Retour sur la soirée Times of Israel avec Naftali Bennett
Le ministre de l'Éducation a promis de "ne céder aucun centimètre" de Cisjordanie, dit qu'il voulait "régler" la situation à Gaza et appelle à un gouvernement mené par Netanyahu
Yaakov Schwartz est le rédacteur adjoint de la section Le monde juif du Times of Israël
Le ministre de l’Education et de la Diaspora Naftali Bennett a rejeté avec insistance toute possibilité de siéger dans un gouvernement dirigé par Benny Gantz en cas de victoire du dirigeant de Kakhol lavan aux prochaines élections.
Nafatali Bennett, le co-président du nouveau parti HaYamin HaHadash, s’est entretenu avec la rédactrice en chef adjointe de la rubrique Monde juif du Times of Israel, Amanda Borschel-Dan, lors d’un événement en langue anglaise à Tel Aviv mercredi soir, dans une salle bondée.
« Sous aucune circonstance je ne recommanderais Benny Gantz [pour former un nouveau gouvernement en tant que Premier ministre], » a assuré le candidat. « Il est de gauche, et moi de droite. Et je veux défendre ce en quoi je crois. »
L’autre n°1 de HaYamin HaHadash, Ayelet Shaked, s’est fait l’écho de sa déclaration le lendemain, bien qu’elle ait précisé que cela ne la gênerait pas de travailler aux côtés de Benny Gantz dans un gouvernement dirigé par l’actuel Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Naftali Bennett a ajouté qu’il connaissait « très bien » Benny Gantz et qu’il pensait que c’était un « type bien, » tout en faisant remarquer qu’il ne trouvait pas « que ce soit un dirigeant militaire remarquable, c’est le moins que l’on puisse dire. »
Le ministre a plutôt estimé que Netanyahu était plus qualifié pour former le prochain gouvernement.
« Je pense que Bibi fait un plutôt bon travail en tant que Premier ministre sur l’économie, la diplomatie. Mais je pense que c’est moins le cas vis-à-vis du Hamas et de la lutte contre les terroristes, » a-t-il indiqué, en reprenant le surnom israélien de Benjamin Netanyahu. Il a répété son objectif de longue date, à savoir devenir ministre de la Défense pour « régler » le problème.
Il s’exprimait dans le cadre du dernier événement en date d’une longue série d’entretiens organisés par le Times of Israel, le Tel Aviv International Salon et la fondation Konrad Adenauer Stiftung, dans la perspective des élections nationales israéliennes prévues le 9 avril.
Ses propos intervenaient au lendemain d’une semaine de regain de violence, au cours de laquelle une roquette palestinienne a fait sept blessés, dont trois enfants en bas âge, dans une maison du centre d’Israël. Cette attaque a été suivie par de lourdes représailles israéliennes, sous la forme de frappes aériennes sur des cibles du Hamas dans la bande de Gaza et de tirs de barrages contre les roquettes lancées depuis l’enclave.
« Je trouve inacceptable que cela fasse dix ans qu’environ un million d’Israéliens du sud du pays vivent sous la menace constante de roquettes, de ballons, et tout ce que vous voulez. Et je sais comment traiter cela, comment régler cela, et ce que je veux, c’est devenir ministre de la Défense aux côtés du Premier ministre Netanyahu pour régler cette situation, » a-t-il clamé.
A ce poste, a-t-il assuré, il mettrait en place une approche « tondeuse à gazon » envers la bande de Gaza, qui verrait des frappes aériennes israéliennes répétées détruire tous les stocks de munitions de façon continue.
La n°6 de la liste HaYamin HaHadash, la journaliste d’origine américaine Caroline Glick, a souligné, lorsqu’elle a rejoint son chef de parti à la tribune pour une séance de questions-réponses avec le public, que ces frappes feraient office de mesures préventives.
Les frappes aériennes élimineraient la moindre munition avant le tir des roquettes, ce qui démarque la politique de Naftali Bennett de celle adoptée par l’administration actuelle, qui n’agit qu’en réaction, a expliqué la candidate.
Naftali Bennett a commencé sa carrière politique en tant que chef de cabinet de Benjamin Netanyahu à partir de 2005, avant de prendre la tête du Conseil de Yesha en 2009, et d’entrer à la Knesset en 2013. Avant sa carrière politique, il a servi dans des unités d’élite de l’armée israélienne, a fondé une start-up à succès dans le secteur de la high-tech et de devenir PDG d’une autre du même type.
Il a toujours défendu des positions va-t-en-guerre et a dirigé à partir de 2012 le parti de droite HaBayit HaYehudi, qu’il a quitté récemment avec la ministre de la Justice Ayelet Shaked.
La longue discussion a couvert une grande variété de sujets, mais le candidat a suscité les plus vives réactions dans la salle lorsqu’il abordait les questions de sécurité et de souveraineté israélienne dans les implantations. Il a promis de « ne céder aucun centimètre » de terre israélienne en Judée et Samarie.
