Un investisseur alerte sur le manque de capitaux étrangers pour les start-ups israéliennes
Un fonds basé à Denver lève 50 M$ pour soutenir les start-ups israéliennes face à la stagnation des investissements étrangers causée par la guerre et la réduction des vols américains

Malgré la guerre avec le groupe terroriste palestinien du Hamas qui dure depuis octobre 2023 qui a conduit la plupart des compagnies aériennes étrangères à suspendre leurs vols directs vers et depuis Israël, l’analyste en capital-investissement Ezra Gardner, à la double nationalité israélienne et américaine, n’a pas interrompu ses visites mensuelles en Israël depuis les États-Unis.
Le cofondateur de la société de capital-risque israélienne Varana Capital s’est envolé de Denver (Colorado) cette semaine, avec une longue escale à Francfort ; au retour, il devra passer une nuit à Londres.
« Chaque voyage est un véritable défi, tant pour venir ici que pour rentrer chez moi », a confié Gardner au Times of Israel. « Je consacre une semaine par mois à Israël : quatre jours de voyage et trois jours sur place, pour soutenir les startups locales en manque de capitaux. »
« Nous investissons dans des startups israéliennes depuis de nombreuses années, mais la guerre a gravement perturbé l’afflux de capitaux étrangers, dont l’écosystème dépend. C’est pourquoi nous venons en Israël pour rencontrer de nouvelles entreprises potentielles. Nous croyons fermement qu’investir en Israël en ce moment représente une véritable opportunité », a-t-il ajouté.
Le secteur technologique israélien a relativement bien résisté aux 14 mois de guerre contre le Hamas, poursuivant la plupart de ses activités malgré le rappel de nombreux employés et cadres clés pour le service de réserve.
Les incertitudes géopolitiques accrues et la suspension des vols par de nombreuses compagnies aériennes étrangères au cours de l’année écoulée ont considérablement compliqué la tâche des entreprises israéliennes cherchant à lever des capitaux indispensables auprès d’investisseurs étrangers.

« Si vous voulez comprendre l’impact économique en Israël, regardez simplement le trafic de passagers à l’aéroport Ben Gurion », a déclaré Gardner. « Je viens chaque mois, et dans la file des passeports étrangers, il n’y a personne. »
Il a poursuivi : « Sans voyageurs étrangers à Ben Gurion, il n’y a pas de flux d’argent entrant en Israël. »
C’est dans cette optique que Varana Capital, sous la direction de Gardner, a lancé le fonds d’urgence Chai 10x et a levé 50 millions de dollars pour aider les startups israéliennes à survivre pendant la guerre.
« De nombreux fonds d’urgence ont été lancés pendant la guerre, mais nous avons levé le plus important en termes de volume à sa clôture », a déclaré Gardner. « Nous avons frappé à toutes les portes : chaque salon qui voulait bien nous recevoir, chaque synagogue, chaque conférence du JNF et chaque événement de gestion de patrimoine qui acceptait de nous accueillir. ».
Gardner a expliqué que son équipe a pu constater « de première main à quel point il était difficile de collecter des fonds, même en s’adressant aux Américains les plus riches et les plus attachés à Israël ».
« Beaucoup d’Américains sionistes fortunés associent charité et investissement en Israël », a-t-il ajouté. « Nombre d’entre eux trouvent plus simple de faire l’autruche et de se dire : ‘Si je fais un chèque à une association caritative, j’aurai fait ma part’ ».

