Si le plan économique est flou, il fait allusion à des concessions israéliennes
Attendu depuis longtemps, le document au langage pompeux compte des critiques indirectes d'Israël et n'offre que peu de détails sur sa mise en pratique

Le plan économique de l’Administration américaine pour améliorer l’économie palestinienne – la première étape d’un plan de paix en deux parties – compte de nombreuses phrases et expressions ronflantes qui permettent habilement de ne rien dire de spécifique : donner du pouvoir au peuple, débloquer du potentiel, améliorer la gouvernance et la capacité à lancer des programmes, et parle de cadre politique institutionnalisé pro-croissance.
Le document de 40 pages publié samedi, qui promet d’investir 50 milliards de dollars pour développer l’économie palestinienne – après l’aboutissement des négociations de paix avec les Israéliens – est le premier élément tangible des efforts de paix de l’administration Trump, après plus de deux ans de rencontres, de promesses et de retards.
Malheureusement, quiconque voulant comprendre comment la Maison-Blanche envisage cet accord de paix trouvera le document profondément frustrant.
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Et pourtant, s’ils font un effort pour plisser les yeux, les Palestiniens, constamment frustrés par les politiques de l’administration Trump, vont peut-être y trouver quelques rares points positifs. Le document présente bien des critiques sous-entendues d’Israël et des recommandations qui font peut-être référence à des concessions substantielles de la part de Jérusalem.
Le Plan de paix pour la prospérité, qui se focalise sur trois « piliers distinctifs de la société palestinienne : l’économie, le peuple et le gouvernement » et qui promet plus de 50 milliards de dollars d’investissements internationaux sur une décennie, a le potentiel « d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire palestinienne – une histoire définie, non pas par l’adversité et la perte, mais par la liberté et la dignité », annonce l’avant-propos du plan.
Samedi, des officiels à Ramallah ont rapidement rejeté le plan, avançant l’argument que l’économie palestinienne fleurira seulement une fois que l’occupation israélienne sera terminée. Husam Zomlot, l’ambassadeur palestinien à Londres, a déclaré : « La base de l’économie est qu’aucune valeur monétaire ne peut se substituer à la souveraineté économique qui est le premier pré-requis pour la prospérité. »
Pourtant, comme le dit depuis longtemps Jared Kushner, beau-fils et conseiller proche du président américain Donald Trump, qui dirige les efforts de l’administration pour négocier un accord de paix au Moyen-Orient, le premier volet économique de ce qui a été appelé « l’Accord du siècle » vise à éviter de se laisser piéger dans les aspects politiques du conflit israélo-palestinien.
Le plan choisit soigneusement d’éviter des termes comme « Palestine », « Etat », « solution à deux Etats », « Etat juif », « implantations », « occupation » ou « annexion ». Il mentionne Israël six fois, et seulement dans le contexte des pays voisins de la « Cisjordanie et de Gaza ». Le texte évite l’emploi de termes comme « Territoires palestiniens », et ne mentionne pas les zones A, B et C entre lesquelles la Cisjordanie est actuellement divisée, en respect des accords d’Oslo.
La seconde partie du plan, qui traite des questions centrales du conflit comme les frontières et la sécurité, doit être dévoilée dans une phase ultérieure (probablement vers la fin de l’année, après qu’un nouveau gouvernement israélien aura été formé).

Pourtant, le Plan de paix pour la prospérité, dont les détails seront discutés précisément lors de l’atelier de travail économique de la semaine prochaine au Bahreïn, inclut bien des critiques implicites d’Israël, et des références à des recommandations qui pourraient bien ne pas plaire à Jérusalem.
A titre d’exemple, le plan de Kosher soutient des « mesures pour améliorer la coopération palestinienne avec l’Egypte, Israël, la Jordanie, avec l’objectif de réduire les barrières régulatrices de mouvements des biens et de personnes palestiniens ».
Cela pourrait impliquer des politiques qui nécessitent une levée du blocus maritime d’Israël sur Gaza, et d’enlever les barrages routiers et autres entraves à la liberté de mouvement.
« Le peuple palestinien est quotidiennement confronté à des difficultés logistiques en Cisjordanie et à Gaza, l’empêchant de voyager, limitant son développement économique, réduisant ses exportations, et bloquant l’investissement étrange direct », précise le document.
Selon Yair Lapid, co-dirigeant du parti Kakhol lavan, cette partie du plan est un « message direct au gouvernement israélien qu’il devra faire certaines concessions sérieuses ». Lapid a écrit sur Facebook : « Nous devons clairement expliquer à l’avance que toutes les concessions sont conditionnées au fait que la liberté d’action de Tsahal en Cisjordanie reste intacte. »
Pour soulager les restrictions qui bloquent la croissance, le plan de paix pour la prospérité propose non seulement la construction de routes supplémentaires à travers la Cisjordanie et Gaza, mais aussi un nouvel « axe de circulation qui relie directement la Cisjordanie et Gaza grâce à une route principale, et éventuellement, une ligne de train moderne ».

Ce projet va « réduire les difficultés de mouvement pour les Palestiniens et enlever les obstacles qui retardent et empêchent les biens d’aller sur les marchés en reliant directement les centres de population et en assouplissant les restrictions de mouvement ».
L’axe reliant Gaza à la Cisjordanie est l’un des projets les plus tangibles du programme. L’autre élément très concret est la construction prévue et le développement d’une « nouvelle université modèle pour les sciences humaines et la science en Cisjordanie et à Gaza » qui pourrait coûter jusqu’à 500 millions de dollars.
Un autre point offrant une critique implicite mais forte d’Israël est à retrouver dans la proposition du plan de développer l’agriculture palestinienne. Actuellement, l’agriculture représente moins de 10 % des emplois palestiniens, et ce secteur n’a pas encore atteint son potentiel complet « à cause de l’accès limité des fermiers palestiniens à la terre, l’eau et la technologie », explique le document.
Sans le dire avec beaucoup de mots, le plan de Kushner semble faire écho aux critiques qui accusent Israël d’empêcher les fermiers palestiniens de profiter des ressources naturelles déjà réduites qui sont à leur disposition.
Pour remédier à cette situation, le plan de paix pour la prospérité propose « un environnement d’affaires amélioré en Cisjordanie et à Gaza et un accès à plus de terres ».
Le plan propose aussi d’apporter son soutien à des start-ups palestiniennes en développement qui font face à des « entraves pour se développer [à cause] des contraintes en terme de ressources auxquelles elles sont actuellement confrontées ».
Il est intéressant de noter que l’administration américaine, qui a coupé les financements pour l’art aux Etats-Unis, cherche à encourager les artistes palestiniens.
La Cisjordanie et Gaza sont « les foyers de beaucoup des artistes et poètes les plus célèbres de la région », a expliqué le texte, en soulignant que « le grand héritage culturel [des Palestiniens] devrait être célébré et soutenu ».
Le document a aussi recours à de la douce flatterie, en vantant le potentiel touristique de la cuisine palestinienne.
Mais s’il y a bien certaines parties du document que les Palestiniens trouveront inoffensives, et peut-être dignes d’intérêt, certaines parties – et les Israéliens aussi, pour cette raison – seront peut-être plus difficiles à analyser en détails.
Et tout cela parce que, jusqu’à présent, le plan, et tout son vocabulaire pompeux, est seulement disponible en anglais. On ne sait pas si la Maison-Blanche publiera des versions en arabe et hébreu.
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