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Sélection des juges, réexamen des Lois fondamentales : première lecture approuvée à la Knesset

Après une journée de manifestations et de discours féroces, le vote est passé avec 63 voix "Pour" et 47 voix "Contre"

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et le ministre de la Justice Yariv Levin, à droite, à la Knesset, le 20 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et le ministre de la Justice Yariv Levin, à droite, à la Knesset, le 20 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La Knesset a adopté en première lecture et aux premières heures de la journée de mardi une législation significative – la première qui entre dans le cadre de l’effort controversé du gouvernement de la droite dure du Premier ministre Benjamin Netanyahu visant à refondre le système judiciaire. Une adoption qui a eu lieu dans un contexte de critiques féroces de l’opposition et après que des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées aux abords de l’enceinte de la Knesset, à Jérusalem.

Le vote a remporté 63 voix « Pour » et 47 voix « Contre », sans abstention même si certains députés avaient boycotté le scrutin. La loi va dorénavant revenir au sein de la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice pour être préparée en vue de la seconde lecture et de la troisième – qui devraient être organisées d’ici la fin du mois de mars.

Associée, lors du vote, à un autre texte de loi technique, la législation vient amender la Loi fondamentale : Le système judiciaire en accordant le contrôle sur les nominations des juges au gouvernement et en ôtant à la Haute-cour sa capacité à réexaminer les Lois fondamentales.

Sponsorisés par la Commission de la Constitution, du droit et de la justice, les projets de loi proposent de transformer le processus de sélection des magistrats en le plaçant pleinement sous l’autorité du gouvernement. Ils empêchent aussi la Haute-cour de procéder au réexamen judiciaire des Lois fondamentales israéliennes, qui sont quasi-constitutionnelles. Ce qui devrait par conséquence ôter à la Haute-cour le droit d’invalider le même amendement à la Loi fondamentale mettant en place cette nouvelle règle.

Les votes ont été précédés de plus de six heures de débat intense. Les partisans de la réforme ont ainsi assuré que la législation allait renforcer la démocratie israélienne tandis que l’opposition a averti le gouvernement qu’elle en saperait les fondations. Les votes ont finalement eu lieu peu après minuit.

Des dizaines de milliers de personnes se sont par ailleurs rassemblées aux abords de la Knesset en amont du vote, brandissant des drapeaux israéliens et scandant « Dé-mo-cra-tie » alors qu’ils demandaient à ce que le gouvernement mette un terme à ses efforts de restructuration radicale du système judiciaire.

Le ministre de la Justice Yariv Levin à la Knesset de Jérusalem, le 20 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le ministre de la Justice Yariv Levin, l’un des artisans à l’origine du projet de refonte judiciaire, s’est réjoui du vote, disant qu’il allait permettre de « restaurer la démocratie ».

Netanyahu, pour sa part, a salué « un grand jour » pour le pays.

De son côté, le leader de l’opposition, Yair Lapid, a fustigé la coalition, avertissant que la loi aura de graves répercussions.

« A vous, les membres de la coalition : l’Histoire vous jugera pour ce que vous avez fait ce soir. Pour les atteintes que vous avez faites à la démocratie, pour les atteintes que vous avez faites à l’économie, pour les atteintes que vous avez faites à la sécurité, parce que vous avez déchiré la nation d’Israël et parce que vous vous en moquez », a affirmé Lapid, à la tête du parti Yesh Atid.

Le chef de la formation HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a évoqué « une sombre journée » pour la démocratie ». « Dès demain matin, nous continuerons le combat », a dit Gantz.

Avant le vote, un certain nombre de députés d’opposition Yesh Atid ont organisé une manifestation en séance plénière, s’enveloppant le corps dans des drapeaux israéliens lors du lancement du débat. Ils ont été exclus de la salle. En plus des députés, des personnes qui avaient pris place dans la galerie des spectateurs se sont avancés vers les panneaux de verre qui y sont installés, cognant sur ces derniers avant d’être escortés vers l’extérieur de l’enceinte par la sécurité.

Même s’il ne s’agissait que des deux premiers de loi qui constituent l’enveloppe de la réforme judiciaire du gouvernement, les votes de lundi ont représenté potentiellement un tournant dans le discours politique sur le plan proposé par la coalition.

