après avoir été interrogé sur l’avenir de Gaza.

« Il se pourrait que vous et moi, qui appartenons au camp nationaliste, ayons des idées très claires sur ce qui devrait se dérouler là-bas après la guerre. Mais ce n’est pas le moment de parler de ces idées », a déclaré Chikli.

Vue de structures dans une ancienne implantation juive du Gush Katif, dans le sud de la bande de Gaza, le 27 juillet 2020. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Le 11 novembre, Netanyahu a qualifié l’idée de réinvestir Gaza d’« irréaliste », mais s’est dit motivé par des considérations de sécurité, affirmant « vouloir un contrôle global de la sécurité » dans une « Gaza démilitarisée ». Il a également déclaré à Fox News, le 8 novembre : « Nous ne cherchons pas à occuper, nous cherchons à lui donner, ainsi qu’à nous, un avenir meilleur dans tout le Moyen-Orient ».

Bien que le Premier ministre ait été clair sur les personnes qu’il ne voulait pas voir diriger Gaza après la guerre – l’Autorité palestinienne et, bien sûr, le Hamas – il est resté vague sur celles susceptibles de prendre le contrôle de la bande de Gaza.

Il est trop tôt pour parler d’implantations israéliennes à Gaza, mais…

Le général de brigade Amir Avivi, commandant adjoint de la division de Gaza de Tsahal en 2010-2011, affirme que la réinstallation dans la bande de Gaza est le seul moyen d’assurer la sécurité d’Israël sur le long terme.

« Là où il y a un fort continuum d’implantations, il y a de la sécurité ; là où il n’y a pas d’implantations, il n’y a pas de sécurité », a déclaré Avivi, fondateur et PDG du Forum israélien pour la défense et la sécurité (IDSF), groupe de défense de la sécurité qui compte 16 000 membres et des dizaines de généraux de réserve.

Avivi, qui a occupé les postes de commandant de la division Sagi de Tsahal, commandant du bataillon 605 et commandant de l’école du génie de combat, a déclaré que l’attaque du 7 octobre était la preuve que la séparation d’avec les Palestiniens n’était pas une option viable.

Il a également rejeté la position du gouvernement Netanyahu selon laquelle, dans les années à venir, Israël pourrait conserver le contrôle militaire de la bande de Gaza, soit en maintenant les forces de Tsahal à l’intérieur de Gaza, soit en menant des incursions régulières, comme c’est le cas dans les centres de population palestiniens de Cisjordanie comme Jénine ou Naplouse.

Le brigadier-général (rés.) Amir Avivi (Crédit : Rami Zarnegar)

« Ma pensée, comme celle de l’IDSF, s’adresse aux générations à venir. Il faut penser avec 100 ans d’avance. Je sais que si l’État d’Israël, dans sa conception stratégique de la Terre d’Israël – Gaza comprise – ne crée pas d’implantations, alors dans cinq, 10, 20 ans, les Quatre Mères de cette génération se lèveront et diront : ‘ Excusez-moi, pourquoi perdons-nous notre temps à procéder à des arrestations à Gaza ou à Rafah ?’ », a déclaré Avivi.

Avivi faisait référence au mouvement de protestation anti-guerre des « Quatre Mères » qui a fait pression avec succès pour le retrait unilatéral, en mai 2000, des militaires israéliens du Sud-Liban.

Avivi a ajouté que l’expérience d’Israël dans le sud du Liban, comme celle des États-Unis en Irak et en Afghanistan, nous avaient appris qu’il est impossible d’assurer le contrôle militaire seul, sans une importante population résidant dans la zone hostile, parcourant ses routes et fournissant à l’armée une raison de maintenir l’ordre.

Il a précisé qu’il était trop tôt pour prévoir des implantations israéliennes à Gaza.

Des habitants du Gush Katif manifestent contre le plan de désengagement d’Israël le 30 mai 2004, devant les services du Premier ministre à Jérusalem. (Crédit : Flash90)

« Nous ne savons pas combien de Gazaouis resteront, combien accepteront de partir et d’être relogés. Nous ne savons pas à quoi ressemblera Gaza après la guerre », a-t-il déclaré. « Mais il est clair pour moi que si les habitants de Beeri veulent que leurs petits-enfants soient en sécurité, il doit y avoir un fort continuum d’implantations juives dans la bande de Gaza. »

« Et je pense que ce sont les gens de gauche qui devraient s’y installer, afin que le projet n’appartienne pas uniquement à la droite religieuse », a ajouté Avivi, qui a déclaré avoir grandi dans une famille laïque mais se sentir fortement lié aux traditions, à l’histoire et à l’esprit du peuple juif.

