Rothman : « Je ne perdrai pas mon précieux temps dans des négociations inutiles »
Les discussions pour aboutir à un compromis sur le plan controversé de refonte judiciaire reprennent mardi
Simcha Rothman, député du parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit, l’un des artisans du plan de réforme controversé du système judiciaire israélien, a indiqué mardi que les discussions portant sur un compromis étaient « inutiles » et qu’il ne perdrait pas son temps à y participer.
Alors que les négociations directes devaient reprendre dans la matinée de mardi, Rothman a déclaré devant les caméras de la chaîne Kan que les débats « ne sont pas intéressants ».
« Je n’ai pas l’intention de perdre mon précieux temps dans de vaines discussions », a affirmé Rothman. « Les pourparlers en cours à la résidence du président sont inutiles ».
Rothman a aussi critiqué le président Isaac Herzog, disant « que s’il voulait trouver un accord, il en a eu mille fois l’occasion ».
Le législateur a affirmé que l’opposition était en train de préparer le terrain pour faire exploser les pourparlers visant à trouver un compromis.
« Ils sont en train de créer l’opportunité nécessaire pour une explosion », a dit Rothman. « Le moment de vérité arrive – il sera peut-être lié à la Commission de sélection des juges, à la loi sur le service militaire ou il arrivera parce que tout le monde aura enfin clairement compris que le mouvement de protestation n’a rien eu à voir avec la réforme ».
Rothman a répété qu’il avait été défavorable aux négociations dès le début.
« Quand ils ont décidé de mettre un coup d’arrêt aux législations, moi-même, [le leader du parti Hatzionout HaDatit Bezalel] Smotrich et de nombreux autres, au sein de la coalition, avons pensé que c’était une erreur. Mais nous avons accepté la décision prise par le Premier ministre », a indiqué Rothman.
« Cette pause et les discussions qui ont suivi n’ont guère fait avancer notre capacité à trouver des accords », a ajouté Rothman, qui a affirmé que les pourparlers avaient montré, au contraire, qu’aucun compromis n’était possible.
Les propos tenus par Rothman surviennent vingt-quatre heures après qu’un haut-responsable de la coalition israélienne de la ligne dure a confié à Haaretz que « si des accords ne sont pas trouvés dans la semaine dans les négociations en cours à la résidence du président, la Commission de sélection judiciaire ne se réunira pas sous sa forme actuelle. »
« La droite ne laissera pas la gauche imposer ses règles au sein de la Commission, des règles dont elle ne veut pas », a continué l’officiel.
Ces paroles ont ainsi été l’occasion, pour la coalition, de répéter une menace proférée par le gouvernement qui avait déclaré qu’il pourrait rompre avec la tradition et nommer deux membres issus de ses rangs au sein de la Commission chargée de nommer les juges en Israël au lieu de choisir un délégué de la coalition et un représentant de l’opposition, comme c’est la coutume. Le gouvernement avait aussi laissé entendre que la Commission pourrait tout simplement ne pas se réunir.
L’opposition, elle-même en proie à des divisions sur son candidat au sein du panel, a fait savoir qu’elle quitterait les discussions en cours à la résidence du président si la coalition devait envoyer deux de ses représentants siéger à la Commission.
Le président de la Knesset Amir Ohana a fixé, lundi, la date du vote visant à désigner les deux représentants de la Knesset au sein du panel au 14 juin.
Selon la loi actuelle, la Commission de sélection judiciaire est constituée de deux ministres du gouvernement, de trois juges à la Cour suprême et de deux membres de l’Association israélienne du barreau.
Une majorité simple est nécessaire pour désigner un juge siégeant dans une juridiction inférieure et une majorité de sept sur neuf membres est requise pour élire un magistrat à la Cour suprême – ce qui signifie que ni la coalition, ni l’opposition, ni le système judiciaire n’ont une majorité dans le panel et que le gouvernement et les professionnels du système judiciaire bénéficient d’un droit de veto concernant toute nomination d’un juge à la Cour suprême.
Par ailleurs, des informations non-sourcées qui ont été transmises lundi ont laissé entendre que la coalition proposait de geler des parties majeures du projet de réforme du système judiciaire pendant un an – notamment concernant la prise de contrôle par le gouvernement de la Commission de sélection judiciaire et l’adoption possible d’une clause dite « dérogatoire ».
La coalition aurait ainsi proposé de suspendre l’adoption d’une législation qui accorderait à une coalition au pouvoir le contrôle d’une majorité écrasante des nominations des magistrats en Israël, en offrant à la coalition une majorité automatique au sein de la Commission de sélection des juges.
Le projet de loi est d’ores et déjà inscrit à l’ordre du jour à la Knesset, et il peut ainsi être présenté quasiment sans préavis au vote pour ses deux dernières lectures.
Les opposants au projet de refonte du système de la justice israélien disent que ce projet de loi politisera les tribunaux, qu’il fera disparaître des contre-pouvoirs déterminants face à une toute-puissance potentielle du gouvernement et qu’il portera gravement atteinte au caractère démocratique de l’État juif. Son adoption entraînerait très certainement une reprise massive du mouvement de protestation lancé par ses détracteurs.
De plus, la coalition mettrait également en suspens le passage d’une loi comprenant une clause dite « dérogatoire » qui permettrait de passer outre un jugement rendu par la Haute cour si cette dernière devait invalider une législation.
Selon ces informations, ce gel pourrait être envisagé si, d’un autre côté, l’utilisation du test de « raisonnabilité » utilisé par la Haute cour faisait l’objet d’une réforme, avec également une limitation des pouvoirs des conseillers juridiques.
« Ceux qui sont au courant de ce qui se passe sont au courant et les autres le seront dans l’avenir », a dit Netanyahu. « Je sais que cette question entraîne une certaine frustration et qu’elle débouche sur une situation où nous ne sommes pas en mesure de tout dire à certains moments – mais c’est pour une bonne cause », a-t-il expliqué.
Les deux parties en lice doivent reprendre les discussions directes sur un potentiel compromis mardi, à la résidence du président.
Ces derniers jours, l’équipe de la résidence du Premier ministre, qui accueille les négociations, a rencontré séparément les deux parties, jouant un rôle d’intermédiaire.
Le plan de refonte a été mis en suspens au mois de mars, Netanyahu établissant qu’il souhaitait donner une chance à des discussions avec l’opposition, sous les auspices du président Herzog, pour tenter de trouver un compromis le plus large possible. Mais les pourparlers n’ont guère progressé et les pressions exercées sur la coalition en faveur de la reprise du processus législatif ne cessent de se renforcer.
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a menacé de quitter son poste si le projet de réforme du système judiciaire israélien n’allait pas à son terme.
Selon les critiques, ce plan ôtera à la Haute-cour sa capacité à agir comme contre-pouvoir face au parlement, mettant dangereusement en péril la démocratie israélienne. De leur côté, les soutiens du projet expliquent qu’il est nécessaire pour freiner un système judiciaire qui, selon lui, a outrepassé son autorité.
Samedi soir, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté dans tout le pays contre le plan de refonte radicale du système de la justice israélien, pour la 21e semaine d’affilée.
Carrie Keller-Lynn et Jeremy Sharon ont contribué à cet article.