Des députés de l’opposition se drapent dans des drapeaux israéliens pendant un débat à la Knesset sur le premier projet de réforme judiciaire, le 20 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/ Flash90)

Les soutiens de la refonte du système de la justice au sein de la coalition – et principalement Levin et le responsable de la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice Simcha Rothman – ont indiqué qu’ils allaient s’engager dans « un dialogue » avec l’opposition une fois que les textes auraient franchi l’obstacle de la première lecture. Pour leur part, les leaders de l’opposition ont averti que l’adoption en première lecture de ces projets de loi controversés pouvait sonner le glas de potentielles négociations.

Rothman a indiqué après le vote qu’il serait heureux d’entrer dans un dialogue dont le président Isaac Herzog serait le médiateur. La semaine dernière, Herzog avait appelé la coalition à stopper le processus législatif pour permettre la discussion et les chefs de l’opposition continuent à dire qu’ils ne parleront pas avec la coalition à moins que cette dernière n’interrompe l’avancée de la réforme devant le parlement, ce que le gouvernement refuse catégoriquement de faire.

Si les deux parties devaient venir à la table des négociations, le calendrier choisi par la coalition devrait entraver gravement tous les efforts de pourparlers.

Levin a confirmé pendant la discussion de lundi qu’il espérait achever « la première phase de la réforme » au parlement dans moins d’une semaine – ce qui permettra de passer « à la deuxième phase ».

Au-delà des projets de loi actuels et du plan en plusieurs points que Levin avait présenté comme « la première phase » – avec la limitation radicale de la capacité de la Haute-cour à invalider les lois et avec la possibilité de les légiférer à nouveau devant la Knesset avec une majorité simple – la coalition n’a pas encore fait part des changements supplémentaires qui sont prévus.

Dans des propos tenus juste avant le vote, Levin a expliqué que les modifications intervenant au sein de la commission chargée de sélectionner les juges ouvriront la porte au « pluralisme » et qu’elles permettront de placer « des juges venant de toutes les catégories de la population et de maintenir l’indépendance du système judiciaire.

Il a dénoncé « des campagnes d’intimidation » contre les changements envisagés. « Les efforts visant à empêcher la réforme ont échoué et ils échoueront encore », a-t-il ajouté.

Il a vivement recommandé aux leaders de l’opposition, Lapid et Gantz, de « venir discuter » sur le programme tout entier de réforme radicale, disant que « j’ai la conviction que nous pouvons trouver des accords. »

Il a toutefois comparé le refus du dialogue de la part de l’opposition au rejet d’Israël au sein de la Ligue arabe, citant les « non, non, non » de la résolution de Khartoum en 1967.

« Nous allons procéder à la première lecture ce soir », avait expliqué Levin. « Nous avons suffisamment de pouvoir au niveau politique pour procéder à la deuxième et à la troisième… mais je ne cesserai jamais de tenter de trouver des accords ».

En même temps, a-t-il assuré, « je promets à tous les citoyens d’Israël que rien ne me dissuadera de faire ce qu’il y a de juste – avec l’institution d’une réforme profonde, nécessaire, du système judiciaire israélien et ce sans délai ».

Des manifestants sont exclus d’un débat à la Knesset que le premier projet de loi de la réforme judiciaire, le 20 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Les projets de loi de lundi redistribuent le pouvoir au sein de la Commission de sélection judiciaire, mettant un terme à l’équilibre actuel de cette dernière qui nécessite que les représentants politiques et du milieu juridique trouvent un accord – accordant dorénavant la majorité à la coalition et aux politiciens issus du gouvernement qui pourront décider des nominations.

En supprimant la présence, au sein du panel, de l’Association des avocats israéliens, le texte de législation répartit les neuf sièges de la commission de manière égalitaire entre le système judiciaire, le système législatif et l’exécutif – mais il offre à la coalition au pouvoir le contrôle de cinq des votes, ce qui est également le nombre de voix qui sera requis pour finaliser une nomination.

Le ministre de la Justice continuera à présider le panel et il y sera rejoint par deux ministres choisis par la Knesset. La coalition pourra aussi faire siéger deux députés au sein de la commission : le président de la Commission de la Constitution et un deuxième législateur. Il y aura un représentant de l’opposition.

Même si l’inclusion d’un parlementaire issu de l’opposition – qui sera choisi par les partis siégeant dans cette dernière – dans les rangs de cette commission est une tradition, c’est la première fois que cette exigence est inscrite dans la loi. Le deuxième député sera choisi par le président de la Knesset.

La présidente de la Cour suprême représentera le système judiciaire aux côtés de deux magistrats à la retraite – jusqu’à présent, ces deux fauteuils étaient occupés par des juges de la Haute cour. Le choix des juges reviendra au ministre de la Justice mais il devra obtenir l’approbation, pour ses choix, de la présidente de la Cour suprême.

