Israël en guerre - Jour 430

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Un orchestre israélien honore un Italien qui a sauvé plus de 5 000 Juifs

Giorgio Perlasca a délivré des « cartes de protection » en se faisant passer pour un ambassadeur espagnol en Hongrie

Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Les membres de l'Orchestre Symphonette Raanana. Le RSO est le fer de lance d'un projet honorant les Justes parmi les Nations à travers de nouvelles œuvres commandées à des compositeurs israéliens. (Crédit  autorisation)
Les membres de l'Orchestre Symphonette Raanana. Le RSO est le fer de lance d'un projet honorant les Justes parmi les Nations à travers de nouvelles œuvres commandées à des compositeurs israéliens. (Crédit autorisation)

On peut se demander si Steven Spielberg a choisi le meilleur héros lorsqu’il a fait son film sur la Shoah. Se faisant passer pour un diplomate espagnol en Hongrie pendant la Seconde Guerre mondiale, un importateur/exportateur italien, Giorgio Perlasca a réussi à sauver la vie de près de 5 200 Juifs qui, sans son intervention, auraient fini dans les camps d’extermination. (Pour information, Oskar Schindler, le personnage du long-métrage « La Liste de Schindler » a sauvé 1 200 personnes.)

Perlasca est resté discret au sujet de ce qu’il avait fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a gardé son histoire pour lui jusqu’à ce qu’en 1987, un groupe composé de « ses » Juifs le retrouve. Il a reçu, à juste titre, une foule de distinctions médiatiques et étatiques suite aux révélations de ce groupe.

Et même si Perlasca est décédé en 1992, il continue à être honoré.

Dans le cadre de son projet des Justes parmi les Nations, le petit orchestre symphonique de Ra’anana a commandé au compositeur Moshe Zorman une pièce qui rend hommage à Perscala, « His Finest Hour » [Son Heure de gloire]. Cette pièce sera jouée pour la première fois le 10 décembre à Ra’anana en présence du fils de Perscala, Franco, et de sa belle-fille, Luciana Amadia.

« Lorsque j’ai entendu parler des opérations extraordinaires de Perscala, je me suis dit que tout le monde devait savoir ce qu’il avait accompli. Et nous n’avons qu’une seule manière de partager cela – grâce à la musique », explique le directeur général de l’orchestre Orit Fogel-Shafran au Times of Israel.

« La musique est un langage compris de tous et par la musique nous voulons raconter cette histoire courageuse qui est à peine croyable », poursuit Fogel-Shafran.

A ce jour, l’orchestre a commandé plusieurs nouvelles pièces à plusieurs compositeurs israéliens dont le sujet principal est une personne qui a sauvé des Juifs pendant l’Holocauste. Pour le moment, sept personnes ont fait l’objet de ces pièces, dont une sur Irina Sendler qui a réussi à faire sortir 2 500 Juifs du ghetto de Varsovie. Lorsque le projet « Sendler » a été connu de tous grâce à YouTube, l’orchestre a reçu une médaille d’honneur remise par le président polonais.

Giorgio Perlasca en 1935 pendant la guerre civile espagnole (Crédit : Yad Vashem)
Giorgio Perlasca en 1935 pendant la guerre civile espagnole (Crédit : Yad Vashem)

« Cela commence par une pièce musicale, mais des milliers d’enfants se sont impliqués grâce à cette pièce », s’enthousiasme Fogel-Shafran.

Cette nouvelle pièce écrite par Zorman inclut le poème de Primo Levi, lui-même un survivant italien de la Shoah, Si c’est un homme.

Zorman entame sa pièce en exposant la vie de ceux qui vivent paix dans des immeubles protégés. Par le biais de la musique, il se demande « si, dans ces conditions, il est possible de comprendre ceux qui vivent sous la menace constante de la mort et qui se battent contre la famine, mais continuent à lutter pour leur propre humanité ».

La seconde partie de la pièce décrit la lutte existentielle des Juifs et la menace des forces du mal. L’appel douloureux des Juifs s’entend dans « la marche militaire qui menace de tout écraser sur son chemin ».

Faisant un parallèle avec le poème de Levi, la pièce s’achève en s’adressant aux futures générations, en les implorant de continuer à raconter l’histoire de la Shoah et de la consigner pour le futur.

Une histoire parfaite pour le grand écran

L’histoire de Perlasca pourrait facilement faire l’objet d’un script hollywoodien.

