Un mathématicien-musicien fait danser les Parisiens sur des rythmes de klezmer endiablés
Avec son nom de scène, David JewSalsa et son groupe Cigarillos en el Shtruddle est à l'orgine de nombreux événements inter-culturels dans la capitale

PARIS – Quand la musique klezmer rencontre la salsa sur les rives de la Seine, où qu’on assiste à un flashmob sur le thème de la matsa en plein quartier du Marais, on ne peut accuser qu’un seul Parisien. À la fois musicien et mathématicien, il se fait appeler David JewSalsa.
David el Shatran est un Parisien, un homme aux multiples facettes et aux origines complexes. Il est chercheur dans le secteur de l’intelligence artificiel et il dépose des brevets sous son patronyme officiel, David Pergament, mais il s’est formé pour devenir professeur de salsa diplômé pendant l’année sabbatique qui a suivi son master et précédé le doctorat qu’il est en train d’obtenir.
Marié, père de deux enfants, il est à l’origine de nombreux événements interculturels à Paris et en dehors de la capitale, associant des genres divers et variés de danse et de musique, mais aussi des communautés ethniques variées.
Il joue également avec un groupe répondant à l’improbable nom de Cigarillos en el Shtruddle (Les petits cigares dans le strudel).
Pour el Shatran, ces combinaisons sont la suite logique de son éducation.
« Mes parents aiment la musique, le jazz, la musique classique, mais aussi le klezmer. Ils m’ont élevé dans un judaïsme plein de valeurs et de cultures », dit-il en forçant sur la pluralité des « cultures ».
« Mon père est un ashkénaze de Pologne. Ma mère est séfarade, originaire de Tunisie. À Pessah, il y avait toujours gefilte fish (carpe farcie) et du raifort, et du msoki et de l’harissa sur la même table », reprend-il.
« J’ai appris les atouts des mélanges depuis mon plus jeune âge. »
« Mon père est un ashkénaze de Pologne. Ma mère est séfarade, originaire de Tunisie. J’ai appris les bénéfices des mélanges depuis mon plus jeune âge. »
En 2012, les centres d’intérêts d’el Shatran ont intrigué les fonctionnaires de la ville. Les organisateurs de Paris Plages, qui crée des plages urbaines le long de la Seine, ont invité le projet JewSalsa à se reproduire sur les berges.
« Il y a quatre ans, les organisateurs nous ont contactés pour que nous apportions notre touche de folie tous les dimanches à Paris Plages », raconte-t-il.
« Les vidéos de JewSalsa ont été créées pour les fêtes juives, avec de la musique originale de salsa, et les concerts ont été donnés à New Morning, l’un des meilleurs clubs de jazz de Paris. Grâce à cela, nous étions considérés comme une organisation culturelle forte qui envoie un message de respect de l’identité à Paris. »
https://youtu.be/SN-avu9_Lig
Depuis, JewSalsa fait partie intégrante de l’évènement annuel, et participe aussi au festival hebdomadaire du jeudi, « Paris Danses en Seines ».
Cet été, avec une équipe de bénévoles, el Shatran a dirigé l’évènement et a attiré entre 1 000 et 5 000 participants à chaque performance. Ces évènements font venir des Français de tous bords, et notamment des musulmans et des juifs, sur scène et dans le public.
« Nous avons des musiciens moldaves qui jouent avec des musiciens juifs parisiens. C’est un mélange interculturel ».
Chaque dimanche, de 15 à 18 heures, pendant Paris Plages, du 20 juillet au 4 septembre, l’équipe de JewSalsa danse entre les deux ponts les plus célèbres de Paris, le Pont des Arts et Pont Neuf. Implanté devant le bâtiment de La Samaritaine, JewSalsa a créé des ponts culturels non moins importants que les vrais ponts de Paris.
La programmation est remplie d’une fierté culturelle assumée : « Quand vous venez à l’un de nos spectacles, c’est écrit JewSalsa de partout. Sur les chapeaux Borsalino du personnel, sur les bannières. Nous postons des photos et des vidéos sur nos pages Facebook avec le logo de JewSalsa, pour que tout le monde le voie », explique-t-il.
Au programme, un cours de deux heures pour les enfants, suivi d’une session de trois heures pour adultes donnée par plusieurs profs, musiciens et DJ. On y apprend la salsa, le klezmer, la musique orientale, le bhangra ou encore des thèmes indiens.
« C’est juste dingue ! Beaucoup de gens ont aimé la philosophie de JewSalsa – sois fier de ce que tu es, partage tes valeurs, respecte celles des autres, et tout le monde sera heureux. »
« Sois fier de ce que tu es, partage tes valeurs, respecte celles des autres, et tout le monde sera heureux »
Lorsqu’il enseigne la danse klezmer, el Shatran explique ses origines, incorpore des blagues et balance un Le’Haïm, son signal signature pour commencer à danser.
Il intègre d’autres éléments de la tradition juive avec un sentiment d’appartenance respectueux, qui surprendrait les juifs plus traditionalistes.