Il estime toutefois que la prudence impose de s’abstenir de faire des déclarations publiques sur de tels projets.

« Il ne s’agit pas de provoquer des clivages au sein de l’armée israélienne ou de la société israélienne, pas davantage que de nuire à nos relations avec les États-Unis », a-t-il déclaré.

Une femme de l’implantation de Netzarim prend en photo une famille, debout devant sa maison, avec en surplomb un drapeau israélien sur lequel on peut lire : « Dieu est le seul véritable Dieu », avant leur évacuation le 23 août 2005. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

Entretemps, Dagan, qui a cofondé l’un des plus grands groupes de pression au sein du comité central du Likud, estime que le moment est venu d’évoquer le retour à Gaza.

« Tout le monde parle de ce qu’il faut faire de Gaza », dit Dagan. « Nous devrions en faire de même. Les États-Unis veulent mettre l’Autorité palestinienne aux commandes. Ces gens ne sont pas différents du Hamas. Les gens du Hamas sont des nazis qui portent un ruban vert sur la tête et ceux du Fatah, des nazis en costume. Nous devons donc présenter notre propre vision des choses. »

Une vague de soutien sans précédent

Selon un sondage de la Douzième chaîne, 44 % des personnes interrogées sont favorables au rétablissement des implantations israéliennes à Gaza, 39 % s’y opposent et 17 % sont indécis. Parmi les partisans autoproclamés du bloc de droite de Netanyahu, 68 % y sont favorables.

Interrogés spécifiquement sur ce qu’il devrait advenir de Gaza, 32 % des personnes interrogées – le groupe le plus important – pensent qu’Israël devrait rester à Gaza de manière permanente et y rétablir des implantations juives, 30 % estiment que la responsabilité devrait incomber à la communauté internationale et 14 % que seule l’armée israélienne devrait rester à Gaza.

Seulement 10 % dont en faveur du transfert du contrôle de Gaza à l’Autorité palestinienne, ce que Biden a qualifié de résultat favorable dans un éditorial du 18 novembre pour le Washington Post.

Le sondage, réalisé le 16 novembre, a été effectué auprès de 502 répondants : sa marge d’erreur est de 4,4 %.

Des Palestiniens portant des masques avec des bandeaux du Hamas et des treillis militaires entrent dans les anciennes implantations israéliennes du Gush Katif, le 12 septembre 2005. (Crédit : Flash90)

D’autres éléments indiquent que l’idée de faire revenir des communautés juives à Gaza bénéficie d’un large soutien, en particulier parmi les jeunes Israéliens.

Des dizaines de photos ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des soldats de Tsahal à Gaza tenant des pancartes appelant au retour.

Un clip vidéo du célèbre chanteur et compositeur Hanan Ben Ari, qui a fait le tour d’Internet, le montre en train de divertir des soldats se préparant à entrer à Gaza.

@ivgiz

חנן בן ארי: « חוזרים לגוש קטיף, מקימים את חוף נובה על עזה »

♬ original sound – Ivgeni Zarubinski

« Nous retournons au Gush Katif… nous créerons une plage Nova sur la côte de Gaza », a chanté Ben Ari, faisant référence au festival rave Nova, que le Hamas a transformé en charnier en y torturant, mutilant, violant et massacrant 364 festivaliers, sans oublier les nombreux otages.

De nombreux soldats ont dansé, levé les bras et chanté avec Ben Ari.

Dans une vidéo similaire, qui a elle aussi fait le tour d’Internet, on voit la chanteuse pop Narkis, évacuée en 2005 avec ses proches de l’implantation de Gaza Netzer Hazani, reprendre la même chanson, sur un air bien connu des hassidiques du mouvement Habad.

A la suite du massacre du 7 octobre, de nombreux Israéliens, choqués par la brutalité de l’attaque et le large soutien dont elle bénéficie parmi les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, ont abandonné l’espoir d’une coopération avec les Palestiniens. En conséquence, des solutions telles que le transfert par consentement des Palestiniens vers des lieux en dehors de Gaza ou encore le rétablissement des implantations juives à Gaza ont gagné du terrain.

Un sondage d’opinion mené par Arab World for Research and Development de l’Université de Birzeit a révélé que 59,3 % des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie « soutenaient fortement » l’attaque du 7 octobre, et 15,7 % la « soutenaient plutôt ». Par ailleurs, 10,9 % « n’ont ni soutenu ni s’y sont opposés ».

Lorsqu’on leur a demandé quelle solution ils voyaient pour le conflit israélo-palestinien, 74,7 % des Palestiniens interrogés en Cisjordanie et à Gaza ont répondu : « Un État palestinien du fleuve à la mer ».