Après avoir combattu dans les forces armées italiennes pendant la Guerre d’Espagne aux côtés de Francisco Franco, le nouveau dictateur fasciste lui a proposé la citoyenneté espagnole qu’il a refusée.

Plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, Perlasca s’est trouvé dans une position lucrative en tant que fournisseur de vivres pour l’armée italienne combattant en Europe de l’Est. En 1943, à cause de la chute de Mussolini en Italie, Perlasca a été obligé de reconsidérer la proposition de Franco.

Il avait le choix entre rentrer chez lui et soutenir un autre régime fasciste ou de rester en Europe de l’Est. Perlasca, qui était en Hongrie à ce moment-là, a fait le choix de rester.

Mais après avoir passé du temps enfermé dans un château avec d’autres diplomates apatrides, l’Italien s’est rendu compte d’une chose : « Je n’étais ni un fasciste ni un antifasciste, mais j’étais sûrement un antinazi. »

Giorgio Perlasca en 1935 pendant la guerre civile espagnole (Crédit : Yad Vashem)
Giorgio Perlasca en 1935 pendant la guerre civile espagnole (Crédit : Yad Vashem)

Et quel meilleur moyen de lutter contre les nazis que de sauver leur proie ?

Perlasca s’est alors rendu à l’ambassade espagnole sous le nom de Jorge et a demandé asile. Il a commencé à sauver les Juifs aux côtés du chargé d’Affaires espagnol, Angel Sanz Briz, qui avait déjà commencé à délivrer des « cartes de protections » qui permettaient aux ambassades des Etats neutres d’avoir la tutelle des personnes en possession d’une telle carte.

Le gouvernement hongrois a eu vent des manigances de Sanz Briz et il a dû fuir l’ambassade. Perlasca, quant à lui, témoin des transportations en masse des Juifs d’Europe de l’Est lorsqu’il travaillait avec l’armée italienne, a pris la décision de continuer à délivrer ces cartes de protection.

Il a rapidement « pris » la fonction d’assistant de Sanz Briz et s’est nommé lui-même ambassadeur à la place de Sanz Briz grâce à une lettre avec l’entête de l’ambassade falsifiée.

« Je ne supportais pas de voir les gens marqués comme des animaux… Je ne supportais pas de voir des enfants tués. J’ai fait ce que j’avais à faire », a expliqué Perlasca.

Autre détail intéressant, Perlasca aurait utilisé un vide juridique pour sauver les Juifs. Une loi espagnole datant de 1924 accordait la citoyenneté et la protection aux Juifs nés en Espagne. Il a alors émis de faux laissez-passer en affirmant que les Juifs hongrois étaient séfarades.

Selon MoralHeroes.org, ces laissez-passer déclaraient : « Les familles de tous les Espagnols en Hongrie requièrent leur présence en Espagne. Jusqu’à ce que nous soyons en mesure de rétablir la communication avec l’Espagne et que leur retour redevienne possible, ils resteront sous la protection du gouvernement espagnol. »

Ayant conscience du peu de temps qu’il avait, Perlasca s’est associé avec d’autres diplomates, dont Raoul Wallenberg, pour combiner leurs efforts et mettre les Juifs en sécurité. Il aurait réussi à sauver entre 3 500 et 5 000 Juifs en seulement un mois et demi, entre le 1er décembre 1944 et la mi-janvier 1945.

Raoul Wallenberg (photo credit: Wikimedia Commons)
Raoul Wallenberg (photo credit: Wikimedia Commons)

A la fin de la guerre, Perlasca est reparti vivre en Italie ou il a vécu une vie calme et paisible dans l’anonymat. En 1987, il a été retrouvé par un groupe de Juifs hongrois qui souhaitait le remercier.

Depuis, il a reçu les honneurs des gouvernements italien, hongrois et espagnol. De son vivant, il a été reconnu comme un Juste parmi les Nations lors d’une cérémonie à Yad Vashem.

Après les représentations du 10 et 11 décembre à Ra’anana, « His Finest Hour » se produira à Venise.

« Vous ne savez jamais où la musique vous mène », affirme Fogel-Shafran. « C’est notre manière de remercier et de diffuser la musique. »

Giorgio Perlasca est honoré lors d'une cérémonie à Yad Vashem à Jérusalem - Septembre 1989. (Crédit : autorisation Yad Vashem)
Giorgio Perlasca est honoré lors d’une cérémonie à Yad Vashem à Jérusalem – Septembre 1989. (Crédit : autorisation Yad Vashem)

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