Thomas Friedman à Biden et MBS : Ne soyez pas « les idiots utiles » de Netanyahu
L'éditorialiste du New York Times a imploré le président américain de n'accepter un accord de normalisation entre Jérusalem et Ryad que s'il inclut des concessions israéliennes
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Thomas Friedman, célèbre éditorialiste au New York Times, a imploré le président américain Joe Biden et le prince saoudien Mohammed bin Salman, mardi, de ne pas devenir « les idiots utiles » du Premier ministre Benjamin Netanyahu en acceptant un accord de normalisation entre le royaume et Israël qui ne ferait pas concrètement avancer la perspective d’une solution à deux États dans le cadre du conflit israélo-palestinien.
Dans son dernier éditorial, il affirme ainsi que tout accord faisant progresser la perspective de la solution à deux États provoquerait très certainement l’effondrement du gouvernement de la ligne dure de Netanyahu qui est majoritairement constitué – mais pas uniquement – d’opposants à la solution à deux États.
Semblant suggérer que tout accord qui ne fera pas tomber le gouvernement israélien devra être considéré comme un accord qui ne va pas assez loin sur la question palestinienne, Friedman écrit que « vous ne pouvez pas mettre en place une normalisation des relations avec un gouvernement israélien qui n’est pas normal. Il ne sera jamais un allié stable des États-Unis, ou un partenaire de l’Arabie saoudite. Actuellement, le gouvernement israélien n’est pas un gouvernement normal. »
Les éditoriaux de ce journaliste du NYT seraient lus avec beaucoup d’attention par Biden et le président américain a fait appel à plusieurs occasions à Friedman pour transmettre indirectement des messages concernant la relation entretenue entre les États-Unis et Israël.
Au cours des derniers mois, l’administration Biden a redoublé ses efforts en faveur de la négociation d’un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite, considérant que l’alliance fera avancer ses propres intérêts dans la région.
Pour sécuriser cet accord, elle réfléchit actuellement aux demandes soumises par Ryad, qui réclame un pacte de défense majeur avec les États-Unis et le soutien de Washington à un programme nucléaire civil. En échange, la Maison Blanche a demandé à Ryad de prendre ses distances face à la Russie et face à la Chine, que ce soit au niveau économique et au niveau militaire.
Dans le cadre de cet accord, la Maison Blanche attend des Saoudiens qu’ils normalisent leurs liens avec Israël – tout en cherchant à obtenir des concessions de la part de Jérusalem sur la question des Palestiniens, dans le but de minimiser l’impact de la conclusion de l’accord dans le monde musulman, qui affiche sa sympathie à l’égard des Palestiniens, et dans le but également d’apaiser les progressistes qui, au Congrès, dénoncent depuis longtemps les antécédents de l’Arabie saoudite en matière de droits de l’Homme.
Netanyahu affirme, pour sa part, que la composante faisant intervenir les Palestiniens dans l’accord sera largement symbolique, dans la mesure où les dirigeants, à Ryad, ne s’intéressent pas autant à cette question que certains pourraient le penser.
« Je veux par conséquent lancer un appel direct au président Biden et au prince héritier Mohammed bin Salman (MBS): Ne laissez pas Netanyahu faire de vous ses idiots utiles », écrit Friedman.
Il met en particulier Biden en garde contre les « belles paroles » que pourrait tenir Netanyahu et qui pourraient pousser les États-Unis à accepter une situation où le Premier ministre israélien continuerait à avancer son plan de refonte judiciaire « sans avoir à accorder quoi que ce soit de significatif aux Palestiniens, laissant ainsi libre cours à son rêve d’annexion de la Cisjordanie ».
Friedman indique qu’à la place, Biden et MBS devront accepter un accord de normalisation prévoyant le gel de toutes les constructions d’implantation dans les secteurs de la Cisjordanie qui permettraient l’établissement d’un futur État palestinien (il n’a pas, par ailleurs, précisé l’ampleur de ces territoires) ; qui mettrait un terme à la légalisation de tous les avants-postes illégaux ; qui ouvrirait la voie au transfert des zones placées sous le contrôle israélien de la Cisjordanie aux Palestiniens et qui déclarerait « que l’objectif poursuivi par le processus diplomatique sera celui d’une solution à deux États en Cisjordanie ».
« Ce qui obligerait le gouvernement de Bibi et le peuple israélien à faire un choix : Voulez-vous l’annexion ou voulez-vous la normalisation avec le pays musulman le plus important ? » interroge Friedman dans son éditorial.
Il admet, dans ses écrits, ne pas savoir ce qui pourrait se passer en Israël si un accord de normalisation devait entraîner l’effondrement de la coalition actuelle. Les leaders de l’opposition ont promis de ne pas rejoindre Netanyahu dans un tel cas de figure.
En conséquence, écrit Friedman, si les deux parties « parviennent à réaliser un accord de normalisation, alors elles remporteront le Prix Nobel de la paix et le Prix Nobel de physique ».