Ce sondage a été réalisé auprès de 668 répondants, 277 à Gaza et 391 en Cisjordanie.

« Totalement irréaliste, illogique et dangereux »

Kobi Michael, chercheur principal à l’Institut d’études sur la sécurité nationale de Tel Aviv, n’a aucune confiance dans les dirigeants palestiniens. Il pense également qu’Israël devrait laisser telle quelle la partie nord de Gaza, y compris la ville de Gaza.

Des Palestiniens se tiennent près d’un bâtiment détruit par des frappes israéliennes dans la nuit à Rafah, dans la bande de Gaza, le 24 novembre 2023. (Crédit : AP Photo/Hatem Ali)

« Nous ne devrions pas leur permettre de reconstruire avant des années. Cela devrait rester un point de repère qu’ils verraient tous les jours au réveil, pour comprendre le prix de la défaite, pour comprendre ce qu’ils ont perdu à cause de leur comportement barbare et meurtrier », explique Michael.

Par ailleurs, il considère le renouveau des communautés israéliennes à Gaza comme « totalement irréaliste, illogique et dangereux ».

« L’administration américaine ne l’acceptera jamais et cela créera un fossé entre nous et les Américains et nous exposera à d’énormes pressions internationales », estime Michael, qui a siégé au Conseil de sécurité nationale d’Israël en tant que chef de la division palestinienne et occupé un poste similaire en tant que directeur général adjoint au ministère des Affaires stratégiques entre 2009 et 2013.

Kobi Michael, chercheur principal à l’Institut d’études sur la sécurité nationale basé à Tel Aviv. (Crédit : Chen Galili)

Bien que Michael soit d’accord sur le principe que les grandes implantations juives de Judée-Samarie améliorent la sécurité d’Israël, il pense que les avant-postes plus petits, qui manquent d’une masse critique et créent des frictions inutiles avec la population palestinienne, sont plus un handicap stratégique qu’un atout. Michael voit peu de chances que le renouvellement des communautés israéliennes à Gaza attire la masse critique de résidents nécessaire pour compenser la population palestinienne forte de 2,2 millions de personnes.

Il affirme que cette décision réveillerait également des divisions politiques pernicieuses qui menaçaient de déchirer la société israélienne dans les mois précédant le 7 octobre.

« Il y a un consensus aujourd’hui autour de la guerre. Mais si nous essayons de reprendre les implantations, nous risquons de le détruire », a-t-il déclaré.

Un timing stratégique nécessaire

Aviel Tucker, qui a été expulsé de Netzer Hazani en 2005, est en faveur du rétablissement des implantations juives à Gaza, mais il craint qu’une pression agressive et publique ne ravive les clivages.

« Bien que j’apprécie ce que font les autres militants, je pense qu’il ne faut pas faire campagne en le criant sur les toits », estime Tucker, qui vit dans le nouveau Netzer Hazani, rétabli près du Moshav Yesodot à l’est d’Ashdod en 2010 par des évacués de l’ancienne communauté et portant le même nom.

Yoram Ohev-Tzion, secrétaire de la ville de Karmei Katif, passe devant des hangars abritant le siège temporaire de la communauté Karmei Katif, près de la ville israélienne d’Amatzia, dans la région sud du mont Hébron. Sur le mur est inscrit au pochoir le logo du mouvement de jeunesse B’nei Akiva, à côté des mots « branche Katif ». 20 juillet 2015. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Tucker dit que, depuis le 7 octobre, il s’est entretenu, avec d’autres, avec des membres de conseils régionaux et des dirigeants communautaires le long de la frontière de Gaza ainsi qu’avec des officiers de Tsahal pour tenter de mettre en place un plan cohérent et pratique.

« L’idée n’est pas de refaire ce qui existait en 2005, mais plutôt de faire quelque chose de plus grand, d’y créer une ville juive, d’y créer un centre industriel et d’y relancer des projets agricoles juifs », explique Tucker.

Au cœur du succès du plan de renouvellement de la présence juive à Gaza, estime-t-il, se trouve la construction d’une large coalition entre divers segments de la société israélienne.

Il espère qu’un changement idéologique, suite à l’attaque du 7 octobre, lui permettra d’obtenir le soutien des communautés frontalières de Gaza, dont beaucoup sont laïques et de gauche.

« Même à Beeri, j’entends des gens qui ont l’air plus extrémistes que moi au niveau des opinions politiques », dit-il.