La majorité de l’auditoire présent soutenait clairement les points de vue du ministre, applaudissant avec enthousiasme ses déclarations plus bellicistes. Lors de la séance de questions-réponses, de nombreux intervenants se sont décrits comme des immigrants nés à l’étranger s’étant installés en Israël par choix. Mais le public a également été houspillé par des militants qui ont fait part de leur opposition à la politique de Naftali Bennett autour de la question de la liberté des Palestiniens.
Plusieurs protestataires ont interrompu la discussion, se levant pour parler d' »apartheid » et du « siège » sur la bande de Gaza – et ont été rapidement rabroués par Bennett ou d’autres personnes de l’auditoire. La plupart de ces opposants ont quitté l’événement avant la fin.
Mais la sécurité des Israéliens et la question d’un Etat palestinien étaient loin d’être les seuls thèmes abordés. Naftali Bennett a ainsi évoqué l’importance de créer des liens entre les Israéliens laïcs et les religieux – à commencer par son propre parti.
« Je vais le dire : si le projet de quelqu’un est de faire du tout laïc, alors nous ne sommes pas le parti approprié pour eux. Et s’il s’agit de faire du tout ultra-orthodoxe, nous ne sommes pas le bon parti pour cela non plus. Ce que nous voulons, c’est parvenir à un compromis sur à peu près tout, » a-t-il expliqué.
Cela étant, il n’est pas allé jusqu’à défendre l’égalité des droits pour les couples homosexuels ou ceux qui ne se marient pas sous la bénédiction d’un rabbin, ou un même système éducatif pour les élèves religieux et laïcs.
Naftali Bennett a dit qu’il soutenait les « les droits et obligations civiques, comme les impôts » pour tous les couples, quelle que soit son identité religieuse ou sexuelle, tout en soulignant qu’il voulait que ses enfants puissent « épouser des Juifs. » Pour lui, le mariage est une institution orthodoxe, mais il a soutenu les rabbins orthodoxes qui œuvrent en dehors du Grand rabbinat, tels que ceux de l’organisation Giyur Kahalacha, qui procède à des conversions. Plus précisément, Naftali Bennett a appelé à une simplification de la conversion pour les 400 000 Israéliens, principalement arrivés d’ex-URSS, lesquels sont aujourd’hui considérés comme « sans religion » mais qui vivent déjà comme des Juifs, » pour lui.
Il s’est, par ailleurs, montré peu enthousiaste sur la question de la gestation pour autrui, un moyen souvent utilisé par les couples homosexuels pour avoir des enfants, indiquant « je ne suis pas fan de l’idée de mère-porteuse en général. Je n’aime pas l’idée de louer son corps pour de l’argent. » Il a expliqué que son parti avait adopté les recommandations de la commission Mor-Yosef, qui fait valoir que « si une femme qui ne peut pas avoir d’enfants biologiquement, alors elle peut avoir recours à une mère-porteuse. C’est tout – mais la gestation pour autrui bénévole [non payée] est possible pour tous. »
En tant que ministre de l’Education, il a indiqué qu’il « croyait beaucoup » aux écoles mixtes où les élèves religieux et laïcs étudieraient côte à côte. Aujourd’hui, ils sont répartis dans des écoles distinctes et suivent chacun des programmes différents.
« Il existe un tas d’écoles comme ça à Modiin, Ranaana. Mais au final, je pense que le choix revient aux parents. Ils devraient être en mesure de choisir où et ce que leurs enfants étudient. Et il s’avère, malheureusement, que de nombreux parents laïcs veulent envoyer leurs enfants dans ces écoles, mais il n’y a pas suffisamment de parents religieux – ils ont peur que leurs enfants deviennent laïcs, alors la demande pour ce genre de structures n’est pas assez forte, » a-t-il regretté.
Celui qui est aussi ministre de la Diaspora est né en Israël de parents arrivés des États-Unis dans les années 60. Il s’est dit « profondément inquiet du schisme qui grandit entre les Israéliens et les Juifs de la Diaspora. De nombreux Juifs américains s’écartent de leur judaïsme, tout simplement parce que, vous savez, il faut vivre. »
« La génération de mes parents a été attirée par Israël avant tout pour le sionisme, » a-t-il confié. « Aujourd’hui, nous observons que la plupart des Juifs américains sont davantage attirés par le judaïsme d’abord, puis par Israël, au travers du judaïsme justement. »
« Israël a changé, également, » a-t-il estimé. « Israël est beaucoup plus traditionnel qu’il ne l’était il y a 50 ans. C’était plus compartimenté avant. On était soit juif soit laïc, et aujourd’hui, le spectre est plus large, et je trouve ça merveilleux, » a-t-il dit.
« Nous nous unissons dans une très belle culture d’Israélité juive, et c’est fabuleux. J’ai épousé une fille laïque – une femme aujourd’hui — et nous nous entendons très bien après 21 ans de mariage. Ça marche, » s’est félicité Naftali Bennett.