Trump : Je n’exclus pas le projet israélien d’attaque de l’Iran, mais je ne suis pas pressé
Le Premier ministre a vanté les "nombreuses" mesures contre le programme nucléaire sans nier que le président américain ait bloqué la frappe ; les milieux de la sécurité fulminent contre la fuite des plans de Tsahal

Le président américain Donald Trump a déclaré jeudi qu’il n’était pas pressé de donner le feu vert aux frappes sur les installations nucléaires iraniennes, dans le sillage de la publication d’un article paru dans le New York Times révélant qu’il s’était opposé à un projet israélien d’attaque conjointe qui devait avoir lieu le mois prochain.
Cette confirmation partielle du contenu de l’article du Times de la part de Trump lui-même s’est produite au moment où autorités iraniennes et alliées se préparent à une deuxième série de pourparlers avec les États-Unis, samedi, pour parvenir à un accord diplomatique autour du programme nucléaire iranien.
Oman a confirmé jeudi que les pourparlers auraient lieu à Rome, coupant court aux rumeurs iraniennes laissant entendre qu’ils se tiendraient à nouveau lieu à Mascate.
Interrogé au sujet de l’information selon laquelle il aurait « refusé » un projet israélien d’attaque de sites nucléaires de la République islamique le mois prochain, Trump a déclaré : « Je ne dirais pas ‘refusé’ ». Avant d’ajouter : « Je ne suis pas pressé de le faire », ce qui confirme en partie l’information.
S’adressant aux journalistes depuis le Bureau ovale aux côtés de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, Trump a déclaré : « L’Iran a une chance d’avoir un grand pays et de vivre heureux, sans victimes, c’est ce que je souhaite. C’est ce que je privilégie. »
« S’il y a une deuxième option », a-t-il poursuivi, « ce sera très mauvais pour l’Iran, mais je crois que l’Iran souhaite négocier. J’espère qu’ils veulent négocier. Ce sera très bon pour eux. L’Iran ne peut pas avoir l’arme nucléaire. C’est aussi simple que cela. »
La République islamique, qui a juré la destruction d’Israël, assure que son programme nucléaire a une vocation purement civile, mais ses niveaux d’enrichissement de l’uranium atteignent des niveaux bien supérieurs à ce qui est requis pour une utilisation civile et la république islamique empêche en outre les inspecteurs d’inspecter ses sites nucléaires.
Un Premier ministre qui se félicite des nombreuses mesures prises contre le programme nucléaire iranien
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réagi à l’article du Times, jeudi, en se réjouissant des « nombreuses » mesures prises contre le programme nucléaire iranien, sans toutefois nier que Trump ait mis son veto à une frappe.
« Le Premier ministre Netanyahu mène depuis plus d’une dizaine d’années une campagne mondiale contre le programme nucléaire iranien, et ce même lorsque certains en minimisaient le risque ou le qualifiaient de manigance politique », ou qu’ils traitaient le Premier ministre de « paranoïaque » », a déclaré son cabinet par voie de communiqué.
« Le Premier ministre a pris de très nombreuses mesures, officiellement ou non, pour lutter contre le programme nucléaire de l’Iran – et ce n’est que grâce à elles que l’Iran ne dispose pas de l’arme nucléaire aujourd’hui. »
« Ces mesures ont eu pour effet de retarder le programme nucléaire iranien d’une dizaine d’années, grâce à la détermination du Premier ministre, dans son pays comme à l’étranger, à tenir tête aux opposants à sa politique agressive envers l’Iran », poursuit le communiqué.
« Comme le Premier ministre l’a dit à plusieurs reprises : Israël ne laissera pas l’Iran se doter de l’arme nucléaire », conclut le communiqué.

