Israël en guerre - Jour 399

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Analyse

Un Iran nerveux a voulu rétablir l’ordre régional ancien – mais Israël est passé à l’offensive

Les partisans de la ligne dure semblent l'avoir emporté à Téhéran mais au lieu de dissuader Netanyahu, ils ont probablement déclenché une frappe directe et douloureuse en direction du territoire iranien - peut-être la première d'une longue série

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des troupes de la 36e division de l’armée israélienne opérant dans le sud du Liban, sur une photo publiée le 2 octobre 2024. (Crédit : Armée israélienne)
Des troupes de la 36e division de l’armée israélienne opérant dans le sud du Liban, sur une photo publiée le 2 octobre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

L’attaque aux missiles balistiques qui a été lancée par l’Iran en direction du territoire israélien a surpris certains observateurs.

Il semblait que le camp relativement modéré, au sein de la république islamique, avait une influence croissante sur la prise de décision du guide suprême Ali Khamenei. Le nouveau président iranien Masoud Pezeshkian – favorable à un plus grand engagement avec l’Occident dans le but de développer l’économie et de stabiliser le régime – avait semblé l’emporter au lendemain de l’assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran, au mois de juillet.

Malgré l’assassinat d’un invité du régime qui se trouvait dans la capitale pour assister à l’investiture du nouveau président – un assassinat dont la responsabilité a été largement attribuée à Israël – Khamenei avait choisi de ne pas réagir.

S’exprimant à la tribune des Nations unies, la semaine dernière, Pezeshkian avait transmis un message de conciliation : « Nous cherchons la paix pour tous et n’avons aucune intention d’entrer en conflit avec quelque pays que ce soit… L’Iran s’oppose à la guerre ».

Une approche qui, de toute évidence, a changé.

Avec l’élimination du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et des principaux responsables de l’organisation terroriste libanaise, le régime iranien s’est vraiment inquiété. N’était-il pas en passe de perdre son proxy le plus précieux, une armée construite pendant trois décennies à la frontière même d’Israël ?

Et il y avait également un scénario encore plus inquiétant. « Ils craignaient sincèrement que le gouvernement actuel ne s’en prenne aux dirigeants iraniens », explique Ori Goldberg, expert israélien des questions relatives à l’Iran et au chiisme. « Ils observent Israël et ce qu’ils voient, c’est un taureau déchaîné dans un magasin de porcelaine ».

Des Israéliens perchés sur les restes d’un missile iranien dans le désert du Néguev, à proximité d’Arad, le 2 octobre 2024. (Crédit : Menahem KAHANA / AFP)

Après l’attaque lancée contre Nasrallah, Khamenei avait même été transféré en lieu sûr, sur le sol iranien, avec des mesures de sécurité renforcées, ont déclaré à Reuters deux responsables de la région au fait du sujet.

« La crédibilité de la république islamique en tant que mécène et en tant que leader du chiisme révolutionnaire était en jeu, et Khamenei semblait pris comme un lapin dans les phares d’une voiture – inquiet à l’idée que s’il s’engageait à fond pour sauver le Hezbollah en attaquant Israël, lui-même et l’Iran seraient la prochaine cible dans le cadre de représailles massives, voire pire », note John Hannah, chercheur au sein du JINSA et ancien Conseiller à la sécurité nationale de l’ancien vice-président Dick Cheney.

Et s’il ne faisait rien, ajoute Hannah, Israël, le monde arabe et le reste de « l’axe de résistance » iranien auraient vu que le roi – ou le guide suprême – était dorénavant nu.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprime devant les Israéliens après une attaque de missiles balistiques iranienne à l’encontre d’Israël, le 1er octobre 2024. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)

« Ils devaient sauver la face d’une manière ou d’une autre, mais en examinant le problème de tous les côtés, on se rend compte que les risques de catastrophe restent élevés quoi qu’il arrive et que la récompense est faible », continue-t-il.

Dans un contexte d’émoi et d’inquiétude suscités par le sentiment que la région devenait soudainement très dangereuse pour le régime – après une année de guerre plutôt confortable pour la république islamique – les partisans de la ligne dure et le Corps des gardiens de la révolution semblent désormais avoir pris le dessus. Ils ont visiblement espéré qu’une démonstration de force rétablirait les règles du jeu, un jeu en évolution rapide qui venaient saper le réseau construit dans toute la région.

