Retour sur l’ouverture de la conférence des leaders juifs américains à Tel Aviv
A l'intérieur comme à l'extérieur, le ton de la soirée a été donné par les manifestants, qui ont été des centaines à se rassembler devant le centre des Expo

TEL AVIV (JTA) — Lors d’une conférence des leaders juifs américains qui a débuté dimanche soir à Tel Aviv, ce sont les manifestants anti-gouvernementaux qui ont reçu les acclamations les plus fortes – et l’information qui a dominé la soirée aura été l’identité de la personnalité qui a finalement brillé par son absence.
L’Assemblée générale, la conférence la plus importante du monde juif américain, devait être à la fois une célébration du 75e anniversaire d’Israël et le témoignage de la force des liens établis entre l’État hébreu et les Juifs de Diaspora. L’événement d’ouverture qui a eu lieu dimanche, avaient annoncé les Fédérations juives d’Amérique du nord, devait rendre hommage à ces relations – et être agrémenté de discours prononcés par le président israélien Isaac Herzog et par le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Mais face au mouvement de protestation massif et bruyant qui était organisé à l’extérieur du centre des expositions, Netanyahu a annulé subitement son apparition, dimanche, citant un emploi du temps surchargé en amont de Yom HaAtsmaout, la journée de l’Indépendance, qui tombe cette année ce mercredi.
Son nom n’a pas été cité une seule fois lors des allocutions prononcées par les responsables juifs.
A l’intérieur comme à l’extérieur, le ton de la soirée a été donné par les manifestants, qui ont été des centaines à se rassembler face aux entrées du centre de conférences – et autour du bâtiment en groupes de taille plus modeste. Ce faisant, ils ont donné aux milliers de Juifs américains en visite dans le pays un avant-goût de la culture de protestation qui s’est développée cette année en Israël, avec un nombre énorme de citoyens qui sont descendus dans les rues pour s’opposer au projet de refonte du système de la justice israélien avancé par Netanyahu et par son gouvernement de droite, d’extrême-droite et religieux.
Les manifestants ont brandi des drapeaux israéliens, scandé le slogan « Démocratie », prononçant le mot syllabe par syllabe, et ils ont fait résonner des cornes dont le cri sonore est parvenu à franchir les murs et à atteindre les participants à la séance plénière de la conférence. Un entrepreneur assis à une table de jeu vendait des colis contenant un petit drapeau israélien et une corne pour 20 ou 30 shekels en fonction du client.

L’itinéraire le plus direct entre la gare et le centre de conférences avait été bloqué en raison des tentatives de Tel Aviv de faire construire une ligne de tramway qui desservira toute la ville. Ainsi, avec la fermeture des routes, la meilleure manière de rejoindre la gare était de suivre les protestataires – identifiables par les drapeaux israéliens immenses qu’ils brandissaient ou qu’ils avaient attaché autour du cou. Un grand nombre étaient venus avec leurs enfants, dans des poussettes, ou avec leur chien.
« Israël doit être une démocratie libre », ont crié les manifestants à la sortie des Juifs américains. « Il faut nous aider. Le fascisme ne passera pas ! »
La plus grande partie des protestataires s’était réunie à bonne distance du portail emprunté par les participants de la conférence entrés dans le bâtiment. Et pourtant, ils sont parvenus à se tailler une place de choix dans son programme. Julie Platt, présidente du conseil d’administration des JFNA, a en effet été acclamée et applaudie à tout rompre par les 2 000 personnes présentes lorsqu’elle a évoqué le mouvement de protestation, source d’inspiration pour elle et pour les participants à l’Assemblée générale.
« Ce qui est clair, c’est combien notre passion pour Israël est forte, c’est combien Israël est au cœur de nos vies », a commenté Platt. « Ses luttes sont les nôtres ; ses réussites sont les nôtres et ses débats sont les nôtres. Aux dirigeants d’Israël – je m’adresse notamment à ceux qui sont dans la salle ce soir – sachez que nous sommes unis dans notre soutien apporté au dialogue et au consensus le plus large possible, sur la base du respect mutuel. »
Elle a ensuite ajouté : « Aux manifestants qui exercent leurs droits démocratiques, sachez que nous vous voyons, que nous vous entendons, que votre amour pour Israël est une source d’inspiration pour nous ».
Lorsque les JFNA s’étaient réunies pour leur Assemblée générale en Israël, en 2018, Netanyahu était monté sur scène pour une séance de questions/réponses avec le président du groupe pendant plus d’une demi-heure.
En l’absence de Netanyahu, cette année, le principal intervenant a donc été le président israélien Isaac Herzog. Si son rôle est très largement cérémonial, il a pris la tête du dialogue consacré au projet de réforme du système judiciaire de la coalition – et il a notamment lancé de sévères mises en garde sur ce qui pourrait arriver en cas d’échec des pourparlers.

Herzog a répété ces avertissements, dimanche soir, disant que le débat sur le projet de refonte du système de la justice en Israël était une leçon sur les dangers de la polarisation.
« Le débat féroce sur l’orientation prise par Israël, ces derniers mois, est l’exemple frappant de la façon dont l’aliénation entre différents groupes, dont les clivages qui ne cessent de s’aggraver depuis des années, deviennent corrosifs et affaiblissent les piliers qui maintiennent notre nation », a-t-il déclaré. « Je suis convaincu qu’il n’y a pas de plus grande menace existentielle pour notre peuple que celle qui survient de l’intérieur ».
Dans son discours, Herzog a annoncé une initiative appelée « la Voix du Peuple » dont l’objectif sera de renforcer le dialogue entre les Juifs d’opinions différentes au sein de l’État hébreu et dans la Diaspora. Une initiative qui sera ancrée par une conférence qu’il a appelée « le Davos juif », un clin d’œil à la conférence économique qui a lieu tous les ans en Suisse.
« Non-partisane, apolitique, la Voix du Peuple sera un forum collaboratif – un forum qui pourra accueillir et refléter toute la gamme diversifiée des voix juives », a-t-il expliqué. « Ce sera un cadre dans lequel nous pourrons nous engager dans des discussions sérieuses, sensibles et stratégiques sur les questions les plus complexes et les plus pressantes qui touchent notre peuple ».
Si une telle conférence devait se tenir, ce ne serait pas la première en son genre. Le président israélien Shimon Peres, en fonction de 2007 à 2014, avait organisé une conférence annuelle où des personnalités de premier plan de la communauté débattaient de sujets sensibles. Et dans l’Histoire, l’Assemblée générale des JFNA a toujours été considérée comme une conférence juive œcuménique qui est l’occasion d’aborder des problématiques extrêmement diverses.
Par ailleurs, le programme de la soirée a également permis de revenir à des constantes des rassemblements juifs américains traditionnels qui célèbrent Israël : une vidéo formée d’extraits en noir et blanc de films datant des premières années du pays ; des témoignages d’immigrants juifs en Israël en provenance du monde entier ; un concert donné par un groupe musical formé de soldats.
La conférence continuera lundi, avec des sessions organisées toute la journée.
En fin de soirée, alors que les festivités s’achevaient, deux personnes qui se trouvaient dans le public ont brandi un drapeau israélien. Sur l’un d’eux, une phrase de l’hymne national devenue depuis un slogan prisé par les manifestants : « Libres sur notre Terre ».