Israël en guerre - Jour 373

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Syrte, ville aux 1 001 vies, à nouveau au cœur du conflit libyen

Ville natale de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi puis bastion du groupe Etat islamique, elle est désormais de nouveau au centre du conflit entre pouvoirs rivaux

Forces loyales au gouvernement d'unité appuyé par l'ONU dans le centre de Syrte, pendant l'opération de reconquête de la ville, aux mains des groupes djihadistes de l'Etat islamique, le 10 juin 2016. Illustration. (Crédit : Mahmud Turkia/AFP)
Forces loyales au gouvernement d'unité appuyé par l'ONU dans le centre de Syrte, pendant l'opération de reconquête de la ville, aux mains des groupes djihadistes de l'Etat islamique, le 10 juin 2016. Illustration. (Crédit : Mahmud Turkia/AFP)

Verrou stratégique entre l’est et l’ouest de la Libye, Syrte, ville natale de l’ex-dictateur Mouammar Kadhafi puis bastion du groupe Etat islamique (EI), est de nouveau au centre du conflit entre pouvoirs rivaux, avec en arrière-plan leurs parrains internationaux.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, un allié du maréchal Khalifa Haftar – l’homme fort de l’Est -, l’a présentée comme une « ligne rouge » à ne pas franchir par les forces du Gouvernement d’union libyen (GNA), reconnu par l’ONU et soutenu par la Turquie. M. Sissi a menacé de faire intervenir directement son pays.

Localité stratégique

À 300 km des rives européennes, Syrte est située à mi-chemin entre la capitale Tripoli, à l’Ouest, et Benghazi, la principale ville de Cyrénaïque (est).

Cette région désertique a longtemps servi de séparation entre les provinces romaines et helléniques d’Afrique du Nord.

Syrte est historiquement formée de villages épars, avec une population rurale appartenant à quatre principales tribus : les Kadhafa – clan du futur dictateur Mouammar Kadhafi –, les Werfalla, les Forjane et surtout les Magariha, qui seront les plus fidèles soutiens à Kadhafi.

La ville a compté jusqu’à 120 000 habitants, mais nombre d’entre eux ont fui durant la révolution de 2011 ou après sa prise par l’EI en 2015. Il resterait quelque 50 000 civils.

Sur un axe nord-sud, la ligne qui relie Syrte à al-Joufra (à 280 km de distance) est historiquement considérée comme la frontière entre Tripolitaine et Cyrénaïque, et pendant des siècles, son principal intérêt a résidé dans cet axe géographique.

Cet intérêt s’est accentué durant la période contemporaine au regard de sa proximité avec la zone du « croissant pétrolier », plus à l’Est, où se trouvent les principaux terminaux et ports du pays.

L’entrée de Syrte, en Libye. (Crédit : Chapultepec / Domaine public)

Choyée par Kadhafi

Le statut de la ville a été encore davantage chamboulé à partir de 1970, avec l’arrivée au pouvoir d’un de ses enfants, Mouammar Kadhafi.

Celui-ci a tout fait pour mettre sa ville natale à l’honneur, tentant même d’en faire la capitale de sa « Jamahiriya » (« Etat des masses », NDLR).

Dans les années 1990, le dictateur a un temps ordonné l’installation des ministères à Syrte, avant d’y faire siéger son Parlement, mais le nombre de victimes, dont des ministres, sur la route a fini par décourager ses plans.

Kadhafi est en revanche parvenu à créer une nouvelle province administrative pour sa région : « al-Wosta » (« la centrale »), en plus des trois autres déjà existantes – Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan (sud).

Son centre de conférence « Ouagadougou », érigé pour accueillir les sommets africains et internationaux et servir sa politique panafricaine, a connu la genèse de l’Union africaine (UA), avec la « déclaration de Syrte » du 9 septembre 1999.

Dans les années 2000, les dignitaires étrangers prennent la direction de Syrte pour y rencontrer, sous sa tente, le fantasque dictateur libyen.

Dans le tumulte du Printemps arabe, Kadhafi est finalement capturé et tué à proximité de Syrte, en octobre 2011, après que son convoi eut été visé par un raid aérien de la coalition menée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

Le roi Hussein, à l’extrême droite, aux côtés de Gamal Abdel Nasser, Yasser Arafat et Mouammar Kadhafi en 1970 (Crédit : Autorité palestinienne via Abed Rahim Khatib/flash 90)

Bastion de l’EI

Après 2011, Syrte, perçue comme un symbole de l’ancien régime, est livrée à elle-même, dans un pays à la dérive.

Profitant de ce chaos, l’EI, alors à son apogée, en fait son principal bastion libyen.

À compter de juin 2015, le drapeau noir des jihadistes flotte sur les bâtiments publics de la cité portuaire où mains et têtes sont tranchées en place publique.

Sa reconquête vient finalement de Misrata, important comptoir à 250 km à l’Ouest, d’où partent en mai 2016 la majorité des forces pro-GNA, gouvernement qui s’est installé quelques semaines plus tôt à Tripoli.

En décembre, appuyées par l’aviation américaine, les forces pro-GNA chassent le groupe ultraradical, au terme de combats meurtriers.

Des membres des forces de sécurité affiliées au ministère de l’Intérieur du gouvernement libyen d’accord national (GNA) se tiennent à un poste de contrôle de fortune dans la ville de Tarhuna, à environ 65 kilomètres au sud-est de la capitale Tripoli, le 11 juin 2020. (Crédit : Mahmud TURKIA / AFP)

Du GNA à Haftar

Bien que dans le giron du GNA, Syrte n’en a pas fini avec le conflit déchirant le pays.

En janvier 2020, elle est conquise par les troupes du maréchal Khalifa Haftar, alors que l’homme fort de l’est libyen mène une offensive pour s’emparer de Tripoli.

Appuyés par l’Egypte, les Emirats arabes unis et la Russie, les pro-Haftar parviennent à entrer dans la ville quasiment sans combattre, en achetant notamment l’allégeance d’un groupe armé salafiste local.

Si ce camp Haftar tient toujours la ville, le rapport de force a brusquement évolué ces dernières semaines avec la série de conquêtes militaires des forces du GNA, qui ont bénéficié du soutien accru d’Ankara.

Après avoir repris le contrôle de tout le nord-ouest libyen, les forces du GNA se sont dirigées vers Syrte. Le front s’est stabilisé mi-juin à l’ouest de la ville.

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