Une maison peinte en orange, en soutien au mouvement des implantations à Gaza, dans la ville de Netzer Hazani, dans le sud d’Israël, le 20 juillet 2015. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Il envisage que les membres du kibboutz Beeri et d’autres communautés prennent le contrôle des terres agricoles adjacentes à l’intérieur de Gaza et travaillent ces terres et établissent un centre industriel dans la partie nord de la bande de Gaza.

Il concède que ces projets n’en sont qu’à leurs débuts.

Pour Alon Pauker, porte-parole du kibboutz Beeri, l’un des kibboutzim les plus durement touchés par l’attaque brutale du Hamas, le simple fait que des Israéliens suggèrent de reconstruire les communautés juives à Gaza est « exaspérant ».

« C’est comme si vous aviez fait un feu de joie, que vous ayez enfin réussi à l’éteindre et que vous versiez de l’essence dessus, et tout recommence », explique-t-il.

Historien du sionisme et maître de conférences au Beit Berl College, il pense qu’il y a un besoin urgent de rééduquer les Palestiniens de Gaza, influencés par le Hamas, une organisation « quelque part entre l’EI et les nazis ».

« Mais nous ne voulons certainement pas leur mettre un doigt dans l’œil en reconstruisant les communautés israéliennes à Gaza », ajoute-t-il.

Des enfants palestiniens jouent dans une ancienne implantation juive du Gush Katif, dans le sud de la bande de Gaza, le 27 juillet 2020. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

« Si nous n’avions pas procédé au désengagement, ils auraient massacré des gens encore plus rapidement que ce que nous avons vu le 7 octobre », estime Pauker. « C’est l’argument typique de ceux qui n’ont rien appris du tout. Ces gens sont totalement déconnectés de la réalité. »

Pauker considère le dialogue avec les Palestiniens comme la seule option, même s’il admet que cela pourrait prendre beaucoup de temps pour y parvenir.

« C’est ce que veut la nation »

Pour Fendel, la principale motivation du retour à Gaza est religieuse.

« Les gens pensent qu’il n’est pas réaliste de revenir en arrière », assure le fils du rabbin David Fendel, directeur d’une grande yeshiva sioniste religieuse à Sderot, près de la frontière avec Gaza. « Mais je pense qu’il n’est pas réaliste de penser que cela n’arrive pas. Il n’est pas possible que nous ayons reçu un coup aussi terrible et qu’il n’y ait pas quelque chose de positif à en tirer. »

« Comme il est dit : ‘C’est le temps des troubles de Jacob, mais il en sera sauvé’ », ajoute Fendel, citant un passage du livre de Jérémie discutant d’une prophétie sur le retour du peuple juif dans son pays après l’exil babylonien. « Il faut que ça se fasse. »

Fendel est connecté à des listes de groupes WhatsApp forts de milliers d’activistes et à une liste de quelque 150 villes et implantations de Cisjordanie dans lesquelles des quartiers généraux seront installés pour promouvoir l’idée de reconstruire les communautés juives de Gaza.

Des soldats de Tsahal qui combattent à Gaza posent avec une pancarte sur laquelle on peut lire : « Gush Katif : Retour à la maison ». (Aviel Tucker)

Ses amis et lui, camarades de classe au lycée Mercaz Harav de Jérusalem, ont imprimé 3 500 T-shirts proclamant « Retour à la maison » ainsi que 10 000 tracts, sans oublier les centaines de mètres de ruban orange.

Fendel a diffusé un message vocal de son frère, médecin militaire actuellement sur la ligne de front à Gaza, qui dit : « Il y a une énorme demande de rubans ici, s’il vous plaît, envoyez-en plus. »

Fendel a déclaré que l’un de ses objectifs était de créer l’infrastructure nécessaire pour mobiliser les militants en cas de besoin.

« Nous faisons en sorte de créer des réseaux pour que, le moment venu, lorsqu’Israël retirera ses soldats de Gaza, nous puissions rapidement organiser une grande manifestation », explique Fendel.

Dagan se dit convaincu qu’une majorité du gouvernement est en faveur de la réinstallation à Gaza, « parce que c’est ce que la nation veut ».

« Que pouvez-vous offrir d’autre aux personnes dont les familles ont été massacrées ? », questionne Dagan. « Que pouvez-vous offrir d’autre à une nation entière qui est traumatisée, en état de choc ? Aux gens qui dorment avec des armes sous leur oreiller, à Petah Tikva ou à Hadera ? »

« Le retour des implantations aura un effet dissuasif sur de futures attaques terroristes et renforcera la sécurité d’Israël », assure-t-il. « L’élimination du Hamas est un début, mais ce qui nous apportera la sécurité durable, ce sont les implantations. »

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