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Sébastien Selam : une requalification en crime antisémite est-elle possible ?

Plusieurs responsables communautaires juifs s'interrogent sur ce meurtre perpétré contre un juif en 2003, période où la loi n'était pas aussi précise

Sébastien Selam. (Crédit : affaireselam / Dailymotion)
Sébastien Selam. (Crédit : affaireselam / Dailymotion)

Cette nuit du 19 novembre 2003, Sébastien Selam, alias « DJ LamC », 23 ans, se faisait froidement assassiner et mutiler à coups de couteau et de fourchette dans les sous-sols de son immeuble du 10e arrondissement. Le coupable : Adel Amastaibou, qui était son voisin et aussi son meilleur ami – les deux jeunes hommes se connaissaient depuis l’enfance.

Amastaibou, qui avait été jugé peu avant pour avoir menacé de mort un rabbin, ne réfutera pas la thèse du crime antisémite, criant même : « J’ai tué un Juif ! J’irai au Paradis. »

Dans son procès verbal, consulté et révélé par la chaine i24News, qui a diffusé un reportage consacré à l’affaire il y a quelques jours, il déclarera le soir même à la police : « Je suis content s’il est mort cet enculé, ce bâtard, s’il est mort, je suis trop content, ce putain de juif, sale juif. »

Selon la chaine, le même document précisait que « le comportement de Amastaibou est manifestement sensé et volontaire » et que le suspect « se dit pleinement satisfait de son acte ».

Sébastien Selam (Crédit : affaireselam / Dailymotion)

Le caractère antisémite du crime ne sera pourtant jamais retenu – ce pour quoi se bat la famille du DJ et leurs avocats depuis des années. L’acte sera jugé comme relevant de la folie, Amastaibou ayant effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique auparavant. Il bénéficiera finalement d’un non-lieu pour irresponsabilité pénale en 2006.

Pour Guillaume Didier, ancien membre de cabinet au ministère de la Justice, le motif antisémite n’a jamais été retenu malgré les propos du suspect car « à l’époque, ni pour le législateur, ni pour l’institution judiciaire, ni même pour la société, il n’était très naturel de relever ces circonstances aggravantes d’antisémitisme ». Selon lui, « cela avait pour origine une raison très simple : cette circonstance aggravante de crime antisémite ne datant dans le code pénal français que de 2003, l’année même du meurtre de Sébastien Selam ».

Francis Kalifat, président du CRIF, à Paris, le 29 mai 2016. (Crédit : François Guillot/AFP)

Selon Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), la France et les organisations juives « n’ont pas pris la juste mesure de ce crime lorsqu’il s’est produit ». « Sébastien Selam a été assassiné par un extrémiste musulman qui s’était radicalisé. Nous n’avons pas à ce moment-là saisi l’ampleur des choses », a-t-il expliqué sur le plateau de i24News.

Lundi, Alain Jakubowicz, avocat et ex-président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), a affirmé que le jeune Juif était « incontestablement mort pour cause d’antisémitisme ». « Il a été choisi parce qu’il était Juif, c’est un crime antisémite, mais l’auteur de ce crime n’a pas pu être jugé pour des raisons qui sont légales », a-t-il ajouté.

Alain Jakubowicz, président de la LICRA (Crédit : capture d’écran YouTube)

L’avocat a néanmoins affirmé « croire que [son] ami Francis Kalifat regardait cette affaire avec les yeux d’aujourd’hui ; nous étions en 2003. » A l’instar de Guillaume Didier, il a ainsi rappelé que le texte relatif à la circonstance aggravante du caractère antisémite « n’était pas applicable au moment des faits ». « A ce moment-là, les choses n’étaient pas aussi évidentes qu’elles ne le sont aujourd’hui. L’antisémitisme venant de ce milieu-là était quelque chose d’extrêmement nouveau. »

Meyer Habib, député de la 8e circonscription des Français de l’étranger, a quant à lui promis qu’il écrirait à Emmanuel Macron pour tenter de rouvrir l’enquête sur le meurtre de Sébastien Selam « pour que justice soit faite », a-t-il déclaré dimanche à i24News.

Meyer Habib, député des Français de l’étranger. (Crédit : capture d’écran YouTube/Meyer Habib)

Selon lui, alors qu’il était à l’époque membre du bureau exécutif du Crif, une « erreur » a été commise. « Nous sommes passés à deux doigts de dupliquer ce scandale » dans l’affaire Sarah Halimi, a ajouté le député, en faisant référence à une femme juive orthodoxe sexagénaire qui a été assassinée par son voisin musulman, le 3 avril 2017.

Dans un premier temps, les conclusions tirées dans l’affaire liée au meurtre de Sarah Halimi étaient similaires à celles tirées dans l’affaire concernant Sébastien Selam. Ainsi, si les juges et les experts ont d’abord considéré qu’il ne s’agissait pas d’actes antisémites mais d’actes délirants, ils admettaient que « le délire était alimenté d’une thématique antisémite ambiante », comme l’a défini l’expert psychiatre Daniel Zagury dans son rapport sur la personnalité de Adel Amastaibou.

« Morts parce que Juifs » ; enterrement en Israël des victimes de l’Hyper Cacher de Vincennes, en janvier 2015 (Crédit: Flash90)

Le meurtre de Sébastien Selam, qui remonte à 2003, aurait-il ainsi un jour une chance d’être redéfini comme relevant de l’antisémitisme ? Selon Me Gilles-William Goldnadel, avocat des proches de Sarah Halimi et de Mireille Knoll, une octogénaire juive retrouvée brûlée à son domicile le 25 mars 201! par cela serait possible « à condition qu’il y ait un fait nouveau », ce qui serait « quelque chose de très difficile ».

Aujourd’hui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on dénombre officiellement onze victimes de l’antisémitisme en France : Ilan Halimi en 2006, les quatre victimes de la tuerie de l’école juive Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, les quatre victimes de la prise d’otage de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes en 2015, et Sarah Halimi et Mireille Knoll plus récemment. Sébastien Selam ne fait pour l’instant toujours pas partie de ces tristes statistiques.

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