Tsahal va sceller la chambre d’un meurtrier palestinien présumé
Alors que les juges s'opposent au projet de démolition d'un bâtiment entier, l'armée annonce à la famille du suspect du meurtre d'un soldat, que sa chambre sera remplie de béton
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

L’armée israélienne a informé mercredi la famille d’un Palestinien soupçonné d’avoir tué un soldat, Amit Ben-Ygal, qu’elles envisageaient de condamner la pièce dans laquelle il vivait, ont indiqué les militaires.
L’armée avait initialement l’intention de détruire tout le bâtiment, mais elle a été bloquée à deux reprises par la Haute Cour de justice, qui a invoqué le fait que le reste de la famille n’était pas au courant du crime présumé de Nazmi Abu Bakr et n’était pas impliqué dans celui-ci, et ne devrait donc pas voir sa maison détruite.
Au lieu de cela, les militaires vont sceller la chambre d’Abu Bakr et la remplir de béton.
« La décision de sceller la chambre dans laquelle vivait le terroriste a été prise conformément à la décision de la Haute Cour, qui a annulé l’ordre de confiscation et de démolition qui avait été émis contre la maison du terroriste », a déclaré l’IDF.

Abu Bakr est soupçonné d’avoir lancé une brique qui a frappé Ben-Ygal à la tête, le tuant, depuis le toit de la maison de sa famille, alors que le soldat de 21 ans participait à un raid dans le village de Yabed, en Cisjordanie, le 12 mai dernier.
Les forces de sécurité israéliennes ont arrêté Abu Bakr quelques semaines plus tard. En juin, les militaires ont dit à sa famille qu’ils prévoyaient de démolir la maison.
Le service de sécurité du Shin Bet a déclaré en mai qu’Abu Bakr avait avoué avoir jeté la brique qui a tué Ben-Ygal. Il a été arrêté en même temps que plusieurs autres personnes qui auraient été dans le bâtiment à ce moment-là, et a avoué plusieurs semaines plus tard, selon l’agence de sécurité.
La famille d’Abu Bakr a porté l’affaire devant la Haute Cour cet été. En août, la cour a décidé – dans une décision à deux contre un – que les militaires ne pouvaient pas raser la maison.

Les juges Menachem Mazuz et George Karra avaient décidé d’annuler la démolition, estimant que la femme d’Abu Bakr et ses huit enfants, qui n’ont pas participé à l’attaque, y vivent toujours.
La juge Yael Willner s’était, pour sa part, prononcée en faveur de l’application de cette destruction afin qu’elle serve de dissuasion contre de futures attaques contre les forces israéliennes opérant en Cisjordanie.
Menachem Mazuz avait écrit que « le grave préjudice causé à des membres innocents de la famille ne peut être ignoré – ceux à qui aucune implication dans l’attaque n’est attribuée ».
George Kara, en accord avec Mazuz, avait noté que « la justice sera rendue à l’agresseur lorsqu’il recevra sa punition » mais que les conséquences de ses actes « ne doivent pas être rejetées sur ceux qui n’ont pas péché ».
Yael Willner, quant à elle, avait cité « la gravité de l’acte… sa conséquence fatale et grave » ainsi que « l’utilisation faite de la structure où l’attaque a été menée » pour soutenir l’idée que l’ordre de démolir la maison était proportionnel au crime commis.
La décision avait été sévèrement condamnée par des responsables politique et la famille de la victime, et avait relancé le débat sur les démolitions de maisons. L’armée soutient que cette pratique contribue à dissuader de futures attaques terroristes. Au fil des ans, un certain nombre de responsables de la défense israélienne ont mis en doute sont efficacité et les militants des droits humains dénonce une punition collective injuste. Elles sont généralement appliquées avant la condamnation.
La mère du soldat avait déploré la décision.
« Mon fils a encore été tué aujourd’hui », avait déclaré Nava Revivo à la Douzième chaîne. « Amit ne reviendra pas, mais que Dieu prévienne que la même chose arrive aux prochains soldats. »

Dix jours après la décision, le procureur général Avichai Mandelblit avait donné pour instruction aux procureurs de déposer une requête en faveur d’une nouvelle audience de la Cour suprême dans ce dossier.
La semaine dernière, la présidente de la Cour suprême Esther Hayut, a rejeté la demande, avançant que, même en supposant qu’il y ait eu, dans la décision originale, une erreur d’interprétation du droit, une nouvelle audience ne pourrait avoir lieu qu’en cas d’adoption d’une nouvelle loi qui viendrait changer la situation législative.

Dans la mesure où aucune loi n’a été approuvée, dans l’intervalle, au sujet des démolitions des maisons des terroristes, Esther Hayut a noté le bien-fondé de la décision initiale prise par son panel de juges.
La requête, qui avait été officiellement déposée par le ministre de la Défense Benny Gantz et le commandant de l’armée israélienne en charge de la Cisjordanie, avançait que la Cour suprême avait émis une décision qui établissait un précédent juridique déraisonnable, non-ancré dans la loi, laissant entendre que les démolitions pourraient être évitées si la famille de l’attaquant impliqué n’avait pas eu connaissance des agissements de ce dernier.
Mais la magistrate a rappelé que, depuis longtemps, les tribunaux évoquaient dans leurs jugements le degré d’implication des familles comme un élément à prendre en compte pour déterminer si une démolition ferait plus de mal que de bien. Elle a expliqué que ce jugement n’avait pas établi de précédent et qu’il était conforme aux décisions antérieures qui avaient pu être prises.
Esther Hayut a conclu en faisant part de sa compassion à la famille et aux amis d’Amit Ben Ygal.
Michael Bachner et l’équipe du Times of Israël ont contribué à cet article.