Des Israéliens dans une gare de Jérusalem s’apprêtent à rejoindre une manifestation aux abords de la Knesset où des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées pour s’opposer à la refonte judiciaire gouvernementale, le 20 février 2023. (Crédit : Flash90)

Dans la matinée de lundi, la commission de Rothman a continué à travailler sur le prochain élément de l’enveloppe de la refonte du système judiciaire qui accorderait une immunité préemptive à certaines lois, bloquant ainsi leur potentiel réexamen par la Haute cour.

Ce projet de loi présenté à titre privé qui est consacré à une clause dite « d’exemption » et qui a été soumis par Rothman permettrait aux députés d’interdire le réexamen par les juges de textes spécifiques par l’ajout d’une clause. Même si elle est parfois confondue avec la clause « dérogatoire » – qui autorisera la Knesset à réadopter des législations invalidées au préalable par les magistrats – cette clause « d’exemption » empêchera dès le début les tribunaux de les examiner et de les rejeter.

Le président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Kustice de la Knesset, le député Simcha Rothman (au centre), lors d’une audience le lundi 19 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Yulia Malinovsky, membre de la Commission de la Constitution, du droit et de la justice issue de l’opposition, a estimé qu’elle doutait qu’un dialogue permettrait d’apporter des changements substantiels dans la réforme.

« Préparer le projet de loi pour la première lecture s’est apparenté à poser une arme chargée sur la table. L’adopter en première lecture s’apparente à placer l’arme sur la tempe », a dit la législatrice de Yisrael Beytenu au Times of Israel à l’extérieur de la salle où se tenait la séance plénière, lundi soir.

Le chef de sa formation, Avigdor Liberman, a déclaré plus tard à la tribune qu’il ne croyait pas à la possibilité d’un dialogue de bonne foi sur le paquet de réformes avec le gouvernement de Netanyahu. Yisrael Beytenu a boycotté le vote, Liberman disant qu’il ne voulait pas accorder une légitimité aux propositions en votant à leur sujet.

Pendant les discussions qui ont précédé le vote, les députés de la coalition ont rappelé à un certain nombre de parlementaires de l’opposition appartenant aux partis de droite que dans le passé, ils avaient apporté leur soutien à certains éléments figurant dans les projets de loi. En particulier, l’ex-ministre de la Justice Gideon Saar, issu de la faction HaMahane HaMamlahti, qui avait récemment proposé une clause dite « dérogatoire ». Saar a affirmé, pour sa part, soutenir une refonte qui serait beaucoup plus limitée.

L’ancien ministre Oded Forer (Yisrael Beytenu) a déclaré que cette comparaison était trompeuse, les réformes prises individuellement « pouvant en effet être acceptables », a-t-il reconnu. Il a toutefois fait remarquer que « le problème est de toute les rassembler », en créant un système de suprématie politique sur le système judiciaire.

Après l’adoption en première lecture, les projets de loi reviendront en Commission de la Constitution, du droit et de la justice, qui les préparera pour la deuxième lecture et pour la troisième, qui sont souvent consécutives. Si, en théorie, ces lectures pourraient avoir lieu dans les prochains jours, il est plus probable que le processus prenne plusieurs semaines.

Un large concert de critiques bruyantes émanant du système judiciaire jusqu’à la société civile, en passant par la communauté du monde des affaires, a averti que cette refonte radicale neutralisera le système de contre-pouvoirs israélien. Pour leur part, les alliés étrangers de l’État juif ont fait part de leurs inquiétudes face à une réforme qui, selon eux, pourrait laisser sans protection les droits des minorités et la communauté des affaires a mis en garde contre une détérioration du climat économique et contre une baisse importante des investissements dans le pays, exerçant des pressions pour que le gouvernement accepte de se lancer dans des pourparlers et d’assouplir son plan.

Netanyahu avait indiqué, lundi, que les votes se dérouleraient comme prévu à la Knesset mais qu’il encouragerait le dialogue « demain ».

Dans un autre projet de loi qui a été adopté aux premières heures de la matinée de mardi, la Knesset a donné son approbation finale au ré-établissement du ministère des Affaires stratégiques, qui avait été fermé par le précédent gouvernement. C’est Ron Dermer, confident de Netanyahu, qui prendra la tête du ministère. Ancien ambassadeur israélien aux États-Unis, Dermer travaillera à l’élargissement des Accords d’Abraham et il prendra en charge tous les dossiers relatifs à la Maison Blanche.

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