Au cœur du secret
Jeudi soir, la chaîne N12 a cité un haut responsable de la sécurité israélienne, furieux de la fuite d’informations relayée par le New York Times et des détails qu’elle donne sur les projets d’attaque et sur le moment choisi – ce qui est susceptible, selon lui, de porter atteinte aux relations entre Jérusalem et Washington.
« Les détails qui sont révélés sont dramatiques et [cette fuite est] susceptible de porter atteinte à la bonne entente avec l’administration américaine », ont déclaré les sources.
« Le gros du secret concernant l’Iran a été révélé », ont déclaré ces membres des autorités en parlant du projet d’attaque, y compris « la méthode qui serait employée, le timing, les mécanismes de coordination et le facteur surprise. C’est très dommageable aux intérêts israéliens face à l’Iran. »
La chaine a par ailleurs cité des diplomates israéliens, parlant sous couvert d’anonymat, qui ont estimé que les États-Unis et l’Iran « se précipiteraient sur un mauvais accord, trop vite ».
Selon l’article du Times, le projet de frappe prévoyait des bombardements conjoints israélo-américains couplés à des opérations des commandos israéliens sur des sites nucléaires souterrains, avec des frappes aériennes américaines pour protéger les équipes sur le terrain.
Une telle opération aurait requis des mois de préparation et les autorités israéliennes et américaines, surtout Netanyahu, auraient souhaité en accélérer le processus. L’idée du commando a donc été mise de côté et « les autorités israéliennes et américaines ont commencé à évoquer une vaste campagne de bombardement ».
Selon les sources, cette campagne aurait commencé début mai et duré plus d’une semaine, de façon à éliminer dans un premier temps les système de défense antiaérienne iraniennes épargnés par les frappes d’Israël, l’année dernière, avant que les commandos israéliens ne frappent directement les sites nucléaires. Une telle attaque n’aurait sans doute pas manqué de susciter, de la part de l’Iran, des tirs de missiles de représailles sur Israël que l’aide des États-Unis aurait permis de repousser.
Selon les informations données par la radio publique Kan, jeudi, Israël estime que les États-Unis ont divulgué l’information dans le but de faire pression sur l’Iran dans le cadre des négociations.
De quoi détruire les bunkers
Kan a également rapporté qu’en dépit du veto de Trump à une attaque conjointe en mai prochain, les États-Unis continuent d’envoyer à Israël d’énormes cargaisons de munitions, y compris des bombes anti-bunker qui pourraient servir lors d’une frappe sur les sites nucléaires iraniens.
Ces dernières 24 heures, a rapporté la chaîne jeudi soir, neuf avions de transport militaire sont arrivés à la base aérienne de Nevatim, dans le sud d’Israël, avec à leur bord des centaines de bombes, y compris des bombes anti-bunker utilisables lors d’une frappe en cas d’échec des négociations.
En début de semaine, Kan avait indiqué que des dizaines d’avions américains étaient arrivés en Israël avec à leur bord des bombes lourdes MK84 ainsi que des missiles intercepteurs destinés au système de défense aérienne THAAD.

Russes et Saoudiens
L’Iran a également continué à manœuvrer pour gagner en influence en vue des pourparlers.
Le guide suprême iranien Ali Khamenei a envoyé jeudi son ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, à Moscou avec une lettre au président Vladimir Poutine informant le Kremlin des négociations nucléaires avec les États-Unis.
Alliée de longue date de Téhéran, la Russie joue un rôle dans les négociations nucléaires entre l’Iran et l’Occident en sa qualité de membre du Conseil de sécurité de l’ONU disposant d’un droit de veto et par ailleurs signataire d’un accord nucléaire plus ancien dénoncé par Trump lors de son premier mandat, en 2018.
« S’agissant de la question nucléaire, nous nous sommes toujours concertés avec nos amis la Chine et la Russie. C’est plus que jamais le moment de le faire avec les autorités russes », a déclaré Araghchi à la télévision publique iranienne en ajoutant qu’il remettrait une lettre à Poutine abordant des questions régionales et bilatérales.
Poutine a ensuite reçu Araghchi au Kremlin.

Moscou a acheté des armes à l’Iran pour les besoins de sa guerre contre l’Ukraine et signé un partenariat stratégique de 20 ans avec Téhéran en début d’année, sans clause de défense mutuelle. Les deux pays ont été alliés sur le champ de bataille en Syrie pendant des années jusqu’à ce que leur allié Bachar al-Assad soit renversé en décembre dernier.
Poutine est en bons termes avec Khamenei et la Russie comme l’Iran sont considérés comme des ennemis de l’Occident, mais Moscou ne souhaite pas déclencher de course aux armements nucléaires au Moyen-Orient.
La Russie a fait savoir que, la concernant, toute frappe militaire contre l’Iran serait illégale et inacceptable. Mardi, le Kremlin a refusé de dire si la Russie serait disposée à prendre le contrôle des stocks d’uranium enrichi de l’Iran dans le cadre d’un éventuel futur accord nucléaire entre l’Iran et les États-Unis.
Par ailleurs, le ministre saoudien de la Défense, le prince Kahlid ben Salmane, est arrivé jeudi à Téhéran pour s’entretenir avec les autorités avant les pourparlers. Il a transmis un message du roi saoudien Salman bin Abdulaziz au guide suprême Khamenei, ont indiqué les médias publics iraniens, sans plus de détails.

« Nous sommes convaincus que la relation entre la République islamique d’Iran et l’Arabie saoudite est bénéfique pour les deux pays », aurait déclaré Khamenei lors de la réunion, selon les médias publics iraniens, avant d’affirmer la volonté de Téhéran d’améliorer ses relations avec Riyad.
Depuis un accord conclu en 2023 sous les auspices de la Chine, l’Iran et l’Arabie saoudite sont convenues de rétablir leurs relations après des années d’hostilité qui ont menacé la stabilité et la sécurité dans le Golfe et contribué à alimenter les conflits au Moyen-Orient, du Yémen à la Syrie.
Dans un communiqué publié samedi par son agence de presse officielle, l’Arabie saoudite a salué les pourparlers nucléaires entre l’Iran et les États-Unis et s’est dite favorable aux initiatives de nature à régler les différends régionaux et internationaux.
« Les relations entre forces armées saoudiennes et iraniennes se sont améliorées depuis l’accord de Pékin », aurait déclaré le chef d’État-major des forces armées iraniennes, Mohammad Bagheri, suite à son entretien avec le ministre saoudien à Téhéran, selon les médias publics iraniens.