L’Iran ne souhaite certainement pas déclencher une guerre avec Israël ou avec les États-Unis – mais il semble acquis que la république islamique subira une frappe directe sur son territoire, ce qu’elle avait tenté à tout prix d’éviter.

Des responsables israéliens ont déclaré aux médias locaux, sous couvert d’anonymat, que l’État juif pourrait répondre à l’attaque aux missiles balistiques en frappant des infrastructures stratégiques – comme des plates-formes gazières ou pétrolières – ou en prenant directement pour cible les sites nucléaires iraniens.

Des assassinats ciblés et des attaques contre les systèmes de défense antiaérienne sont également possibles, selon Axios.

Photo d’Illustration : Vue générale de la raffinerie de pétrole Setareh Khalij Fars (Étoile du golfe Persique) dans la ville portuaire iranienne de Bandar Abbas, une photo distribuée le 30 avril 2017. (Crédit/Présidence iranienne/AFP)

Mais un officiel israélien a déclaré au Times of Israel que l’attaque serait élaborée de manière à causer des « dommages financiers importants ». Ce qui semble indiquer qu’Israël pourrait viser les installations pétrolières de l’Iran, qui sont un élément crucial de l’économie en difficulté du pays. Les recettes pétrolières représentent environ 20 % du PIB, et la destinée de l’économie se détermine en fonction des exportations de pétrole.

Avec des défis économiques plus difficiles à relever encore, le régime devra garder un œil sur les éventuelles agitations intérieures au sein d’un public dont une grande partie méprise ses dirigeants. Et plus il devra verser de subventions et autres aides, moins l’Iran aura de moyens pour financer ses proxies et notamment un Hezbollah en pleine déconfiture.

C’est justement ces succès remportés contre le Hezbollah qui permettent dorénavant à Israël d’avoir les coudées plus franches contre Téhéran.

« L’épée de Damoclès que Nasrallah et son armée terroriste équipée de près de 200 000 roquettes tenaient au-dessus de la tête d’Israël a largement disparu », explique Hannah. « Même si le Hezbollah est toujours capable de causer des problèmes et des souffrances véritables, les chances que l’organisation soit encore en mesure de menacer la viabilité même de la société israélienne, comme un si grand nombre de personnes le craignaient, ont été considérablement réduites par l’offensive d’Israël ».

Et il y a un changement plus profond dans la pensée israélienne – changement qui reste inaperçu pour beaucoup qui focalisent leur attention sur l’arbre et non sur la forêt qu’il cache.

Après des décennies de dissuasion défensive et de stratégie visant à confiner au maximum ses adversaires – ce qui a échoué de manière spectaculaire – Israël est finalement passé à l’offensive stratégique contre l’alliance iranienne au lendemain le 7 octobre.

Des troupes de la 36e division de l’armée israélienne opérant dans le sud du Liban, sur une photo publiée le 2 octobre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

« L’Opération Epées de fer ne se suffit pas à elle-même » a écrit Eran Corthal, analyste militaire israélien. « La campagne à Gaza est une étape de transition de premier plan, à la fois sur le plan conceptuel et sur le plan pratique, avec un Israël qui passe du défensif à l’offensif dans une longue guerre menée contre les proxies de l’Iran ».

L’Iran pouvait vouloir rétablir l’ordre ancien par son attaque aux missiles, mais il est évident qu’Israël ne reviendra pas à une situation où de dangereux ennemis étaient autorisés à rassembler des combattants à quelques centaines de mètres des habitations israéliennes, une situation où la République islamique se savait en sécurité.

Avec ces évolutions dramatiques de la situation, les décisionnaires, que ce soit à Washington ou à Jérusalem, surveillent de près le programme nucléaire iranien. Et la manière dont les choses vont tourner dans la région ne manquera pas d’influencer la façon de penser des Iraniens. Ils pourraient devenir plus prudents, comme cela avait été le cas après l’invasion de l’Irak par les États-Unis, en 2003. Ou ils pourraient appuyer sur l’accélérateur et s’empresser de se doter de nouveaux armements avant qu’Israël et les États-Unis ne profitent de la nouvelle vulnérabilité de l’Iran.

« Les doctrines d’anticipation et de prévention reviennent en force dans la doctrine de sécurité nationale d’Israël », explique Hannah. « Et elles ne disparaîtront pas de sitôt ».

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