Rima Hassan s’oppose à la libération de Boualem Sansal lors d’un vote au Parlement européen
Le Parlement européen a adopté, le 23 janvier, une résolution demandant la libération immédiate de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis 70 jours

Ce fut un vote quasiment unanime. Le 23 janvier, le Parlement européen a adopté à une écrasante majorité une résolution réclamant la libération immédiate et sans condition de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
Boualem Sansal, âgé de 75 ans, est incarcéré depuis la mi-novembre en Algérie et poursuivi en vertu de l’article 87 bis du Code pénal, qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ».
Selon le quotidien français Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris des déclarations de M. Sansal au média français Frontières, réputé d’extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie.
La résolution (533 voix pour, 24 contre et 48 abstentions) condamne également « les arrestations de tous les autres militants, prisonniers politiques, journalistes, défenseurs des droits de l’homme » dont « le journaliste Abdelwakil Blamm et l’écrivain Mohamed Tadjadit ».
Anthony Smith, Emma Fourreau et Arash Saeidi ont aussi voté contre, tandis que Manon Aubry et Younous Omarjee se sont abstenus.
L’ancien Insoumis François Ruffin s’est dit en « désaccord complet » avec le vote de ses anciens camarades. « La place d’un écrivain n’est pas en prison, qu’on soit d’accord ou pas avec ce qu’il écrit. Evidemment qu’il faut tout faire pour la libération d’un écrivain », a-t-il réagi.
Contacté par Le Figaro, le député François-Xavier Bellamy a vivement dénoncé cette position : « Des élus de gauche, heureusement minoritaires, choisissent de voter contre une résolution appelant à la libération de Boualem Sansal, préférant se faire les relais du régime algérien qui l’a pris en otage, malgré son âge et son état de santé. »
Il a ajouté : « Dans son histoire, la gauche a longtemps défendu la liberté des écrivains et des intellectuels. Une fois de plus, les députés LFI se disqualifient définitivement pour parler de droits fondamentaux ! »
« Cette résolution demandait la libération immédiate d’un homme malade. Et Mme Rima Hassan dit ‘non, je refuse, je vote contre’. C’est inhumain, c’est politiquement scandaleux », a renchéri le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qualifiant Mme Hassan de « suppôt du régime algérien ».
Le cas de l’écrivain, naturalisé français en 2024, a de fait envenimé les relations entre la France et son ancienne colonie qui se sont détériorées depuis l’été dernier avec l’annonce de l’appui de Paris au plan d’autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental.
M. Retailleau, qui a lui-même multiplié les déclarations véhémentes contre Alger, a admis que Boualem Sansal était « sans doute l’otage de cette relation tendue entre les deux pays ». Et il a demandé « au régime algérien un geste humanitaire ».
Bien que ce texte ait été co-signé par cinq groupes du Parlement européen, dont les socialistes et les écologistes, Manon Aubry, qui « soutient la libération de Boualem Sansal », a justifié son vote à l’AFP en « dénonçant l’instrumentalisation faite par l’extrême droite de ce cas pour attiser les tensions avec l’Algérie et alimenter leur agenda xénophobe ».
Même son de cloche sur son compte X (anciennement Twitter), la députée très controversée Rima Hassan a justifié son choix de ne pas voter en faveur de la résolution : « Ne pas voter ce texte, ce n’est pas s’opposer à la libération de M. Sansal, c’est s’opposer à l’instrumentalisation qui est faite de son cas. Nous restons bien entendu attentifs au sujet des droits humains en Algérie comme dans le reste du monde, et j’invite les défenseurs de Sansal à déployer autant d’énergie à défendre les droits humains des Palestiniens. »
Cette même Rima Hassan avait pourtant appelé à la mobilisation pour la libération de Georges Abdallah, condamné à la perpétuité par la justice française pour complicité dans le meurtre de deux diplomates, un Américain et un Israélien, en 1986.
Sur le plateau de BFM TV, l’eurodéputé socialiste Raphaël Glucksmann
a qualifié de « honte » le vote de sa collègue insoumise. Cette dernière a rapidement répliqué sur son compte X : « Je n’ai pas de leçon à recevoir, ni en matière de courage politique, et encore moins en matière de défense des droits humains, d’un homme politique incapable de dénoncer un génocide en cours depuis plus d’un an, issu d’un parti qui ‘réfute le terme de génocide et celui d’apartheid’. »
Pour Glucksmann, ce vote est en tout cas un argument supplémentaire pour justifier la rupture en France entre socialistes et Insoumis intervenue sur la censure du gouvernement Bayrou. « Notre vision du monde, nos principes ne sont pas les mêmes, notre rapport au débat public n’est pas le même. Arrêtons l’hypocrisie », a-t-il plaidé.