Un chef du Hamas ciblé à Beyrouth, signe que les calculs ont été refaits post-7 octobre
Recherché depuis des années par Israël, Saleh al-Arouri s'est vraisemblablement cru intouchable dans le fief du Hezbollah - jusqu'à ce que ce ne soit plus le cas
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Alors que l’armée israélienne progresse depuis près de trois mois dans sa mission visant à démanteler les capacités du Hamas à massacrer à nouveau des Israéliens, en s’attaquant au groupe terroriste palestinien de Gaza dans le cadre d’une incursion terrestre incessante se déplaçant du nord au sud de la bande de Gaza, l’élimination de Saleh al-Arouri dans la nuit de mardi à mercredi à Beyrouth, largement imputée à Israël, est une opération militaire d’un tout autre niveau, d’un tout autre genre et aux conséquences potentielles tout à fait différentes.
Orchestrateur notoire d’années d’attentats meurtriers contre des Israéliens et figure clé du Hamas directement responsable de l’instigation du terrorisme en Cisjordanie et à partir de cette zone, al-Arouri figurait, bien avant le 7 octobre, tout en haut de la liste des individus les plus recherchés par Israël. Et depuis ce jour des plus funestes, où 3 000 terroristes du Hamas ont exulté après avoir massacré 1 200 personnes en Israël, dans des actes d’une barbarie monstrueuse, et ont promis de le faire encore et encore jusqu’à ce que l’État hébreu soit détruit, Israël a publiquement juré que tous les terroristes du Hamas, où qu’ils se trouvent, seraient empêchés d’agir par tous les moyens possibles.
Néanmoins, si Israël s’avère être responsable, la frappe chirurgicale qui a éliminé al-Arouri et, selon les médias, six autres terroristes dans un appartement situé au troisième étage du quartier de Dahiyeh, dans le sud de Beyrouth, constitue une confirmation très spectaculaire de cet engagement et de la volonté et de la capacité à le mettre en œuvre.
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Al-Arouri s’était déplacé entre la Syrie, la Turquie et le Qatar avant de se fixer à Beyrouth précisément parce qu’il savait – ou pensait savoir – qu’il serait intouchable dans la banlieue de Dahiyeh, centre d’opérations du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah dans la capitale libanaise. Si Israël le prenait pour cible à cet endroit, il savait que le pays risquerait des répercussions inestimables en défiant ouvertement le Hezbollah, dont les capacités en matière de missiles à guidage de précision, l’arsenal de roquettes et le nombre de terroristes armés et entraînés éclipsent (largement) les capacités du Hamas. Par extension, Israël risquerait également d’intensifier la confrontation avec l’Iran, protecteur des deux groupes terroristes.
Ces calculs étaient peut-être exacts avant le 7 octobre. Mais après le 7 octobre, ils ne l’étaient manifestement plus.
En Cisjordanie, la disparition d’al-Arouri et de plusieurs de ses collègues constituera un revers pour les planificateurs et les exécutants du terrorisme. Malheureusement, quelle que soit l’expertise unique d’al-Arouri dans la fomentation de telles attaques, l’histoire montre que d’autres rempliront rapidement cette « perte ».
À Gaza, la première réaction du Hamas a été d’annoncer l’arrêt des négociations en vue d’une éventuelle deuxième série de libérations d’otages.
Cette réaction n’était pas surprenante : le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, a orchestré l’enlèvement des otages le 7 octobre, précisément dans le but de fournir un moyen de pression et de terrorisme psychologique dans l’espoir de dissuader ou d’affaiblir la réponse d’Israël.
Mais la preuve qu’Israël est prêt et capable à mettre en œuvre sa promesse de traquer et de tuer les commandants du Hamas, malgré la perspective de conséquences sur plusieurs fronts, trouvera un écho parmi les personnalités clés, les commandants et la base du gouvernement terroriste de Gaza.
Sur le front nord, Israël a déjà mis en place un important déploiement militaire et se prépare à une riposte.
Le Hamas voudra riposter depuis le Liban ; après tout, son opération basée au Liban a été directement ciblée.
Plus important encore, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, cherchera à s’assurer que l’atteinte directe à sa souveraineté à Beyrouth, sans parler de la perte d’un allié personnel clé, ne passera pas inaperçue.
Là encore, cependant, tout a changé depuis le 7 octobre.
Nasrallah a choisi jusqu’à présent de ne pas se lancer dans une guerre à grande échelle avec Israël. Selon de nombreuses informations, il n’aurait pas eu connaissance des plans de Sinwar en amont ; al-Arouri, lui-même, n’aurait été prévenu qu’une heure avant l’assaut. Mais Nasrallah a bel et bien participé aux combats, et les tirs transfrontaliers de roquettes et de missiles du Hezbollah ont forcé des dizaines de milliers d’Israéliens à quitter leur domicile.
Le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant était prêt à s’attaquer au Hezbollah avant le Hamas au lendemain du 7 octobre. Il n’a pas été écouté, mais les dirigeants politiques et militaires israéliens ont fait savoir à plusieurs reprises ces dernières semaines que la réalité antérieure au 7 octobre dans le nord devait changer d’une manière ou d’une autre – que le danger posé par le Hezbollah à la frontière n’était plus tolérable, et que si le groupe terroriste chiite libanais ne choisissait pas de retirer ses forces, comme l’exige la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU de 2006, Israël aurait l’intention d’utiliser d’autres moyens pour s’assurer que cela soit fait.
L’État d’Israël n’a pas revendiqué la responsabilité de la frappe contre al-Arouri. Un porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Mark Regev, a clairement indiqué que « celui qui a fait ça en veut au Hamas », et non au Hezbollah.
Le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a refusé de mentionner le nom d’al-Arouri ou de faire référence au Hezbollah lors de sa conférence de presse. « Nous sommes prêts à faire face à n’importe quel scénario », a-t-il déclaré avant de souligner que « la chose la plus importante à dire ce soir est que nous nous concentrons et restons concentrés sur la lutte contre le Hamas ».
Interrogé par un journaliste pour savoir si des tirs sur le centre d’Israël ou sur la ville de Haïfa à la suite de l’assassinat d’al-Arouri était attendus, Hagari s’est répété. « Je ne fais pas référence à ce qui a été dit ici [par le journaliste] et par d’autres sources. Nous nous concentrons sur la lutte contre le Hamas. Nous le faisons depuis le début et nous continuerons à le faire », a-t-il de nouveau insisté.
Tout cela revient à rappeler le message maintes fois répété d’Israël, à savoir qu’il ne cherche pas à déclencher une guerre totale avec le Hezbollah, mais qu’il est prêt à la mener si Nasrallah insiste pour qu’elle ait lieu.
Comme Israël l’aura compris, la décision ultime sur la manière de répondre à l’élimination d’al-Arouri reviendra à l’Iran – l’État commanditaire de ces deux groupes terroristes quasi-gouvernementaux. En dépit du fait qu’elle représentait un affront évident pour la République islamique, l’attaque contre un chef terroriste du Hamas caché dans un bastion du Hezbollah a tout de même eu lieu.
Nous ne pouvons que déplorer que les étonnantes capacités de renseignement et d’évaluation nécessaires pour éliminer al-Arouri et ses collègues n’aient pas été utilisées dans les mois, les semaines, les jours et les heures qui ont précédé le 7 octobre.
Mais, là encore, tout a changé depuis. Et la frappe de précision de mardi soir à Beyrouth en est la meilleure démonstration à ce jour.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel