Israël en guerre - Jour 423

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Un nouveau livre fait le trait d’union entre le massacre d’Hébron de 1929 et celui du 7 octobre

Dans "Ghosts of a Holy War", Yardena Schwartz enquête sur les mensonges et sur le déni qui ont alimenté le conflit israélo-palestinien pendant un siècle, éloignant une éventuelle résolution

Des enfants juifs blessés à Hébron au mois d'août 1929 (Autorisation : Archives d'Hébron)
Des enfants juifs blessés à Hébron au mois d'août 1929 (Autorisation : Archives d'Hébron)

Un jeune homme né aux États-Unis, David Shainberg, avait été assassiné lors d’un massacre perpétré par des Arabes nourris à l’idéologie de l’islam radical, dont la rage meurtrière était rendue encore plus grande par une accusation erronée lancée à l’encontre des Juifs : celle que ces derniers avaient l’intention de conquérir le mont du Temple à Jérusalem et de détruire la mosquée Al-Aqsa.

Shainberg, étudiant en yeshiva, n’a pas été tué lors du pogrom du 7 octobre, l’année dernière, une carnage commis par le Hamas. Non : il avait été battu à mort par des voisins arabes armés d’épées, de couteaux et de gourdins à Hébron, il y a presque un siècle. Shainberg n’avait pas été la seule victime. Au total, 67 hommes, femmes et enfants juifs avaient perdu la vie et il y avait eu des dizaines de blessés lors du massacre d’Hébron, le 24 août 1929 – une tuerie qui avait laissé des centaines de personnes traumatisées.

Les survivants juifs avaient été évacués vers Jérusalem. S’ils vivaient à Hébron depuis des millénaires, qu’ils y côtoyaient des habitants musulmans dans un climat de coexistence pacifique depuis des siècles, la ville était devenue Judenrein jusqu’à ce que les partisans du mouvement pro-implantation y fassent leur retour en 1968.

Un nouveau livre de Yardena Schwartz, intitulé Ghosts of a Holy War : The 1929 Massacre in Palestine that Ignited the Arab-Israeli Conflict, montre la manière dont l’écho du massacre d’Hébron continue de se répercuter bien au-delà de la ville de Cisjordanie – qui abrite aujourd’hui les Israéliens et les Palestiniens les plus radicaux.

« Ce livre devait à l’origine raconter comment la ville de Hébron, qui était le berceau du peuple juif dans la Bible, est devenue l’une des blessures les plus profondes de ce conflit, et comment ce phare de la coexistence est devenu l’antithèse de ce concept même », dit Schwartz au Times of Israel lors d’un entretien depuis son domicile, à New York.

En évoquant ce « berceau, » l’autrice fait ici référence au Tombeau des Patriarches, à Hébron, qui est considéré comme le lieu de sépulture de six des sept patriarches et matriarches du Judaïsme. Le tombeau, qui avait été construit par Hérode le Grand, est également sacré pour les musulmans – il est connu, dans l’islam, sous le nom de mosquée Ibrahimi.

L’idée de ce livre est née de la découverte de longues lettres, très détaillées, qui avaient été écrites par Shainberg, qui se trouvait alors à Hébron, à ses parents qui vivaient à Memphis – des missives qu’un membre de sa famille avait retrouvées, des décennies plus tard. Elles avaient été confiées à un journaliste israélien anglophone qui avait suggéré à Schwartz d’en faire un ouvrage.

Schwartz avait déjà beaucoup progressé dans ses recherches historiques attentives et dans ses entretiens pour le livre lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas avaient commis un pogrom dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023.

« Le 7 octobre a complètement transformé cet ouvrage… Après le 7 octobre, j’ai encore essayé d’écrire le livre tel que je l’avais initialement imaginé mais je n’arrivais pas à écrire les mots sur le papier. Cela n’avait plus de sens. J’ai senti que les parallèles entre Hébron, en 1929, et le 7 octobre étaient tellement immenses, tellement obsédants et effrayants que c’était là-dessus que je devais écrire », explique-t-elle.