« Il existe également une réelle crainte d’investir dans ce que les gens perçoivent comme une zone de guerre », a ajouté Gardner.
Pour l’instant, le fonds d’urgence Chai a investi dans 11 startups israéliennes, avec un accent particulier sur les entreprises de hardware et de deep tech, notamment dans les domaines de l’agritech, de la medtech, de la robotique et de la mobilité. Ces startups sont généralement à un stade avancé de développement et cherchent pour la première fois un accès à des capitaux étrangers pour leur commercialisation.
Parmi les startups soutenues par le fonds de Varana figurent Nakai Robotics, qui a développé un système autonome pour nettoyer les coques de navires marchands, et Addionics, une entreprise spécialisée dans les technologies de batteries.
Bien que les fonds de capital-risque locaux et internationaux restent relativement optimistes quant au potentiel de la technologie israélienne, Gardner a mis en garde contre la réticence des fonds américains à participer à de nouveaux cycles de financement, notamment pour les investissements initiaux dans des startups locales.
« Ces 12 derniers mois, Israël n’a pas connu la reprise observée ailleurs dans le monde, et environ 6 milliards de dollars d’investissements étrangers manquent sur le marché israélien », a-t-il estimé.
Au cours de l’année écoulée, la majeure partie des investissements dans l’écosystème technologique israélien a été dirigée vers un nombre réduit d’entreprises, principalement dans le secteur de la cybersécurité, laissant peu de ressources pour d’autres secteurs. Entre 2014 et 2022, les 10 plus gros investissements représentaient moins de 20 % de l’ensemble des investissements. En 2023, cette part est montée à un quart du total, et en 2024, elle a atteint près de 50 %, selon un rapport de l’Israel Advanced Technology Industries et de l’Institut de recherche et de politique RISE Israel.

« Si l’on examine les fonds américains et le pourcentage de leurs capitaux investis en Israël, 2021 a été une année exceptionnelle. Ce pourcentage a diminué en 2023, et 2024 marque un niveau historiquement bas du déploiement des fonds américains », a déclaré Gardner.
Le secteur technologique israélien, moteur essentiel de la croissance économique, repose fortement sur les capitaux étrangers : environ 80 % des investissements en capital-risque dans les startups technologiques locales proviennent de fonds étrangers.
Au cours des dix dernières années, la dépendance de l’économie à l’égard du secteur technologique s’est considérablement accrue, alimentée par une hausse rapide des recettes fiscales générées par le secteur. Ces revenus proviennent notamment de l’augmentation du nombre d’employés et de la montée en flèche des salaires. Les employés du secteur technologique contribuent à plus d’un tiers des recettes fiscales totales du pays, soulignant son rôle crucial dans la reprise économique après les ravages de la guerre.
Interrogé sur le désengagement des investisseurs étrangers des cycles de financement de l’année dernière, Gardner a expliqué que cela n’est pas dû à une aversion pour le risque, car les principaux indices boursiers américains ont atteint des sommets historiques.
« Certains disent qu’ils apprécient l’innovation israélienne et qu’ils n’ont aucun problème avec le pays, mais qu’il n’est pas politiquement correct, aujourd’hui, de transférer des fonds en Israël », a expliqué Gardner. « Si vous êtes un investisseur en capital-risque basé au Royaume-Uni, dans la Silicon Valley, à Tokyo ou à Séoul, il existe une multitude d’endroits où vous pouvez placer vos fonds ailleurs qu’en Israël. »
Selon Gardner, les fonds levés restent largement insuffisants pour répondre « aux besoins de l’écosystème, car les entreprises commencent à manquer de liquidités, ce qui entraîne des réductions d’effectifs et de nombreux licenciements ».
« Les banques israéliennes doivent ouvrir leurs portefeuilles et accorder des prêts pour soutenir les entreprises locales. Cela leur permettra de produire, de vendre à l’étranger, et ainsi de générer des revenus et de créer des emplois en Israël », a-t-il déclaré. « Si cela ne se fait pas, beaucoup d’entreprises prometteuses seront contraintes de fermer, et nous voyons déjà ce phénomène commencer. »

Malgré les défis, Gardner reste optimiste quant à 2025. Il espère qu’il sera plus facile de lever des fonds l’année prochaine, après que Varana Capital a réussi à investir dans des entreprises prometteuses à des valorisations attractives pendant l’année de guerre écoulée.
« Cela dit, je ne m’attends pas à voir les investisseurs de la Silicon Valley se précipiter sur un vol United, qui n’existe pas, entre San Francisco et Tel Aviv l’année prochaine », a-t-il déclaré avec ironie.
« Le risque et la résilience du secteur technologique israélien dépendront de la poursuite du soutien public – notamment du gouvernement israélien – et de l’engagement du marché privé étranger envers le principal moteur de croissance d’Israël », a-t-il conclu.
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