Salah Hamouri invité à Lyon, le grand rabbin se retire d’un groupe inter-confessionnel
"Je ne peux donner ma caution morale à des personnes qui, au lieu de promouvoir la paix dans la cité, vont bien au contraire attiser les tensions communautaires", a expliqué Daniel Dahan
Le grand rabbin de Lyon a annoncé vendredi qu’il se retirait d’un groupe inter-confessionnel créé par la mairie de Lyon, pour protester contre la participation annoncée de Salah Hamouri organisée par la mairie de Lyon le 1er février à l’occasion des 30 ans des Accords d’Oslo.
« Je ne peux donner ma caution morale à des personnes qui, au lieu de promouvoir la paix dans la cité, vont bien au contraire attiser les tensions communautaires », a expliqué Daniel Dahan dans un communiqué, pour justifier son retrait de l’instance « Concorde et Solidarité ».
Créée en 2002 à la suite de l’attentat contre la synagogue du quartier de La Duchère à Lyon, elle rassemble les représentants des cultes chrétien, juif et musulman.
« La quitter ou donner des raisons de la quitter serait abandonner sur le bas-côté de la longue route du dialogue que nous entretenons depuis plus de 20 ans », a regretté dans un communiqué le recteur de la Grande Mosquée de la ville, Kamel Kabtane.
Une conférence intitulée « Trente ans après la signature des Accords d’Oslo, regards sur la Palestine », sous l’égide du maire de Lyon, Grégory Doucet (EELV), est prévue mercredi à l’hôtel de ville.
Parmi les participants à cette table ronde figure Hamouri, qui a été expulsé le 18 décembre par Israël, après plusieurs mois de détention administrative.
Hamouri avait été emprisonné en Israël entre 2005 et 2011 pour participation à la tentative d’assassinat d’Ovadia Yossef, ancien grand rabbin d’Israël et fondateur du parti ultra-orthodoxe, le Shas, avant d’être libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de 1 027 prisonniers ayant permis la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Vivant en France depuis son expulsion, il est soupçonné par Israël de liens – ce qu’il nie – avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation classée terroriste par l’Etat hébreu et l’Union européenne (UE).
La France avait condamné cette expulsion, la jugeant « contraire au droit ».
« J’ai changé d’endroit mais le combat continue. (…) Aujourd’hui, je sens que j’ai une responsabilité énorme pour ma cause et mon peuple », avait déclaré Hamouri dès son arrivée en France.
Dans un entretien au quotidien régional Le Progrès vendredi, Doucet, rappelant que cette conférence est « un focus sur les Territoires palestiniens », a expliqué cette invitation. « On l’invite pour ce qu’il est. Quelqu’un qui connaît la situation dans les Territoires palestiniens, qui a passé un temps significatif en détention. Moi, je ne porte pas de jugement sur la justice israélienne. Je ne vais pas non plus me faire son avocat. J’offre la possibilité aux gens de l’entendre. »
Soucieux de « montrer que l’on n’est pas dans une optique partiale », Doucet, également critiqué par une partie de la droite locale, avait indiqué mercredi avoir proposé aux représentants « d’instances ou associations juives lyonnaises » de « convier autour de la table » un représentant « de leur choix ».
Dans une lettre adressée à M. Doucet dont l’AFP a obtenu copie, le président LR du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez s’est dit « particulièrement troublé » par cette invitation à Hamouri et demande à l’édile écologiste d’y renoncer.
« Quand il s’agit d’un sujet aussi complexe et sensible que celui du conflit israélo-palestinien, cela ne peut se faire que dans le respect de l’esprit qui a présidé à la conclusion de ces accords (d’Oslo, NDRL) : la recherche de la concorde et la quête de la paix. Une dimension qui semble ici faire défaut », a-t-il écrit.
Parallèlement à la décision du grand rabbin, l’Organisation juive européenne (OJE), qui lutte contre l’antisémitisme, a indiqué vendredi à l’AFP, par la voix de son avocate, Me Julie Buk Lament, avoir saisi le tribunal administratif de Lyon en référé-liberté pour demander la suspension de cette conférence, au nom de « la neutralité du service public » et de la participation d’un « membre d’une organisation reconnue terroriste par la France et l’Union européenne ».