Réunion agitée des ministres autour de la politique d’accueil des réfugiés
Liberman a plaisanté sur les femmes ukrainiennes ; Tamano-Shata a dénoncé" l'hypocrisie" des Blancs qui ne soutiennent pas l'immigration éthiopienne

Un certain nombre de ministres israéliens ont défendu, lundi, le positionnement radical adopté par le pays concernant l’accueil des réfugiés ukrainiens non-éligibles à la citoyenneté – que l’aile la plus à droite du gouvernement refuse d’accueillir en grand nombre. La veille, le gouvernement avait accepté d’assouplir sa politique dans une certaine mesure.
Cette réunion a aussi été marquée par des plaisanteries racistes et sexistes douteuses dans ce contexte de pire catastrophe humanitaire à avoir frappé l’Europe depuis la Seconde guerre mondiale.
« L’auto-flagellation, ça suffit. On va largement au-delà de ce que font les autres pays qui ne partagent aucune frontière avec l’Ukraine », a déclaré le ministre de l’Agriculture Oded Forer, selon des propos choisis qui ont fuité auprès des médias israéliens.
« C’est juste », a renchéri la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked. « Le gouvernement et les ministres devraient être fiers et saluer cette opération d’intégration des réfugiés. Aucun autre pays n’intègre les immigrants à une telle échelle ». Si ces paroles sont exactes en matière d’immigration, d’innombrables autres nations intègrent ou se préparent à intégrer un nombre bien supérieur de réfugiés.
Le ministre des Finances Avigdor Liberman a pour sa part interpellé les critiques de la politique israélienne, affirmant que « quand Israël était en feu, nous n’avons guère vu l’Europe s’exprimer en notre faveur ».
Il aurait également lancé une plaisanterie grivoise sur les Ukrainiennes après que Shaked a fait remarquer que de nombreux maires de tout le pays avaient fait part de leur volonté d’accueillir des réfugiés d’Ukraine.
« Certains d’entre eux, d’ailleurs, ne veulent accueillir que des Ukrainiennes », a lancé Liberman en réponse.

Personne n’a réagi à ces paroles et plusieurs ministres ont ri, selon des informations.
Après la fuite de ces propos auprès des médias, Liberman a demandé qu’ils soient effacés du compte-rendu officiel de la rencontre.
La ministre des Transports Merav Michaeli s’est ultérieurement insurgée contre les paroles de Liberman et contre la requête qui a suivi.
« Il y a certaines choses dont on ne rit pas. Le ministre des Finances a demandé de supprimer du compte-rendu de la réunion ses propos scandaleux sur les Ukrainiennes. J’espère que ce sera la dernière fois que de telles paroles seront prononcées au sujet des femmes, les femmes qui ont toujours payé le prix des guerres décidées par les hommes », a écrit Michaeli sur Twitter.
Lors de la réunion, la ministre de l’Immigration Pnina Tamano-Shata s’en est pris à ses collègues qui, selon elle, refusent de faire preuve de sympathie et de soutien à l’égard des réfugiés ukrainiens aux Juifs éthiopiens qui cherchent à quitter leur pays, lui aussi noyé dans la guerre.
« C’est là toute l’hypocrisie des Blancs. Nous devons aussi faire en sorte de faire progresser l’immigration juive en provenance d’Éthiopie, des Juifs qui, eux aussi, veulent échapper à la guerre », a-t-elle continué.

En réponse, le ministre de la Diaspora, Nachman Shai, a lancé sur le ton de la plaisanterie : « Mais nous sommes d’origine européenne ».
Une réponse qui a visiblement irrité Tamano-Shata, qui a rétorqué : « Retire ce que tu viens de dire, ce n’est pas drôle. »
Liberman serait alors intervenu pour défendre Shai, expliquant que ses paroles n’étaient « qu’une plaisanterie ».
De son côté, Orna Barbivai, ministre de l’Économie, n’a pas apprécié les propos de Tamano-Shata, lui demandant : « Mais comment peux-tu dire une chose pareille ? Comment est-ce que tu réagirais toi-même si quelqu’un disait que toutes les personnes de couleur sont des hypocrites ? »
Les informations qui ont fuité de la réunion ont aussi révélé le manque de clarté autour de ce en quoi consiste réellement la politique d’accueil des réfugiés du pays aujourd’hui, et sur la manière dont elle est supposée être mise en œuvre.
Si Shaked avait annoncé, la semaine dernière, qu’Israël était prêt à accueillir 100 000 réfugiés éligibles à la citoyenneté conformément aux dispositions de la Loi du retour – sont éligibles à la nationalité israélienne les personnes ayant au moins un grand-parent juif – en pratique, l’État juif a accueilli plus de 7 000 réfugiés et environ la moitié d’entre eux sont éligibles à la citoyenneté israélienne.

Shaked avait limité le nombre de réfugiés non-éligibles à la citoyenneté qui pourraient être accueillis en Israël à 5 000 mais, face à l’indignation publique entraînée par cette politique considérée comme trop stricte, elle avait ultérieurement annoncé que les proches de ces 5 000 personnes seraient autorisées à pénétrer sur le territoire.
Il est toutefois difficile de déterminer clairement combien de personnes pourront venir en Israël suite à ce changement de politique et qui aura réellement l’autorisation d’entrer.
« Si un réfugié est un cousin au troisième degré d’une personne qui se trouve d’ores et déjà dans le pays, son entrée ne sera pas approuvée », a dit Shaked lors de la réunion.
Le ministre du Logement Zeev Elkin a alors demandé à Shaked de clarifier ses propos.
« Le grand-père – oui. Le frère – oui. Le cousin au troisième degré – nous devrons examiner la requête », a répondu Shaked.

Elkin a rétorqué : « Mais qu’est ce que ça veut dire : ‘On devra examiner ?’ Ce n’est pas une politique. Je suis complètement perdu. Que dit cette politique ? »
Shaked a alors répondu que les membres des familles seraient autorisés à entrer.
« Les ‘membres des familles’, ça couvre un champ très large. Il faut que la politique soit claire », a asséné Elkin, qui est né en Ukraine.
« Mais pourquoi est-ce que tu me fais ça maintenant, Elkin ? », a demandé Shaked, visiblement énervée.
Il est difficile de dire à quels moments de la conversation le Premier ministre Naftali Bennett a assisté dans la mesure où il a quitté la réunion peu après son commencement pour s’entretenir au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine.
Pendant cette rencontre, le cabinet a approuvé une série de mesures visant à venir en aide aux nouveaux immigrants en provenance d’Ukraine et des pays voisins, allouant des fonds et des ressources supplémentaires à la question du logement et à celle des services de base à fournir aux nouveaux arrivants.
Selon les Nations unies, plus de 2,8 millions d’Ukrainiens ont fui le pays depuis le début de l’invasion russe et des millions d’habitants du pays auraient quitté leurs habitations, cherchant à trouver un refuge dans d’autres régions du territoire de l’Ukraine.
Judah Ari Gross a contribué à cet article.