Un journaliste s’excuse pour avoir dépeint à tort un rabbin comme anti-laïc
La Treizième chaîne a utilisé des vidéos hors contexte où le rabbin Asaf Namburg, de l'académie prémilitaire du ministre de l’Éducation, semble qualifier les laïcs "[d']abjects"
Un journaliste de la Treizième chaîne a présenté ses excuses dimanche pour un reportage diffusé il y a dix jours et dans lequel il avait dépeint le principal rabbin d’une académie prémilitaire comme prônant la crainte à l’égard de la laïcité. Il a reconnu que son reportage était trompeur.
Dimanche, la chaîne Kan a révélé l’existence de vidéos supplémentaires qui montrent clairement que les images initiales montrant le rabbin Asaf Namburg en train d’enseigner à ses élèves, de l’académie prémilitaire créée par le ministre de l’Education Rafi Peretz, avaient été sorties de leur contexte.
Il apparaît en effet sur les images que le professeur jouait volontairement l’avocat du diable dans ses cours en évoquant différents positionnements possibles avec sa classe.
« Je veux présenter mes excuses », a écrit le journaliste Omri Maniv. « J’ai regardé les cours de l’académie avant le reportage. Après les diffusions des vidéos d’aujourd’hui, j’ai pris le temps (beaucoup) de les regarder encore et j’ai compris que ce qui avait été dit dans les classes était différent de ce que j’ai présenté ».
« Rien n’est plus important à mes yeux que l’exactitude, et il est déterminant pour moi, lorsque je signe un reportage, qu’il soit solide », a-t-il dit. « Je suis désolé ».

Les vidéos initiales avaient été présentées comme étant extraites d’enregistrements réalisés dans les salles de cours de l’académie prémilitaire Torah d’Otzem, qui avaient été supprimées d’internet peu de temps après l’entrée de Peretz en politique.
Peretz était à la tête de l’établissement avant de prendre la direction du parti HaBayit HaYehudi, au début de l’année.
Parmi les vidéos les plus choquantes, celles de Namburg qui semblait tenir des propos gorgés de mépris à l’égard des Israéliens laïcs.
À un moment, Namburg semble recommander vivement aux étudiants du programme – qui vise à les préparer au service militaire – à ne pas faire l’armée, pour ne pas être influencés en mal par les laïcs qu’ils seraient susceptibles de rencontrer là-bas.
« Je n’entrerai pas dans l’armée si je sais [qu’en faisant cela] je vais m’opposer à la crainte que Dieu doit m’inspirer », clame-t-il. « Est-ce préférable de devenir laïc ? De blasphémer contre Dieu et se rebeller contre lui ? D’être des mauviettes ? De perdre une tradition vieille de 2 000 ans ? De n’être rien, tant que nous avons une armée ? »
Mais dans le reportage diffusé par Kan dans la journée de dimanche, il dit clairement aux élèves qu’il se prépare à expliquer le raisonnement des Juifs ultra-orthodoxes qui refusent de servir au sein de l’armée.
Dans un autre extrait diffusé par le reportage original de la Treizième chaîne, Namburg raille la gauche laïque : » ‘Que chacun vive selon sa propre foi. Quoi, vous n’êtes pas pluralistes ?’ Depuis quand ?! D’où vient cette phrase de dingue ? On ne trouve nulle part une phrase dans le genre, sauf dans les livres [du parti politique progressiste] Meretz : ‘Que chacun vive selon sa propre foi’ ! »
Il rejette également toute association avec les Israéliens laïcs, déclarant : « Où avez-vous entendu qu’il soit possible de rapprocher ces êtres abjects [de la Torah] ? De leur donner une légitimité ? Leurs lieux de divertissement sont des lieux abjects où les femmes et les hommes se mélangent ».
Kan a présenté d’autres séquences filmées de Namburg dimanche, lesquelles indiquent clairement que ces points de vue ne sont pas les siens.
« Nous avons ici la droite et la gauche, nous avons les laïcs et les religieux, et une chose est claire : chacun est convaincu d’œuvrer pour le bien du pays », dit-il aux élèves.

« Je suis totalement convaincu que l’ex-dirigeante du Meretz, Zahava Galon, veut ce qu’il y a de mieux pour le pays dans son cœur, tout comme moi. Elle a seulement une vision différente de la mienne de ce qui est le mieux pour le pays », dit-il. « Mais elle adore le pays ».
Dans d’autres vidéos, il dénonce clairement la haine et les violences politiques.
En réponse au reportage initial, Otzem avait expliqué enseigner à ses étudiants une approche d’union et de conciliation ainsi que « la loyauté au pays dans toutes les circonstances de la vie ».
L’école avait ajouté que « les déclarations ont été faites dans le cadre d’un discours légitime à l’académie, et nous regrettons que le contenu des cours ait été présenté sans contexte ».
« Passer au crible chaque propos fait partie d’une campagne actuelle de la gauche radicale contre le monde des académies prémilitaires et le monde de la Torah », avait-elle poursuivi.
Peretz avait renchéri, disant que les vidéos avaient été sorties de leur contexte et qu’elles avaient été utilisées dans le cadre d’une campagne contre le judaïsme et ses valeurs.
« Notre académie enseigne l’amour d’Israël », avait-il clamé, ajoutant que la même approche serait adoptée dans toutes les écoles de l’Etat juif.
L’idée que l’académie chercherait à dissuader les étudiants d’accomplir leur service militaire est mensongère et infâme, avait-il ajouté, notant que
100 % des diplômés de son établissement servaient au sein de l’armée, dont 85 % dans des unités de combat, et que 13 de ces diplômés avaient perdu la vie en service.
« Diriez-vous d’eux qu’ils ont été éduqués à ne pas faire leur service au sein de l’armée ? », s’était-il exclamé.
Peretz, chef du parti HaBayit HaYehudi national-religieux – qui a dorénavant intégré l’alliance politique de droite Yamina – a été nommé à la tête du ministère de l’Éducation par le gouvernement transitoire de Netanyahu.
Il avait fondé l’académie en 1992 – à l’origine dans une implantation de Cisjordanie. Elle est devenue célèbre pour avoir formé de futurs responsables du camp national-religieux, socialement conservateur.
Il a été le grand rabbin de l’armée israélienne de 2010 à 2016.