Un lycée religieux d’Efrat confronté à ses morts au combat
Trois anciens élèves de la même classe de la Yeshiva Neveh Shmuel d'Efrat sont tombés dans les combats à Gaza, ainsi que deux parents d'élèves actuels
Institution à l’avant-garde du mouvement sioniste religieux, la Yeshiva Neveh Shmuel pour garçons a vu des générations entières d’anciens élèves servir au sein de certaines des unités de combat les plus prestigieuses de Tsahal.
Située dans l’implantation d’Efrat dans le Gush Etzion, en Cisjordanie, juste au sud de Jérusalem, l’école est aujourd’hui confrontée aux conséquences pénibles d’un tel dévouement.
Trois jeunes anciens élèves récemment diplômés ont été tués au combat dans la guerre entre Israël et le Hamas, ainsi que deux parents d’élèves actuels.
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« C’est pénible, c’est une perte pour le personnel et pour les élèves. Nous avons été à tous les enterrements et aux shivots », explique le rabbin Avishai Milner, Rosh yeshiva de Neveh Shmuel.
« Mais au bout du compte, malgré toute la douleur, nous en sommes sortis plus forts », ajoute-t-il.
« La génération actuelle, les jeunes, que nous considérons comme la génération Tik Tok, la génération des écrans, c’est aussi une génération de héros. Ils font ce qu’il faut », poursuit-il, notant que certains des soldats tombés au combat avaient des frères plus jeunes qui sont actuellement scolarisés à l’école.
Pour décrire combien cette période est intense, il raconte qu’alors qu’il était en route vers la shiva (visite traditionnelle à la famille endeuillée) de l’un des élèves, il a reçu un appel l’informant qu’un autre élève venait d’être tué.
Les trois anciens élèves tués, Yehonatan Semo, Eytan Dishon et Eitan Rosenzweig, étaient tous les trois de la classe de 2020. Milner était leur professeur et conseiller spirituel et c’est de cet angle qu’il a décrit les trois jeunes hommes au Times of Israel.
Le sergent-chef Yehonatan Semo, 21 ans, du 202e bataillon de parachutistes, a été blessé lors de combats à Gaza le 8 novembre. Il a été hospitalisé et a succombé à ses blessures deux jours plus tard, le 10 novembre. Milner le décrit comme la quintessence d’une « personne humaine », un leader naturel qui était « aimé de tous, le ciment qui unissait ses pairs ».
Comme il était à l’hôpital avant de mourir, un groupe de ses camarades de classe a pu se rendre à son chevet tard dans la nuit et parler à sa famille. Les parents de Semo étaient nés en Éthiopie et sa famille était un exemple éclatant de la réussite de l’aliyah éthiopienne en Israël, explique Milner.
Le sergent-chef Eytan Dishon, 21 ans, de l’unité de reconnaissance de la brigade Givati, a été tué dans le nord de Gaza le 20 novembre. Dishon était « très intelligent, calme, avec un monde intérieur riche. C’était l’étudiant idéal, très dévoué et discipliné, un leader », confie Milner.
Tsahal voulait que Dishon rejoigne les services de renseignement ou l’armée de l’air, mais il a décidé de d’abord rejoindre une yeshiva pré-militaire à Kiryat Shmona, où le Rosh yeshiva [le directeur de la yeshiva] lui a dit qu’un jour, il serait également à la tête d’une yeshiva.
« Lors d’un voyage en Pologne, nous avons parlé de la Shoah, du fait qu’ils [les communautés juives] ne pouvaient rien faire parce qu’ils n’avaient pas d’armée », se souvient Milner. « Je me souviens qu’il avait du mal à accepter ce fait et qu’il disait qu’aujourd’hui nous avions une armée et que nous ne serions plus confrontés à cette situation, que nous serions en mesure de nous protéger les uns les autres. »
Le sergent-chef Eitan Dov Rosenzweig, 21 ans, du bataillon Shaked de la brigade Givati, a été tué le 22 novembre à Gaza. Il « était différent, fascinant, très talentueux, très curieux, une personne très intéressante et riche », raconte Milner. Il explique que Rosenzweig le rencontrait pour des séances d’étude supplémentaires à 6h30, avant les prières du matin.
Rosenzweig était un « intellectuel spirituel » qui avait une compréhension exceptionnellement large du judaïsme mais qui, alors qu’il était encore au lycée, avait obtenu une licence en économie à l’Open University. Il était également proche de la communauté hassidique Gur de Jérusalem, visitait les musées et « s’intéressait à tout ».
C’était aussi un poète, un orateur et un artiste visuel doué. Son projet final en terminale était une illustration complexe de quatre mètres de long détaillant les événements importants de l’histoire juive. Milner a indiqué que l’école prévoyait d’imprimer un recueil de poèmes et d’œuvres d’art d’Eitan Rosenzweig.
Les pères de deux élèves qui fréquentent actuellement l’école sont également tombés au combat : Eitan Neeiman, 45 ans, qui a été tué dans l’exercice de ses fonctions de secouriste le 11 octobre, et le sergent-major Yossi Hershkovitz, 44 ans, qui était le directeur d’une autre école religieuse pour garçons, ORT Pelech, à Jérusalem.
L’atmosphère à Neveh Shmuel est différente aujourd’hui, et « beaucoup de gens sont tristes et affectés. Rien n’est parfait de nos jours, mais nous devons faire de notre mieux », souligne Milner.
Environ 40 % du personnel sert actuellement comme réserviste dans Tsahal, tout comme la plupart des maris des enseignantes et des administratrices. Malgré cela, il affirme que l’école réussit à garder des horaires d’enseignement « raisonnables ».
Neveh Shmuel fait partie du réseau d’institutions éducatives Ohr Torah Stone et a été fondée par le rabbin Shlomo Riskin, né aux États-Unis, qui a été l’élève du rabbin Joseph Soloveitchik. À ce titre, l’organisation entretient des liens étroits avec la communauté orthodoxe moderne des États-Unis.
Comme d’autres écoles du mouvement sioniste religieux, Ohr Torah Stone cherche à offrir un enseignement équilibré associant les études religieuses et laïques, tout en inculquant le sens de la mission sioniste et du service à l’État d’Israël.
L’ensemble du réseau Ohr Torah Stone compte environ 4 000 anciens élèves en service de réserve, indique le rabbin Dr. Katriel Kenneth Brander, qui a succédé à Riskin il y a plusieurs années à la tête d’Ohr Torah Stone.
Il explique que dans l’ensemble du réseau, sept anciens élèves ont été tués et que 23 autres familles associées ont perdu un mari ou un membre de leur famille, soit pendant les combats, soit au cours des massacres du 7 octobre.
Ohr Torah Stone est actif à plusieurs niveaux en cette période de guerre, avec notamment des campagnes de collecte de fonds, la planification d’un effort dédié à la santé mentale et à l’infrastructure des traumatismes, l’accueil de familles évacuées dans certaines de ses installations, l’organisation de visites aux familles et aux soldats, et bien d’autres choses encore.
« Nous pleurons ces pertes et je m’inquiète pour mon école, mais la détermination et l’esprit qui y règnent sont étonnants », affirme Brander. « Et nous ne sommes pas les seuls. La détermination, l’engagement, la volonté de laisser de côté les affaires personnelles de chacun pour s’occuper des problèmes plus importants, ce n’est pas seulement l’éthique de la communauté, c’est celle du pays tout entier. »
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