Un chroniqueur belge veut « enfoncer un couteau tranchant dans la gorge de chaque juif »
Herman Brusselmans fait l’objet de vives critiques après la publication d'une de ses chroniques dans HUMO
Un célèbre auteur flamand a publié lundi une chronique, intitulée « Le Moyen-Orient va exploser, la Troisième Guerre mondiale est imminente, » incitant littéralement au meurtre des Juifs dans un hebdomadaire populaire en Belgique.
« Je veux enfoncer un couteau tranchant dans la gorge de chaque juif que je rencontre », a écrit Herman Brusselmans, dans une tribune parue lundi dans le magazine populaire HUMO.
En plus de sa chronique, l’auteur et chroniqueur du côté néerlandophone de la Belgique publie près de deux livres par an et compte environ 25 000 abonnés sur Instagram. Connu pour ses frasques, qui semblent plaire au public et faire grimper l’audimat, Brusselmans, 66 ans, est souvent l’invité d’émissions de télévision populaires où il se veut réactionnaire et réfractaire. Il fait par ailleurs partie du jury de l’un des jeux télévisés les plus populaires.
Son dernier article, truffé de messages ouvertement antisémites et anti-Israël, dans lequel il prédit une Troisième Guerre mondiale a été vivement dénoncé par de nombreux groupes juifs et non-juifs luttant contre l’antisémitisme.
« Le Moyen-Orient va exploser, (…) à cause d’un juif petit, gros et chauve répondant au nom sinistre de Bibi Netanyahu, qui, pour une raison ou une autre, veut anéantir tout le monde arabe », écrit entre autres Brusselmans dans ce texte.
« Je vois l’image d’un petit garçon palestinien qui pleure et crie, en état de choc, appelant sa mère qui gît sous les décombres, et j’imagine que ce garçon est mon propre fils Roman, et la mère mon amie Lena, et cela me rend si furieux que j’ai envie d’enfoncer un couteau tranchant dans la gorge de chaque juif que je croise », a écrit Brusselmans, connu pour son langage obscène et provocateur.
Auquel il ajoute, « Bien sûr, il faut toujours garder en tête que tous les Juifs ne sont pas des salauds d’assassins, et pour donner forme à cette pensée, j’imagine un vieux Juif qui déambule dans ma rue, portant une chemise délavée, un pantalon synthétique et de vieilles sandales, et j’ai pitié de lui et j’en ai presque les larmes aux yeux, mais aussitôt après, je l’envoie au diable ».
La guerre a été déclenchée par le pogrom du groupe terroriste palestinien du Hamas, le 7 octobre, dans le sud d’Israël, qui a fait près de 1 200 morts et au cours duquel 251 personnes ont été prises en otage. Israël a ensuite lancé une opération militaire à Gaza pour éliminer le groupe terroriste et ramener les captifs chez eux.
Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, affirme que plus de 39 000 personnes auraient été tuées dans la bande de Gaza, mais ce bilan ne peut être vérifié et ne distingue pas les civils des terroristes. Israël affirme avoir tué quelque 15 000 terroristes depuis le début des combats, en plus des 1 000 terroristes tues à l’intérieur d’Israël au cours des massacres du 7 octobre. Tsahal accuse le Hamas d’utiliser les civils de Gaza comme boucliers humains.
Le nombre de victimes israéliennes de l’offensive terrestre contre le Hamas à Gaza et des opérations militaires le long de la frontière avec la bande de Gaza s’élève à 331.
Le Conseil de déontologie journalistique a été saisi par une organisation belge et des particuliers dont Charlotte van Coevorden, une militante belge basée à Bruxelles. Ces derniers réclament des mesures contre le chroniqueur pour ses « propos extrêmement inquiétants et antisémites, nuisibles et contraires à la déontologie journalistique ».
La lettre, publiée sur Instagram, regrette que la chronique contribue à « la diffusion d’idées antisémites et à la normalisation d’un discours de haine« , rappelant que même dans un contexte littéraire ou ironique, l’incitation à la violence reste inacceptable et potentiellement dangereuse. Elle conclut en affirmant que de tels « commentaires n’ont pas leur place dans un média journalistique responsable ».
Brusselmans n’en est pas à son coup d’essai. En décembre dernier, il avait déjà provoqué un tollé et fait l’objet de plaintes pour ses prises de position sur Israël et la guerre que le pays mène contre les terroristes palestiniens du Hamas à l’origine du pogrom du 7 octobre. Une chronique du 8 novembre 2023 propageait également des stéréotypes polarisants et ouvertement antisémites, qu’il a tenté de faire passer pour de la satire.
« Comment le rédacteur en chef de la publication, Bart Vanegeren, a-t-il pu autoriser cette publication ? Elle ajoute que dans un pays « où plus de 70 % des Juifs ont peur d’afficher leur identité, c’est plus qu’irresponsable », s’interroge Alina Bricman, directrice des affaires européennes du Bnai Brith et ancienne présidente de l’UEJS, sur X.
The author, Herman Brusselmans, has a track record of antisemitic writing.
How did the editor, Bart Vanegeren, allow this to be published and why does he still have his job?
