Trump défend les pourparlers directs avec le Hamas ; Israël furieux, tente de les saboter
Le président américain dit vouloir libérer tous les otages israéliens mais Witkoff admet que les Américains sont prioritaires et accuse le Hamas de mentir lors des pourparlers
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le président américain Donald Trump a défendu jeudi les négociations directes sans précédent menées par son administration avec le groupe terroriste palestinien du Hamas, affirmant qu’elles avaient pour objectif d’aider Israël et d’obtenir la libération d’otages israéliens.
« Ces discussions servent à aider Israël car il s’agit d’otages israéliens », a déclaré Trump aux journalistes alors qu’il signait plusieurs décrets dans le Bureau Ovale.
« Nous ne faisons rien pour le Hamas. Nous ne leur donnons pas d’argent », a-t-il poursuivi. « Il faut négocier. Il y a une différence entre négocier et payer. Nous voulons faire sortir ces gens. »
Évoquant sa rencontre avec huit otages libérés la veille, Trump a déclaré qu’il avait eu du mal à croire leurs récits sur les mauvais traitements subis en captivité.
Selon la Treizième chaîne, Trump aurait demandé à plusieurs reprises aux anciens captifs si l’opinion publique israélienne soutenait la poursuite de l’accord sur les otages au-delà de la première phase. Les sondages indiquent que la majorité d’Israéliens y est favorable, bien que la base électorale de la coalition soient moins nombreux à soutenir la deuxième phase.
Jeudi, Trump a déclaré que les otages l’avaient encouragé à poursuivre l’accord.

« Il en reste 59, dont 24 sont encore en vie, et ils ont dit qu’ils étaient en très mauvais état… [mais les otages libérés] veulent savoir si nous pouvons continuer » les efforts pour libérer les Israéliens encore retenus à Gaza, a déclaré Trump.
« J’ai fait une déclaration qui se passe d’explications », a-t-il poursuivi, faisant référence à l’ultimatum qu’il a lancé après sa rencontre de mercredi avec les otages libérés, dans lequel il a exigé la libération immédiate des otages restants, sous peine de voir le Hamas « détruit ».
« Quelqu’un va devoir se montrer beaucoup plus ferme qu’il ne l’est actuellement. C’est une honte. »
Une fuite sur les pourparlers visant à les saboter
Jérusalem voit d’un très mauvais œil les discussions directes entre les États-Unis et le Hamas, a confié un responsable gouvernemental au Times of Israel, sous couvert d’anonymat. Selon ce même responsable, Israël serait à l’origine de la fuite médiatique de mercredi révélant l’existence de ces négociations, confirmant ainsi une information publiée par le site Ynet.
Alors que la Maison Blanche assure avoir consulté Israël sur la question, le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’a eu vent de l’existence des négociations américaines avec le Hamas qu’a posteriori, a ajouté le fonctionnaire.
D’après Ynet, les États-Unis ont délibérément choisi de ne pas prévenir Israël de la récente rencontre entre Adam Boehler, émissaire de Trump pour les otages, et des représentants du Hamas, car lors d’une tentative précédente, Washington avait sollicité l’avis de Jérusalem, ce qui avait conduit Israël à exprimer une vive opposition, forçant les États-Unis à annuler la réunion programmée.
Cette fois-ci, Boehler a décidé de passer outre. La rencontre a principalement porté sur la libération de l’otage israélo-américain Edan Alexander, ainsi que sur la restitution des dépouilles de quatre otages à la double nationalité israélienne et américaine, Omer Neutra, Itay Chen, Gadi Haggai et Judi Weinstein. La discussion aurait également exploré les contours d’un accord plus large entre Israël et le Hamas, incluant la libération de tous les otages restants et un cessez-le-feu global, qui mettrait fin à la guerre déclenchée par le pogrom du 7 octobre 2023 mené par le groupe terroriste.

Une fois informé de cette réunion, après coup, Israël aurait cherché à torpiller l’initiative en le divulguant aux médias, précise Ynet.
Le responsable du gouvernement a indiqué au Times of Israel que que cette fuite avait pleinement atteint son objectif, puisque les pourparlers avec le Hamas ont été gelés depuis.
L’opposition israélienne à ces négociations directes s’explique par la crainte que les États-Unis ne se contentent d’un accord partiel, privilégiant la libération des otages américains au détriment d’un cadre plus large incluant les otages israéliens et d’autres aspects sécuritaires.
Priorité aux Américains
L’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, a tenté de rassurer Israël, affirmant jeudi que Washington restait déterminé à obtenir la libération de tous les otages.
Il a néanmoins reconnu qu’Edan Alexander constituait une priorité pour l’administration, précisant que les États-Unis souhaitaient que le Hamas libère ce soldat de Tsahal de 20 ans en signe de bonne volonté.
« Edan Alexander est très important pour nous, comme tous les otages, mais Edan Alexander est américain et il est blessé. Il constitue donc une priorité absolue pour nous », a déclaré Steve Witkoff aux journalistes lors d’un point de presse à l’extérieur de la Maison Blanche.
Il a semblé confirmer que la libération d’Alexander avait bien été évoquée lors des discussions directes entre Adam Boehler et les représentants du Hamas, tout en déplorant que ces discussions n’aient, pour l’instant, donné aucun résultat concret.

Il est temps pour le Hamas de jouer cartes sur table
« Malheureusement, ce que nous avons appris, c’est que le Hamas nous a dit qu’il allait réfléchir à la question …à sa manière. C’est une information importante pour nous », a expliqué Witkoff, faisant référence à l’ultimatum publié ensuite par le président Trump sur les réseaux sociaux.
« Nous voulons que ces otages rentrent chez eux. Nous n’allons pas rester les bras croisés à ne rien faire face à des conditions aussi inhumaines. Ce qu’ils ont enduré est insupportable. Qui retient des cadavres ? Qui fait ça ? Qui enchaîne des otages sous terre ? Qui exécute des otages devant d’autres otages ? Ce qui s’est passé ici est intolérable, et le président Trump ne le tolérera pas. »
« Nous sommes prêts à dialoguer. Mais si le dialogue échoue, l’alternative ne sera pas agréable pour le Hamas », a averti Witkoff.
Malgré l’impasse apparente, Wiktoff a déclaré qu’il espérait que le Hamas adopte une attitude plus conciliante dans les jours à venir.
« Le président a été clair sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. J’espère que nous pourrons avancer de manière constructive la semaine prochaine, et que je pourrai me rendre sur place pour poursuivre les discussions », a-t-il déclaré, précisant qu’il prévoyait de se rendre dans quatre pays de la région, sans en révéler la liste.
« Adam Boehler est l’envoyé spécial chargé des otages et il a eu des discussions. Nous pensons que le Hamas n’a pas été honnête avec nous, et il est temps qu’il le soit », a poursuivi Witkoff. « La libération d’Edan Alexander serait un geste important. Nous attendons désormais la réponse du Hamas. »

Au-delà du cas d’Alexander, Witkoff a indiqué que la seule voie d’issue acceptable pour le Hamas serait de libérer l’ensemble des otages restants et de quitter Gaza, une option que le groupe terroriste n’a pour l’instant pas semblé envisager.
Conscient des incertitudes entourant la suite des événements après l’ultimatum lancé par Trump, Witkoff a reconnu que « personne ne sait exactement ce qui va se passer ».
« Des mesures seront prises. Cela pourrait inclure une coordination avec Israël », a-t-il déclaré aux journalistes.
Lorsqu’il a été interrogé sur la nature de cette éventuelle coordination, Witkoff a semblé nuancer l’idée que les États-Unis pourraient participer directement à une action militaire contre le Hamas.
« Nous sommes les garants du processus. Ce sont les Israéliens qui contrôlent Gaza aujourd’hui… et leur interlocuteur est le Hamas. Toute opération viendrait principalement d’Israël », a-t-il expliqué. « Mais vous avez entendu le président le dire hier : il fournira à Israël tout le soutien nécessaire. Ce seront les Israéliens qui agiront, mais avec un soutien, physique et moral, extrêmement fort de la part des États-Unis. »
Interrogé sur la signification de l’ultimatum de Trump pour la deuxième phase de l’accord, qui devait commencer dimanche dernier, Witkoff a répondu que « certains appellent cela une extension de la première phase, d’autres parlent de deuxième phase. Honnêtement, peu m’importe le nom qu’on lui donne ».
« Il est temps pour eux de regagner un peu de crédit politique et de prouver qu’ils en sont capables. »
« Le Hamas a l’occasion d’agir de manière raisonnable, de faire ce qui est juste, puis de se retirer », a déclaré Witkoff. « Il n’a aucun avenir au sein d’un quelconque gouvernement à Gaza. Et, sincèrement, je ne conseillerais à personne de tester la détermination du président Trump », a-t-il ajouté.