« En juillet, l’évènement tombait au même moment que la fin de Tisha Be’av. Au cours de l’évènement, nous avons expliqué comment la haine gratuite – sinat ‘hinam – nous détruit, et nous avons encouragé les gens à répandre de l’amour gratuit, ahavat ‘hinam. Les vidéos du cours de danse klezmer et celles du cours de danse du ventre ont été vues 30 000 fois ce jour-là. »
Pendant une interruption temporaire de son parcours universitaire, el Shatran a obtenu son diplôme de professeur de salsa avant de devenir doctorant. Chaque semaine, il s’entraînait pendant 30 heures dans une école de danse professionnelle.
« Je détestais danser, et j’ai compris le monde de la danse pour la première fois de ma vie, et mon corps a adoré ! »
« Je suis allé à un cours de salsa avec le flutiste de mon groupe, et, pour la première fois de ma vie, j’ai compris que l’on pouvait danser », relate el Shatran.
« Je suis un mathématicien, et un musicien, et durant ces cours, les professeurs montraient comment bouger. Leurs explications étaient logiques, lentes, avec des mots logiques. J’ai compris ! Je détestais danser, et j’ai toujours passer mon temps devant un instrument au lieu d’aller sur la piste de danse. Et pour la première fois de ma vie, j’ai compris l’univers de la danse, et comment danser, et mon corps a adoré ! »
En tant que pianiste, el Shatran jouait pour le plaisir, mais également dans des mariages ou des restaurants. Son répertoire contient du jazz, de la musique gipsy, klezmer et des mélodies moyen-orientales, juives et arabes, ou, comme il aime dire « de la musique là où il y a de l’improvisation. » Et après avoir appris à danser la salsa, il s’est mis à jouer de la salsa.
Il ajoute : « Je n’ai pas pu résister à ces rythmes envoûtants. »
Puis, quelque chose s’est produit. Il appelle ça « ma propre fusion originale : un orchestre klezmer salsa. Nous utilisons la musique qui coule dans mes veines, la musique klezmer, et nous créons une version salsa. »
Naturellement, le nom de son groupe dépeint cette combinaison culturelle : Cigarillos en el Shtruddle. Le projet joue également un rôle cher aux yeux d’el Shatran, le partage du savoir-faire.
« J’enseignais l’intelligence artificielle à l’université. Et enseigner la salsa, c’est pareil, sauf que les étudiants ne transpirent que le jour de leur examens », plaisante-t-il.
« Dans les deux ondes, il y a la théorie et la pratique, et ma pédagogie est rigoureuse est amusante à la fois. Enseigner la salsa me donne l’impression de procurer du bonheur aux gens, et je crée un contexte de proximité dans lequel je peux partager des éléments de la culture latine avec des éléments de la culture juive, yiddish, mais également judéo-espagnole. »
« La salsa, c’est l’école de la vie. »
El Shatran soutient que la danse sociale permet de décloisonner les groupes qui ont attiré l’attention des médias dans le cadre de la vague de terreur qui a frappé Paris.
« Quand vous dansez la salsa, on est tous égaux », dit-il. « Des personnes d’âges différents, de milieux sociaux et de cultures différentes dansent ensemble. La salsa, c’est l’école de la vie. »
Il ajoute que le plus important, c’est « d’apprendre à respecter les autres, ces gens qui veulent être différents de nous ».
Les résultats sont impressionnants.
« Chaque dimanche, en fonction des conditions météo, nous réunissions entre 1 000 et 5 000 personnes pour danser avec nous ou juste pour nous regarder, sourire et applaudir », rapporte-t-il.
Dans ses clips vidéo, el Shatran est un figurant visible dans un T-shirt mauve. Il joue du bongo, enseigne la danse cubaine et fend la foule au son de « Am Israël ‘Haï ».
« De plus en plus de gens comprennent notre message et notre philosophie. Ceux qui nous ont toujours perçus comme un simple divertissement ont compris que nous sommes aussi une organisation forte, avec une vision profonde. Dans la communauté juive, nous sommes une organisation qui réalise l’impossible. »
Comme par exemple, la reproduction des danseurs papillotés de la comédie burlesque à succès des Aventures de Rabbi Jacob.
« Nous avons prouvé que la plupart des français n’ont aucun problème avec les juifs. »
« Nous avons prouvé à de nombreux juifs qui doutent de la France qu’il est possible de danser « Rabbi Jacob » avec des milliers de personnes sans aucun problème. Nous avons prouvé que la plupart des français n’ont aucun problème avec les juifs. Il s’agit simplement d’une minorité. Une minorité active, certes, mais une minorité quand même. »
El Shatran tire encore d’autres bénéfices de cette programmation.
« Nous créons des opportunités pour que des non-juifs et des juifs se retrouvent dans un contexte innovant. Et devinez quoi ? Ils nous trouvent cool. Certaines personnes perçoivent notre travail à Paris Plages comme un travail inter-religieux, et ils nous remercient d’ouvrir le dialogue. »
Il explique son succès par ce qu’il appelle une « vue d’ensemble ».
« Nous appréhendons les autres cultures avec respect afin que les autres appréhendent la nôtre avec respect. La danse est un langage universel. La musique est un langage universel. C’est ce judaïsme que j’aime. C’est cette France que j’aime. »
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