Start-ups : 68 % vont transférer siège et fonds à cause de la refonte judiciaire
Selon Start-Up Nation Central, le nombre de chefs et d'investisseurs de start-up ayant décidé de retirer leurs fonds et de se délocaliser a fortement augmenté depuis 3 mois
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

Près de 70 % des startups israéliennes sont en train de prendre des mesures actives pour retirer leurs fonds et transférer des parties de leurs activités en dehors du pays en raison de l’incertitude créée par le projet de refonte du système judiciaire, selon une enquête de Start-Up Nation Central, qui suit l’évolution de l’écosystème technologique local.
Selon les résultats de l’enquête, 68 % des startups israéliennes ont pris des « dispositions juridiques et financières », dont le retrait de liquidités, le transfert de leur siège social hors d’Israël, la délocalisation d’employés et des licenciements. Dans l’ensemble, 78 % des dirigeants de startups interrogés ont déclaré que le plan controversé du gouvernement visant à affaiblir le système judiciaire du pays avait un impact « négatif » sur leurs activités, et 84 % des investisseurs en capital-risque ont déclaré qu’il avait une influence négative sur les entreprises composant leur portefeuille.
Entreprises et investisseurs sont en train d’entreprendre des démarches concrètes pour transférer leurs activités hors d’Israël ; cette tendance s’est considérablement accrue au cours des trois derniers mois », a déclaré Avi Hasson, directeur général de Start-Up Nation Central. « Les tendances inquiétantes telles que l’enregistrement d’une société à l’étranger ou le lancement de nouvelles startups en dehors d’Israël seront difficiles à inverser. »
« En tant qu’organisation dont la mission est de renforcer l’industrie technologique en Israël, il est de notre devoir de partager ces données avec les décideurs en Israël et de fournir un tableau actualisé de la situation au fur et à mesure qu’elle évolue », a déclaré Hasson.
L’écosystème technologique est un moteur de croissance essentiel pour l’économie israélienne, puisqu’il génère environ 16 % du PIB et plus de 50 % des exportations, et qu’il contribue à plus de 25 % de l’impôt sur le revenu total perçu par le gouvernement.
L’enquête, menée auprès de 734 fondateurs et PDG de startups et directeurs généraux de fonds de capital-risque représentant un échantillon de 521 entreprises de l’écosystème technologique israélien, a été réalisée les 18 et 19 juillet afin d’évaluer les implications économiques des projets de loi du gouvernement dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui visent à limiter l’autorité de la Cour suprême. Parmi les personnes interrogées figuraient 615 dirigeants de startups et 119 investisseurs.

Les réformes contestées du système judiciaire proposées par la coalition ont déclenché des manifestations de masse à travers tout le pays depuis plus de six mois. Des cadres et des employés du secteur de la technologie ont pris part aux manifestations, craignant que le plan ne sape le système de contrôle et de contre-pouvoir en Israël et ne menace son caractère démocratique, ce qui à son tour, craint-on, ferait fuir les investissements étrangers.
L’enquête a été publiée alors que quelque 200 entreprises du secteur technologique et un groupe représentant 150 des plus grandes entreprises israéliennes ont annoncé une grève pour lundi, avec des banques, des centres commerciaux et des stations-service fermés et certaines entreprises travaillant à capacité réduite avant et pendant le vote final de la Knesset sur le projet de loi sur le « caractère raisonnable », le premier élément de la réforme judiciaire prévue à devenir une loi.
Environ 22 % des entreprises interrogées ont déclaré avoir déplacé leurs réserves de liquidités hors d’Israël pour diversifier les risques, et 31 % ont déclaré avoir l’intention de retirer des fonds à l’avenir. Par ailleurs, 37 % des investisseurs ont déclaré que les entreprises de leur portefeuille avaient retiré une partie de leurs réserves de liquidités pour les transférer à l’étranger.
En outre, 19 % des startups interrogées ont déclaré avoir licencié des employés, 46 % d’entre elles ayant licencié entre 10 et 30 % de leurs effectifs et 28 % ayant réduit leurs effectifs de plus de 30 %. Environ 25 % des investisseurs en capital-risque ont signalé des licenciements dans les entreprises composant leur portefeuille. Le secteur technologique emploie environ 400 000 personnes, soit plus de 11 % de la main-d’œuvre israélienne.
Parmi les entreprises interrogées, 8 % ont répondu qu’elles avaient déjà entamé le processus de transfert de leur siège social en dehors d’Israël, et 29 % ont exprimé leur intention de le faire dans un avenir proche. Parmi les investisseurs, 20 % ont noté que les entreprises qui composent leur portefeuille ont commencé à transférer leur siège social et 69 % des investisseurs ont déclaré que les entreprises qui composent leur portefeuille ont l’intention de le faire à l’avenir.
L’incertitude liée au projet de réforme du système judiciaire incite déjà les investisseurs à privilégier les entreprises étrangères, affectant ainsi la capacité des start-ups israéliennes à lever des fonds. Quelque 67 % des investisseurs ont déclaré qu’ils investissaient ou envisageaient d’investir dans des entreprises étrangères.

Selon des données récentes de la société de capital-risque Viola publiées ce mois-ci, les levées de fonds des entreprises technologiques israéliennes au premier semestre de l’année ont chuté de 73% à 3,2 milliards de dollars, contre 12 milliards de dollars au premier semestre 2022, et ont marqué le chiffre le plus bas depuis au moins 2018.
Les investissements dans le secteur de la technologie ont continué à baisser au niveau mondial, mais à un rythme plus lent. Sur les six premiers mois de l’année, l’activité mondiale de financement a chuté de 50 % pour atteindre 168 milliards de dollars, contre 333 milliards de dollars levés sur la même période en 2022 et 348 milliards de dollars au premier semestre 2021.
Alors que les premiers signes de reprise sont déjà visibles dans le rebond du secteur technologique américain cette année, l’Autorité de l’Innovation d’Israël et d’autres représentants de l’écosystème technologique israélien ont exprimé leur inquiétude ces dernières semaines, craignant que la poursuite de l’instabilité politique et sociale locale ne conduise à une situation où la reprise de l’industrie technologique mondiale contournerait l’économie israélienne.
En ce qui concerne les mois à venir, les startups et les investisseurs israéliens interrogés dans le cadre de l’enquête ont indiqué qu’ils s’attendaient à ce que les investissements en capital-risque aux États-Unis se redressent de manière plus substantielle et à un rythme plus rapide qu’en Israël.
Environ 65 % des investisseurs pensent que les États-Unis montrent déjà des signes de reprise ou qu’ils en verront dans les six mois, contre seulement 12 % en Israël.
« L’écosystème subit actuellement des vents contraires et l’avenir des investissements en capital-risque en Israël est incertain », selon l’enquête. « Le manque de clarté concernant l’horizon attendu de la reprise en Israël est très important. »