Lorsqu’on l’a interrogé sur l’existence d’une date butoir précise fixée par Trump, Witkoff a répondu qu’il pensait « qu’une telle date existe, mais je ne suis pas en mesure d’en parler. »
Witkoff a également défendu la décision de mener des pourparlers directs avec le Hamas, soulignant qu’elle relevait de la responsabilité Boehler.
« Il appartenait à l’envoyé spécial de mener ces discussions, afin de déterminer s’il existait une réelle possibilité d’obtenir un résultat concret », a-t-il expliqué. « Je salue son engagement. Adam se soucie profondément de sauver des vies. Les familles des otages lui en sont reconnaissantes, tout comme le président Trump. »
De son côté, Boehler a également commenté les efforts de l’administration Trump pour obtenir la libération des otages.
« Vous verrez des annonces dans les prochains jours », a-t-il déclaré lors d’un événement organisé au département d’État à l’intention des familles des otages américains.
« Le président continuera à exercer une pression maximale jusqu’à ce que tous nos ressortissants américains, qu’ils soient vivants ou morts, soient rapatriés », a ajouté Boehler.
« Vous avez entendu ce que le Président a dit hier au Hamas, il a clairement indiqué que l’enlèvement injustifié de citoyens américains, ou de tout autre nationalité, est inacceptable et qu’il y sera répondu de la manière la plus ferme qui soit. Ce président n’a aucun état d’âme à recourir à la force lorsque c’est nécessaire. Et nous serons tous à ses côtés pour le soutenir », a ajouté Boehler.

Le Hamas lance un avertissement ; Washington soutient le gel de l’aide à Gaza
Le porte-parole du Hamas, Abu Obeida, a averti jeudi que toute nouvelle escalade militaire israélienne contre le groupe terroriste de Gaza conduirait très probablement à l’exécution de plusieurs otages.
Il a également affirmé que les menaces israéliennes de guerre totale et de blocus ne garantiraient pas la libération des otages, ajoutant que le Hamas restait prêt à appliquer l’accord de trêve négocié avec Israël — à condition que Jérusalem respecte la deuxième phase de cet accord.
Israël refuse cependant de mettre en œuvre cette deuxième phase, qui prévoit un retrait complet de Tsahal de Gaza et la fin définitive de la guerre, en échange de la libération des otages encore en vie.
Bien que Netanyahu ait accepté ces conditions en janvier, il a refusé de négocier les modalités de la deuxième phase, qui aurait dû commencer il y a un mois.
À la place, il a tenté d’imposer un nouveau cadre visant à prolonger le cessez-le-feu après l’expiration de la première phase, samedi.
Ce cadre, qui, selon lui, a été proposé par Witkoff, prévoit une prolongation de six semaines du cessez-le-feu, jusqu’à la fin de Ramadan et de Pessah. La première moitié des otages serait libérée au début de cette période, et la seconde à son terme, sous réserve qu’un accord soit trouvé pour un cessez-le-feu permanent.

Le Hamas a cependant rejeté cette proposition, ce qui a conduit Israël à annoncer dimanche qu’il suspendrait désormais l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.
Le département d’État a soutenu jeudi la décision israélienne concernant l’aide humanitaire. La porte-parole Tammy Bruce a expliqué que « l’aide ne peut être acheminée que dans un cadre sécurisé, donc tant que (…) nous ne pouvons pas garantir la sécurité de ce qui entre dans la région, l’acheminement sera suspendu ».
« Il ne s’agit pas d’un chantage, mais d’une évaluation liée à la situation sécuritaire sur le terrain », a-t-elle ajouté.
Or, selon les termes de l’accord conclu en janvier, Israël est censé autoriser l’entrée de l’aide tant que les négociations autour de la deuxième phase sont en cours.
Des organisations de défense des droits de l’homme dénoncent cette suspension, affirmant que le refus ou l’utilisation de l’aide comme levier de négociation constitue une violation du droit international.