Schwartz, qui est journaliste, avait mis de côté son livre pendant quelques mois, se concentrant sur la couverture de la crise des otages. Elle raconte s’être entretenue avec de nombreuses familles de captifs pour évoquer les initiatives prises par ces dernières pour garantir le retour de leurs proches. Grâce à ces conversations et aux reportages réalisés sur les atrocités perpétrées par le Hamas et par d’autres factions terroristes pendant le pogrom, elle a eu l’impression « d’évoluer sur les pages de l’Histoire », confie-t-elle.

Yardena Schwartz (Crédit : Yair Golov)

« J’ai réalisé que le livre que je devais écrire porterait sur la manière dont le 7 octobre fait écho à ce qui s’était passé à Hébron, en 1929. Qu’il serait consacré à l’incapacité à réellement tirer les leçons de l’Histoire, aux conséquences de cet échec et à la façon dont un siècle d’Histoire a été ignoré dans le processus de résolution de ce conflit. Si nous continuons à détourner le regard face à ces leçons, nous sommes condamnés à un autre siècle de massacres », avertit Schwartz.

L’un des principaux enseignements est que la dimension religieuse du conflit israélo-palestinien ne peut être ignorée. Il est aussi impossible de nier le fait que les Juifs sont originaires de la Terre d’Israël. Schwartz affirme que la poursuite de la lutte armée par les Palestiniens, une lutte qui est alimentée par l’islamisme et par le rejet d’un avenir commun sur ce territoire, aide à perpétuer le cycle de la violence.

« Le rôle tenu par l’islam radical, l’insistance placée sur la lutte armée violente comme seul moyen d’avancer, ont été contre-productifs. Cet échec a non seulement alimenté un siècle de morts et de destructions inutiles, mais il a également éloigné de plus en plus l’objectif d’un État palestinien », estime Schwartz.

Le Tombeau des Patriarches, photographié du côté israélien d’Hébron, octobre 2019 (Yardena Schwartz)

« Au moment où je faisais des recherches sur l’histoire non seulement d’Hébron, mais aussi du conflit lui-même, il m’est apparu clairement que les attaques massives qui ont pris les Juifs pour cible ou qui ont eu lieu en Israël ont renforcé les idéologies et les causes mêmes que ces attaques cherchaient à détruire. Par exemple, en 1929, le massacre a fini par renforcer le sionisme et par rallier les Juifs autochtones de Palestine, qui n’étaient pas unis autour du sionisme. Il les a convaincus que seul un État juif doté de sa propre armée pouvait les protéger, car les Britanniques avaient clairement échoué à le faire. De même, le 7 octobre a détruit Gaza et a éloigné les espoirs concernant l’établissement d’un État palestinien », déclare-t-elle.

Une grande partie de Ghosts of a Holy War examine l’histoire israélienne et palestinienne depuis le Mandat britannique jusqu’à la guerre des Six Jours de 1967. L’ouvrage explique la signification sacrée d’Hébron pour les Juifs comme pour les musulmans.

Les autres sections du livre sont plus intéressantes pour ceux qui sont déjà familiarisés avec le sujet. Il s’agit notamment de la naissance et de la croissance du mouvement pro-implantation israélien radical à Hébron, de la description de la séparation absolue entre Israéliens et Palestiniens à Hébron aujourd’hui, de la militarisation des secteurs de la ville qui se trouvent sous le contrôle des Israéliens et de l’impact de cette militarisation sur le quotidien des Palestiniens.

Un Palestinien discute avec un soldat israélien dans le centre d’Hébron, en Cisjordanie, le 4 juillet 2023. (Crédit : MOSAB SHAWER / AFP)

Schwartz, une ressortissante américaine qui a vécu en Israël pendant dix ans, de 2013 à 2023, s’était rendue pour la première fois à Hébron en 2011, alors qu’elle était étudiante en journalisme à l’université de Columbia.

