“Soros” rate une occasion : un mauvais film sur le milliardaire juif hongrois
Le documentaire, sorti vendredi dans des cinémas virtuels et en salle aux États-Unis, est une publicité univoque pour George Soros, moins précise que sa page Wikipédia
NEW YORK – À un moment donné au cours des cinq dernières années, j’ai pris une profonde inspiration et je me suis dit : « Soit ! Je vais chercher George Soros sur Wikipedia. »
Bien sûr, j’avais entendu parler de lui. C’est un investisseur milliardaire qui a fait fortune en bourse, ce recoin étrange de l’univers dont j’ai accepté depuis longtemps que je n’y comprendrai jamais rien. (La roulette me semble être un jeu bien plus honnête, mais tout le monde n’est pas d’accord.) Bref ; quelle qu’en soit la raison, ce milliardaire particulier a fâché beaucoup de gens. De la part de l’extrême gauche, par méfiance naturelle à l’égard de quiconque dispose de tant d’argent, mais les rumeurs d’un infâme marionnettiste international ont émané de la droite très encline aux théories du complot. Soros était juif, donc les accusations sonnaient comme une vieille rengaine familière, mais d’autres le traitaient de collaborateur nazi. Quelque chose était clairement inhabituel chez ce type.
Donc, j’ai ouvert Wikipedia. Et bien que je n’aie que survolé la page, j’en ai appris davantage par ce coup d’œil rapide qu’après avoir vu le documentaire Soros qui vient de sortir.
Le film sera projeté en salle dans certaines villes et dans les cinémas virtuels à partir du 20 novembre.
Réalisé par Jesse Dylan (le fils de notre cher Bob), ce portrait du milliardaire hongrois de 90 ans n’est en aucun cas un « vrai » film. C’est comme l’une de ces vidéos promotionnelles qu’on vous montre avant de vous vendre une propriété. C’est une publicité de 86 minutes pour vous vendre le génie de George Soros, qui plus est 86 minutes profondément ennuyeuses. Bien que certains descendants du Grand Homme fassent une apparition pour faire l’éloge de Papa, vous ne glanerez pas le moindre détail sur la vie intime de Soros, ce qui le motive ou comment il a réellement fait fortune. Mais vous serez convaincu, espère Dylan, que George Soros est le plus grand homme qui ait jamais vu le jour, et celui qui contesterait est un demeuré.
C’est dommage car de mon point de vue, il semble que Soros ait accompli de belles choses. Et l’histoire de sa vie pourrait être racontée d’une manière intéressante. Il est né à Budapest dans une famille juive de classe moyenne. Il avait 13 ans lorsque les nazis ont occupé la Hongrie, et son père a réussi à obtenir de faux papiers pour la famille, qui s’est séparée par souci de sécurité. Le jeune George vivait avec un fonctionnaire de niveau intermédiaire, dont le travail consistait, entre autres, à évaluer les domiciles qui avaient été évacués. Il a participé à un déplacement à la campagne pour évaluer un domaine ayant appartenu à une famille juive – il a plus tard raconté qu’il était terrifié que sa véritable identité ne soit découverte. Cet événement dans la vie du jeune garçon a conduit à des accusations de collaboration nazie (vous pouvez voir Ann Coulter de Fox News faire de telles accusations dans ce film).
Après la guerre, Soros (et d’autres) découvre que la vie sous domination soviétique n’était pas non plus une partie de plaisir. Il a finalement rejoint Londres, et après avoir lu le livre influent La société ouverte et ses ennemis de Karl Popper, il a développé une école de pensée basée sur la nuance et le compromis, suspicieux à la fois du fascisme et du communisme.

Son esprit vif et la souplesse de sa « pensée agile » lui ont vite permis d’acquérir une grande richesse sur les marchés internationaux. C’est un endroit où le film déçoit vraiment. Enfin, je suis un penseur agile ! Pourquoi n’ai-je que 17 centimes sur mon compte en banque ? Quelque magie noire que Soros a déployée pour convertir sa créativité en une énorme richesse est laissée dans le vague. Il parle d’investissements dans les banques britanniques pour stimuler leur économie, mais il m’était impossible de comprendre de quoi il parlait. Très frustrant.
Quoi qu’il en soit, en 1979, George Soros a eu une prise de conscience. Il en avait assez d’être juste riche. Il souhaitait également laisser une trace, et a engagé une réflexion sur l’injustice raciste dont il a été témoin et victime dans sa jeunesse. Il a commencé à verser des fonds à des groupes anti-apartheid en Afrique du Sud et à subventionner des bourses d’études. Les résultats lui ont plu, il s’est vite tourné vers la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Russie. Il a financé des personnalités telles que Lech Walesa, Vaclav Havel et Andrei Sakharov, leur fournissant le matériel nécessaire pour développer et organiser les luttes contre le communisme. Soros trace une ligne directe du carnet de chèques de Soros aux machines Xerox de l’autre côté du rideau de fer qui a conduit à la chute du mur de Berlin.
Une flopée d’intervenants, de Kofi Annan à Joseph Stiglitz, de Sherrilyn Ifill à Ethan Zuckerman, l’inventeur de la publicité pop-up, se gargarisent sur la philanthropie de Soros. Il est suggéré qu’il a fait davantage que les Nations unies, ou du moins que les États-Unis, pour arrêter les meurtres dans les Balkans, et a personnellement fait juger Slobodan Milosevic.

Dylan se tourne vers certains critiques. Ils prennent ombrage de l’unilatéralisme de ses actions, lesquels, bien qu’ils puissent apporter des changements spectaculaires et rapides dans les affaires mondiales, ne représentent que les caprices de Soros. Dans l’absolu, c’est une critique raisonnable. Mais Dylan ne nous montre qu’Alex Jones, Glenn Beck ou d’autres personnages des plus ridicules. La seule nouvelle originale est une interview de Tucker Carlson, le présentateur assez irrationnel de Fox News. Bien que sous son meilleur jour dans le film, le fait que sa voix soit la plus raisonnable qu’on puisse y trouver met la puce à l’oreille.
L’un des projets de Soros au fil des années est celui du Myanmar, où il a soutenu Aung San Suu Kyi, récemment réélue. Pendant des années, elle est apparue comme une grande dirigeante, jusqu’à ce qu’il devienne évident qu’elle soutient un nettoyage ethnique contre les Rohingya.
Dans le film, les interlocuteurs de Soros haussent alors les épaules, du genre « eh bien, tout le monde peut se tromper », et des explications supplémentaires telles que « depuis, il a beaucoup œuvré pour aider cette minorité assiégée ».

Le film se conclut par l’analyse de l’utilisation récente de Soros comme code pour parler de « l’argent juif » et le sentiment anti-Soros en Europe contre les migrants. On nous rappelle que les gens de droite s’acharnent sur le mauvais gars : Soros n’a-t-il pas vaincu le communisme ? En prime, c’est une bande d’ingrats. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui a basé sa campagne sur la diabolisation de Soros, a fréquenté l’université grâce à une bourse… Soros !
Le problème principal avec Soros est une absence flagrante d’objectif. Il y a plusieurs montages de « chaos dans le monde » qui n’ont aucun rapport avec ce dont les gens parlent. Il y a des images d’archives de conflits dans le monde (des combats de rue, des bagarres dans les Parlements asiatiques, des images du KKK) pendant que Soros aborde les méfaits de la méchanceté entre les hommes. Plus tard, pendant que le film résume l’œuvre de sa vie, on voit des images d’archives de belles choses. Il y a un éléphant en Inde qui a l’air heureux. Pourquoi pas..?
Si Soros a clairement été réalisé avec l’approbation de George Soros, il ne semble pas être l’un des sponsors du film. Si Soros avait investi financièrement dans ce film, le résultat aurait peut-être été meilleur.
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