This is beyond irresponsible in a country where over 70% of Jews are afraid to show their identity.
— Alina Bricman (@AlinaBricman) August 5, 2024
Le CCOJB et le Forum der Joods Organisaties ont aussi condamné
« l’incitation à la violence parue dans HUMO » et prévoient d’entamer une action en justice. Dans un communiqué de presse, ils accusent « la plume irresponsable d’Herman Brusselmans, qui cherche peut-être la célébrité par l’ignominie » en publiant « une incitation à la haine et au meurtre et une attaque antisémite inouïe ».
Posted by CCOJB on Tuesday, August 6, 2024
Le rabbin Pinchas Goldschmidt, président de la Conférence des rabbins européens et grand rabbin en exil de Moscou, a également critiqué Brusselmans et Humo pour avoir « créé un environnement toxique qui peut conduire à la violence dans le monde réel ».
« Si, bien sûr, le gouvernement et l’armée d’Israël sont leurs propres entités distinctes et n’ont aucun lien officiel avec les communautés juives en dehors d’Israël, nous protestons contre la volonté de cet auteur de poignarder un juif à la gorge uniquement pour ce motif, et non pour avoir amalgamé Israéliens et Juifs belges », a précisé Goldschmidt dans une Opinion publiée par le Jewish News Syndicate.
Selon le quotidien De Morgen, Matthias Vanderaspoilden, rédacteur en chef adjoint de HUMO a réagi en indiquant que « les propos d’Herman Brusselmans ont été écrits dans une chronique satirique et non dans le cadre d’un article journalistique ou lors d’une interview. Il est évident pour ceux qui ont lu l’intégralité de la chronique que Herman n’a pas littéralement pris ces phrases au pied de la lettre. C’est pourquoi la rédaction n’est pas intervenue dans le texte de notre chroniqueur ».
Réagissant lui-même au tollé en s’adressant au quotidien flamand Gazet van Antwerpen (GVA), Brusselmans a indiqué qu’il ne comprenait pas les accusations d’incitations à la violence assurant que sa « phrase sur le couteau est purement métaphorique » et ne visait qu’à exprimer son désarroi face à ce que vivaient les Palestiniens à Gaza.
Il précise au quotidien qu’il « ne met pas tous les Juifs dans le même sac » et qualifie le « cancan » de « farfelu » tout en demandant pourquoi la communauté juive était si « prompte à monter sur ses grands chevaux alors qu’elle est elle-même en train d’assassiner un peuple entier ? » Et d’ajouter, à toutes fin utiles, qu’il a longtemps été fan de Woody Allen…
Il a ensuite ajouté une story sur Instagram revenant sur le fait qu’il était contre toute forme de violence et pour l’utilisation de « l’exagération, l’ironie et le sarcasme pour combattre cette hypocrisie ».
« Que se passerait-il si quelqu’un disait dans les médias belges : ‘Je suis tellement en colère que j’ai envie de poignarder tous les musulmans dans le cou’ ? », a réagi l’envoyée d’Israël en Belgique, Idit Rosenzweig-Abu.
« Dans mon article, je voulais dire que lorsque quelque chose est fait à vos proches sans raison, vous êtes rempli d’une colère totale », a déclaré Brusselmans a la chaine belge VRT.
L’Association juive européenne (EJA) a elle engagé une procédure judiciaire contre le magazine HUMO et son auteur, pour incitation au meurtre.
Le rabbin Menachem Margolin, président de l’EJA, a condamné l’article en le qualifiant de « psychopathe » et a averti qu’une rhétorique aussi dangereuse pousse à la violence réelle.
« L’EJA exige non seulement des excuses publiques complètes de la part du magazine, mais aussi la suspension immédiate de l’auteur. Cette publication choquante révèle un grave manque de jugement éditorial, et l’EJA est déterminée à demander des comptes aux responsables. »
The European Jewish Association (EJA) has launched a fierce legal battle against Humo magazine and its writer, Herman Brusselmans, for inciting murder. In a horrifying article, Brusselmans expressed his desire to "shove a sharp knife in the throat of every Jew I come across."… pic.twitter.com/IDOeg3MQJb
— EJA – EIPA (@EJAssociation) August 6, 2024
Cette excuse n’a pas été suffisante pour Unia, une institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité en Belgique, qui s’est jointe à l’EJA pour introduire une action en justice contre Brusselmans.
« Des limites ont été dépassées », a indiqué Carol Poncin, porte-parole d’Unia, qui a ajouté : « Nous estimons que ce qu’a écrit Brusselmans relève clairement de l’antisémitisme. »
Des plaintes ont déjà été déposées contre lui à l’époque, mais elles ont été rejetées au nom de la liberté d’expression.
L’UNIA avait alors estimé que « les publications d’Herman Brusselmans … ne dépassent pas, selon nous, la limite légale de la liberté d’expression. Il s’agit selon nous de messages qui peuvent être situés à la limite entre l’opinion et la haine … même s’il utilise des stéréotypes et des sophismes antisémites », – un avis cité par Nicolas Zomersztajn, directeur du Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ) de Bruxelles, dans la revue du centre Regards.
La Jewish Telegraphic Agency a contribué à cet article.