Rubio « préoccupé » par la crise humanitaire à Gaza, veut empêcher le Hamas de voler l’aide
Le secrétaire d’État a rappelé que le conflit « prendrait fin immédiatement si le Hamas rendait les armes »
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a exprimé son inquiétude et s’est dit ouvert jeudi à toute nouvelle idée permettant d’acheminer de l’aide à Gaza.
Rubio s’est bien gardé de critiquer Israël à propos du blocus de Gaza, lors d’un point de presse à Antalya.
Il a indiqué avoir évoqué la situation à Gaza lors d’un entretien téléphonique jeudi avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, alors que le président Donald Trump effectue une tournée dans les monarchies arabes du Golfe. Il n’a toutefois pas précisé si le sujet avait été évoqué lors de son échange avec Netanyahu, et un communiqué ultérieur du département d’État ne mentionnait pas la question.
Depuis le 1er mars, aucune aide humanitaire n’est entrée dans la bande de Gaza. Israël affirme qu’une quantité suffisante d’aide avait été acheminée pendant la trêve de six semaines, mais que le groupe terroriste palestinien du Hamas s’est emparé d’une grande partie de cette aide. Ces dernières semaines, des responsables militaires israéliens ont toutefois alerté les autorités sur le risque imminent de famine dans l’enclave.
Le 25 avril, le président américain Donald Trump a déclaré à la presse avoir fait pression sur Netanyahu pour autoriser l’entrée de nourriture et de médicaments à Gaza. Le 5 mai, il a ajouté que la population y était « affamée », mais que le Hamas avait rendu « impossible » toute distribution.
Pour tenter de contourner le groupe terroriste, les responsables israéliens ont participé activement à la création d’une nouvelle organisation, la Fondation humanitaire de Gaza (Gaza Humanitarian Foundation, GHF). Cette dernière prévoit de distribuer l’aide via un nombre restreint de sites dans le sud de la bande de Gaza, sécurisés par des sous-traitants américains. Seuls des représentants préalablement autorisés seront habilités à venir récupérer des rations toutes les deux semaines, puis à les transporter vers une zone distincte de la « zone humanitaire » nouvellement établie autour de Rafah, désormais largement détruite.
Plusieurs organisations opérant à Gaza se sont vigoureusement opposées au plan du GHF, estimant qu’il viole les principes humanitaires. Elles dénoncent une initiative qui contraint au déplacement massif de Palestiniens ne résidant pas à proximité de cette zone, qui ignore les besoins des populations vulnérables et qui reste insuffisante pour répondre à la gravité de la crise.

« J’entends des critiques concernant ce plan. Nous sommes ouverts à une alternative si quelqu’un en a une meilleure. Nous sommes favorables à toute l’aide possible sans que le Hamas puisse la voler à la population », a déclaré Rubio lors d’une visite en Turquie, des propos qui témoignent d’un soutien mesuré à l’égard du GHF, qui a publié la veille un communiqué pour le lancement de l’opération.
« Nous soutenons toute forme d’aide, à condition que le Hamas ne puisse la détourner au détriment de la population civile », a poursuivi Rubio.
« Nous ne sommes pas immunisés ou insensibles à la souffrance de la population de Gaza », a insisté le secrétaire d’État.
« Un plan a été proposé – il est critiqué par certains – mais il offre un cadre permettant de faire parvenir l’aide sans qu’elle ne tombe entre les mains du Hamas. Nous continuerons à travailler en ce sens, de manière constructive et efficace », a-t-il ajouté.
« Je pense que nous aimerions tous voir une fin durable à ce conflit, qui, soit dit en passant, prendrait fin immédiatement si le Hamas rendait les armes », a indiqué Rubio.
« Tant qu’il existera et qu’il sera là, il n’y aura pas de paix », a-t-il assuré.
Les responsables de l’administration Trump ne se sont pas contentés d’un soutien verbal au GHF. Ces derniers jours, ils ont rencontré des représentants d’agences onusiennes et d’autres organisations humanitaires, les pressant de coopérer avec l’initiative et, dans au moins un cas, menaçant de couper le financement des groupes qui refusent.
Le GHF a annoncé mercredi vouloir débuter les distributions avant la fin mai, en précisant qu’Israël lèverait d’ici là son blocus humanitaire, en vigueur depuis plus de deux mois.

Or, jeudi soir, Israël n’avait toujours pas confirmé cette dernière décision. Un responsable israélien avait indiqué mardi au Times of Israel qu’une annonce serait faite dans les jours à venir.
Le communiqué de lancement publié mercredi par le GHF indique qu’Israël a donné son feu vert à la création de nouveaux « sites de distribution sécurisés » (Safe Distribution Sites, SDS) dans toute la bande de Gaza. Cette décision intervient après les critiques suscitées par une première note du GHF révélant que seuls 60 % des 2 millions d’habitants pourraient bénéficier de l’aide via quatre sites.
Le communiqué ne précise pas combien de sites supplémentaires ont été approuvés par Israël. La semaine dernière, un seul SDS était en construction sous supervision de Tsahal.

Le communiqué du GHF ne précise pas non plus qui financera l’initiative.
La semaine dernière, selon un responsable israélien, un représentant émirati a récemment informé ses homologues qu’Abou Dhabi ne financerait pas le projet sous sa forme actuelle. Ce refus constitue un revers majeur pour le GHF, car Israël espérait que le soutien des Émirats contribuerait à convaincre d’autres pays et organisations internationales de lui emboîter le pas.
Peu de choses sont connues sur cette fondation dont le siège est enregistré depuis février à Genève, mais les États-Unis avaient apporté leur caution la semaine dernière à cette initiative.
Interrogé jeudi pour savoir si les États-Unis apportaient un financement à cette fondation, le porte-parole adjoint du département d’État, Tommy Pigott, s’est référé à la fondation pour toute précision.
Mais, a-t-il insisté, il s’agit d’un « plan indépendant » que « nous approuvons dans le sens où nous voulons voir des solutions créatives » dans la distribution d’aide à Gaza.
L’ONU dit non
De son côté, un porte-parole de l’ONU a affirmé que l’instance onusienne ne participera pas à ce projet.
« J’ai dit clairement que nous participons aux opérations d’aide en accord avec nos principes de base. Comme nous l’avons dit de façon répétée, ce plan de distribution n’est pas en accord avec nos principes de base, y compris ceux d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, et nous ne participerons pas à ça », a déclaré Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU.
Il a indiqué que l’« ONU a un plan, un plan excellent prêt à être appliqué dès que l’on nous permettra de faire notre travail », rappelant que des camions chargés notamment de 171 000 tonnes de nourriture attendent de pouvoir entrer dans le territoire.
Avec ces provisions, « nous pourrions nourrir tout le monde » dans la bande de Gaza « probablement pendant quatre mois », « de façon efficace », a-t-il ajouté.
L’ambassadeur israélien à l’ONU Danny Danon, qui répète que son pays ne permettra pas un retour au système d’aide précédent qui, selon lui, sert le Hamas, a appelé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres à « revoir son approche » sur ce nouveau plan de distribution d’aide.
Il a assuré qu’Israël allait « faciliter » le travail de la Fondation, mais « nous ne les financerons pas », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, si le Hamas refuse de libérer d’autres otages dans le cadre d’un nouvel accord de cessez-le-feu, Israël prévoit de lancer, dès vendredi, une opération militaire de grande ampleur visant à réoccuper durablement l’ensemble de la bande de Gaza. La population y serait cantonnée dans une petite « zone humanitaire » au sud, représentant moins d’un quart du territoire de l’enclave.
L’AFP a contribué à cet article.