Un nazi qui avait risqué sa vie pour sauver des Juifs distingué à titre posthume
Quarante ans après sa mort, Helmut Kleinicke, qui avait protégé et aidé des travailleurs forcés juifs pour leur éviter la déportation, vient d'être reconnu Juste parmi les Nations
BERLIN – Saisissant l’estrade pour s’aider, Josef Konigsberg, 95 ans, survivant de la Shoah, a fondu en larmes. Il est la seule personne d’Allemagne encore en vie capable de relater directement la bravoure d’Helmut Kleinicke, qui a été désigné à titre posthume Juste parmi les Nations à l’Ambassade d’Israël à Berlin le 14 janvier.
« C’est l’un des plus beaux jours de ma vie « , a déclaré le nonagénaire, en regardant la fille d’Helmut Kleinicke, Juta Scheffzek, qui était assise non loin de lui. « Merci, merci. »
Le titre de Juste parmi les nations est accordé par le centre commémoratif de la Shoah israélien, Yad Vashem, à ceux dont il est prouvé qu’ils ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. L’ambassadeur d’Israël en Allemagne, Jeremy Issacharoff, a remis à Juta Scheffzek un certificat, ainsi qu’à Josef Konigsberg, que cette dernière a accepté au nom de son père.
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Membre du parti nazi, Helmut Kleinicke n’a été reconnu publiquement que ces dernières années comme sauveur de centaines de Juifs au plus fort de la Shoah. Il est le 628e Allemand à recevoir cette reconnaissance, et l’un des seuls récipiendaires à avoir été également membre du parti nazi.
Pour des raisons peu claires – peut-être par modestie ou bien pour éviter de se démarquer par ce qui était alors une distinction controversée dans l’Allemagne d’après-guerre – l’ancien officiel nazi a gardé le silence sur son héroïsme jusqu’à sa mort en 1979 à l’âge de 72 ans. Il parla peu à sa fille de ses activités en temps de guerre et n’envoya aucune réponse aux trois survivants qui lui écrivirent après la fin de la guerre.
Il y a trois ans, un reportage de la chaîne publique israélienne Kan avait fait la lumière sur ses actions, recueilli les témoignages de nombreuses personnes sauvées par ses soins pendant la guerre et organisé une rencontre en Israël entre Juta Scheffzek et certains des survivants. Cela a également incité sa fille à faire ses propres recherches.
Lors de la cérémonie, elle a expliqué que le fait de se pencher sur l’histoire de son père, ainsi que de visiter Israël il y a trois ans, avait considérablement changé sa vie.
« Cela m’a permis de vérifier ce que mon père m’a dit en très peu de mots – et je n’ai jamais su s’il disait la vérité », a-t-elle fait savoir.
Selon le témoignage d’un survivant auprès de la chaîne Kan en 2017, Helmut Kleinicke, qui avait rejoint le parti nazi en 1933, profita de sa position de haut fonctionnaire chargé de la construction à Chrzanow, en Haute-Silésie, pour « réclamer » des Juifs comme ouvriers. Son intervention les sauva d’une déportation à Auschwitz, située à seulement 20 kilomètres de là.
« Ceux d’entre nous qui travaillaient pour Helmut Kleinicke étaient des sortes de VIP », a confié le survivant à la chaîne. « Nous avions une attestation indiquant que nous travaillions pour lui, c’était notre police d’assurance. »
Le haut fonctionnaire aurait également hébergé de nombreux juifs dans son sous-sol – en particulier ceux qui étaient affaiblis et risquaient d’être déportés à Auschwitz – et aurait alerté les Juifs des futures rafles.
Les nazis apprirent que de nombreux Juifs disparaissaient sous le commandement d’Helmut Kleinicke, a indiqué sa fille aux personnes rassemblées lors de l’événement, ce qui entraîna sa réaffectation à l’entraînement militaire à titre de sanction en 1943.
Il n’a pas tenu de registre du nombre de Juifs qu’il a sauvés, mais les survivants l’estiment à au moins plusieurs centaines.
S’exprimant lors de la cérémonie du 14 janvier, Josef Konigsberg a confié comment son sauveur était venu en personne l’extraire de la file pour le convoi vers Auschwitz quand il avait 16 ans.
« Je lui dois ma vie », s’est ému le rescapé. « Ma mère l’a supplié de me sauver. Helmut Kleinicke s’est emparé de moi et a dit que j’étais son meilleur ouvrier ».
La mère et la sœur de Josef Konigsberg ont été transportées à Auschwitz peu après. Elles n’ont pas survécu.
A l’époque, le jeune homme donna à Helmut Kleinicke sa précieuse collection de timbres pour qu’il la garde en sécurité. Le cadre nazi lui a alors rétorqué que s’ils réussissaient tous les deux à survivre à la guerre, il lui rendrait les timbres. Josef Konigsberg les a finalement récupérés y a trois ans, des mains de Jutta Scheffzek.
« J’ai l’impression que la boucle est bouclée », a indiqué Jutta Scheffzek au Times of Israel après la cérémonie. « Ce fut une très longue et émouvante recherche pour découvrir la vérité sur mon père, et j’espère que les gens en Amérique, au Royaume-Uni et en Israël en entendront parler. »
« Quand vous êtes dans le contexte de l’Allemagne, vous n’êtes jamais libéré de la dimension historique de la Shoah. C’est un très lourd fardeau à porter pour les Allemands, et aussi évidemment le peuple juif, et il est toujours présent », a déclaré l’ambassadeur israélien. « Et je pense qu’il est vraiment important que ce type de cérémonie reconnaisse aussi qu’il y a eu quelques personnes vraiment importantes qui ont fait ce qu’il fallait. C’est, pour moi, le message principal qui devrait en ressortir. »
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