Tunisie : Couac entre députés et présidence autour d’un projet de loi anti-Israël
Le Parlement tunisien a fait grand bruit de lourdes sanctions en cas de normalisation ou lien quelconque avec l'État hébreu, mais a finalement ajourné le vote de la loi proposée
Un groupe de députés de Tunisie a exigé vendredi de voter en faveur d’une loi, inédite pour la région, punissant de lourdes peines de prison toute normalisation avec Israël, un projet de loi dont s’est dissocié, à la surprise générale, le président Kais Saïed.
Les débats autour du texte qui considère comme un « crime de haute trahison » tout lien avec Israël, au niveau des institutions, des entreprises et des particuliers, ont démarré jeudi au Parlement tunisien.
Le président du Parlement Brahim Bouderbala qui, à l’ouverture des travaux, avait parlé d’une « parfaite harmonie entre le Parlement, le président et l’opinion publique » sur cette question, a ajourné la séance sans vote jeudi.
Il a pris cette décision après avoir été « informé par le président Saïed que le projet de loi incriminant la normalisation avec l’entité sioniste porterait atteinte à la sécurité de la Tunisie ».
La Tunisie, qui avait accueilli l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à l’époque de Yasser Arafat de 1982 à 1994, soutient fermement la cause palestinienne. Le président Saïed a affirmé ces dernières semaines que la normalisation représentait une « haute trahison ».
Vendredi, l’Assemblée n’a pas repris ses travaux, mais des députés, dont Abderrazek Aouidet, membre du groupe de partisans de Saïed ayant élaboré le texte, a insisté pour qu’il soit voté.
« Nous sommes déterminés à faire ratifier cette loi », a déclaré Aouidet, affirmant qu’elle « n’allait aucunement à l’encontre des intérêts déclarés de la Tunisie et n’affectait absolument pas la bonne marche des institutions de l’État ».
Mercredi, le chef de la diplomatie Nabil Ammar avait appelé « à étudier les répercussions » du texte et à prendre « du temps » pour l’examiner, jugeant impossible de le « promulguer en deux jours ».
La loi prévoit des peines de 6 à 12 ans de prison pour toute « communication, contact, propagande, conclusion de contrats ou coopération, directement ou indirectement, par des personnes physiques ou morales de nationalité tunisienne avec toutes les personnes physiques et morales, affiliées à l’entité sioniste ».
Toute interaction serait interdite aussi aux Tunisiens avec « les individus, les institutions, les organisations, les entités gouvernementales ou non gouvernementales » liés à Israël.
La communauté juive tunisienne compte un millier de personnes, dont une majorité vivent sur l’île de Djerba (sud) où est organisé tous les ans en mai un pèlerinage à la synagogue de la Ghriba qui attire des milliers de personnes.
Lors de la dernière édition, un attentat avait fait 4 morts, en plein pèlerinage juif de Lag BaOmer.