« C’était la première fois que je voyais de près les conséquences de l’occupation de la Cisjordanie… J’ai vu comment les Palestiniens marchaient dans les rues [des quartiers d’Hébron placés sous le contrôle d’Israël] la tête baissée, parce qu’il y avait des soldats à chaque coin de rue… J’ai imaginé ce qu’ils devaient ressentir… J’ai été frappée par le fait que moi, en tant qu’étudiante à New York, je jouissais d’une plus grande liberté que ce n’était le cas pour eux quand je marchais dans les rues », raconte Schwartz.

« Ce lieu tellement sacré était devenu une gigantesque base militaire et je n’ai rien ressenti de la spiritualité de l’endroit, ce qui était assez tragique », ajoute-t-elle.

« Ghosts of a Holy War : The 1929 Massacre in Palestine That Ignited The Arab-Israeli Conflict » par Yardena Schwartz (Crédit : Union Square & Co.)

Les centaines d’heures passées sur le terrain par l’autrice à Hébron, dans le cadre des reportages qu’elle a pu réaliser entre 2019 et 2023, montrent les deux revers de la médaille. D’une part, il y a ses conversations avec des partisans ultranationalistes du mouvement pro-implantation comme Baruch Marzel et d’autres qui ne cachent pas leur vénération à l’égard du terroriste juif Baruch Goldstein, qui, en 1994, avait perpétré un massacre au Tombeau des Patriarches, tuant 29 fidèles musulmans et blessant 125 personnes.

À l’inverse, elle s’est aussi longuement entretenue, pour les besoins de son ouvrage, avec des Palestiniens d’Hébron qui nient le lien existant entre les Juifs et la deuxième ville sainte du judaïsme. Ces derniers, dit-elle, lui ont raconté que les Juifs y avaient vécu en bon voisinage avec les musulmans pendant des siècles, et que le massacre de 1929 n’avait jamais eu lieu.

« Je me souviens que j’avais été très choquée d’entendre ces dénégations de l’Histoire juive et du massacre. Et pourtant, aujourd’hui, dans la réalité nouvelle qui est la nôtre, ces dénégations sont partout. Elles ne viennent pas seulement de Palestiniens extrémistes à Hébron, mais aussi d’étudiants de l’université de Columbia – des enfants occidentaux, blancs et privilégiés – qui nient l’Histoire et qui insistent pour dire que les Juifs sont des colonialistes étrangers », fait remarquer Schwartz.

Ghosts of a Holy War s’achève sur le 7 octobre, sur ses conséquences et sur ses répercussions actuelles. Il revient également sur David Shainberg. Comme 24 autres victimes du massacre d’Hébron, il était étudiant à la yeshiva de la ville.

David Shainberg, peu après son arrivée en Palestine, 1928 (Autorisation : Famille Shainberg)

Peu intéressé par la vie juive américaine de l’époque – avec sa tendance à l’assimilation – ou par le sionisme, David Shainberg avait des quêtes plutôt inhabituelles pour son temps. Il recherchait une vie simple et spirituelle d’étude et d’enseignement de la Torah en Terre sainte. Il envisageait de faire venir sa fiancée de New York, de l’épouser et de fonder une famille.

Shainberg avait vécu près d’un an à Hébron avant d’être assassiné. Dans ses lettres, il écrivait que les autorités musulmanes empêchaient les Juifs de prier au mur Occidental et propageaient des mensonges, notamment le fait que les Juifs voulaient détruire Al-Aqsa pour construire un troisième temple.

Comme les victimes du 7 octobre à la veille de leur mort, il ne se doutait pas que cette arme de la haine allait l’anéantir de façon imminente. Le pogrom a été baptisé « Déluge d’al-Aqsa » par le Hamas.

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