Un site de crypto-devises lié aux options binaires fait faillite
78 employés d'une firme appartenant à CX Technologies - dont un grand nombre de salariés travaillaient pour SpotOption, dans le viseur du FBI - ont demandé cette liquidation
La compagnie israélienne responsable de DX.Exchange, qui travaille dans le secteur de l’échange de crypto-devises, est en train de déposer le bilan après que 78 employés, anciens et actuels, ont déposé plainte devant un tribunal israélien, réclamant sa liquidation.
La plainte, qui a été déposée le 24 octobre, contient plusieurs affirmations et révélations surprenantes faisant le lien entre cette entreprise hautement médiatisée, promue par Bloomberg News et autres, à la tristement célèbre industrie israélienne des options binaires.
La plainte prétend que la compagnie israélienne CX Technologies Ltd. a développé et exploité une plateforme d’échange de crypto-devises.
D’autres documents vus par le Times of Israel révèlent que cette plateforme de trading portait le nom de DX.Exchange. Selon le site internet de DX.Exchange, cette dernière serait la propriété d’une compagnie enregistrée en Estonie, mais la plainte affirme qu’elle était, en fait, exploitée par CX Technologies.
La plainte clame par ailleurs que CX Technologies a succédé à SpotOption, qui avait fait l’objet d’une descente du FBI au mois de janvier 2018, en raison de soupçons sur le rôle central que la firme aurait joué dans l’escroquerie israélienne des options binaires, qui aurait soutiré des milliards de dollars à des victimes dans le monde entier.
SpotOption, pour sa part, a toujours nié toute malversation.
Par le passé, DX.Exchange a démenti toute connexion avec SpotOption, mais la plainte clame que la majorité des 55 employés de CX Technologies travaillaient pour SpotOption et avaient été embauchés pour la nouvelle entreprise au mois de janvier 2018.
CX Technologies et SpotOption ont occupé les mêmes locaux et les plans de retraite et autres fonds ont été transférés, sans perturbation aucune, de SpotOption à la nouvelle société.
La plainte révèle également qu’une proche du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Miriam Mileikowsky, a occupé des fonctions importantes au sein de SpotOption et de CX Technologies depuis le mois d’août 2016. Elle était rémunérée à hauteur d’un salaire de 40 000 shekels par mois.
Mileikowsky est l’épouse d’Ory Mileikowsky, le cousin du Premier ministre, qui avait presque fait faillite en 2013 lorsqu’un magistrat lui a ordonné d’indemniser des investisseurs qu’il avait conseillés après la perte de 90 % de leurs fonds [lien en hébreu].
La Cour suprême avait ultérieurement renversé cette décision.
Dans cette requête de faillite datant du 24 octobre, les employés de CX Technologies clament que leurs salaires n’ont pas été payés au mois de septembre ou d’octobre 2019 et certains, depuis plus longtemps encore.
En plus de la plainte des employés, plusieurs fournisseurs israéliens ont poursuivi en justice la société au cours des six derniers mois, l’accusant de ne pas avoir payé ses factures.
Parmi les entreprises concernées, White Hat Ltd., qui proposait des services dans le secteur de la cybersécurité à DX.Exchange, et Bee2See Dotan B.S. Solutions, qui assurait un marketing ciblé des clients potentiels en utilisant le système Watson d’IBM. Malam Team, l’une des plus importantes firmes israéliennes dans les technologies de l’information, a également fait comparaître CX Technologies devant le tribunal pour ne pas avoir payé les serveurs fournis par la firme.
Contactés, les avocats de DX.Exchange n’ont pas répondu pour le moment à notre demande de commentaires.
DX.Exchange est apparu sur la scène mondiale des crypto-devises au mois de janvier 2019, recevant une couverture médiatique des plus élogieuses qui avait vigoureusement vanté l’affiliation de la firme avec le NASDAQ et Bloomberg News.
Par exemple, TheStreet.com, site d’information financière très lu, avait rapporté à l’époque que DX.Exchange était « partenaire » du NASDAQ et clamé que l’entreprise allait « combler l’écart entre les marchés des titres et des crypto-devises ».
« L’industrie financière elle-même se sent isolée des grandes choses qui arrivent dans le secteur des crypto-devises », avait noté l’article. « En voyant ces nouvelles tendances se mettre en place, certains des plus grands noms de la finance traditionnelle, comme Bloomberg, le NASDAQ et MPS Marketplace Securities, ont réfléchi ensemble pour trouver une solution ».
MPS Marketplace Securities, qui s’appelait par le passé SpotOption Exchange, était une entreprise chypriote affiliée à SpotOption Ltd.
Pour sa part, Bloomberg News avait écrit avec enthousiasme, en janvier, que « DX.Exchange prévoit d’offrir des versions numériques des grosses actions américaines. La tokenisation des avoirs du monde réel est un courant porteur dans le secteur des crypto-devises ».
La relation entretenue par DX.Exchange avec le NASDAQ pourrait ne pas avoir été aussi robuste que certains lecteurs de ces articles parus dans les médias ont pu le penser. Plutôt que d’établir un partenariat profond avec le NASDAQ, DX.Exchange avait utilisé sa technologie de « moteur de mise en correspondance » pour construire sa propre plateforme d’échange de crypto-devises.
La firme semble avoir été l’une, parmi un grand nombre d’entreprises du même secteur, à payer pour pouvoir le faire.
Le partenariat vanté de la compagnie avec Bloomberg paraît avoir été plus substantiel. En décembre 2018, Bloomberg avait parrainé un « sommet des crypto-devises » à Londres, pour lequel l’organisation d’information avait indiqué avoir amené des « experts du sujet et des acteurs leaders dans l’industrie pour évoquer l’avenir des crypto-devises en 2019 ainsi que les mesures à mettre en place pour piquer l’intérêt des investisseurs individuels dans ce phénomène qui bouleverse le monde entier ».
Lors de la conférence, le directeur-général de DX.Exchange, Daniel Skowronski, avait prononcé le discours d’ouverture.
« La SEC est vraiment en train de baisser, vous savez, qu’il s’agisse d’un ICO ou d’un jeton de sécurité », avait-il dit, faisant référence au contrôle exercé par la Commission américaine des titres et des échanges sur les entreprises du secteur des crypto-devises.
« Je pense que trop d’assignations à comparaître ont été émises. Et la raison pour laquelle la SEC a fait cela, c’est parce qu’elle a été créée pour protéger les consommateurs américains », avait-il ajouté.
« Et alors que nous nous trouvons ici, en Europe, il est vraiment surprenant pour moi de voir combien les entreprises européennes ou non-américaines redoutent véritablement la SEC. La seule chose dont il faut s’inquiéter avec la SEC, c’est de faire des affaires avec les clients américains », avait-il poursuivi.
Selon le registre des corporations israélien, CX Technologies Ltd., la société israélienne qui se trouve derrière DX., appartient à 10 % à Skowronski – un Américain à la voix douce qui, dans le passé, était à la tête de plusieurs firmes de Forex – et à 90 % à Malhaz Pinhas Patarkazishvili, connu également sous le nom de Pini Peter, ancien propriétaire du fournisseur de plateforme d’options binaires aujourd’hui disparu SpotOption.
La compagnie estonienne officiellement propriétaire de DX.Exchange et de Coins Marketplace Technologies OU, est la propriété de l’épouse de Patarkazishvili, Limor Patarkazishvili.
Dans la majorité des matériaux de marketing de DX.Exchange, Skowronski est le visage public de la compagnie tandis que le rôle assumé par le couple Patarkazishvili n’est pas mentionné.
Selon les documents d’enregistrement de l’entreprise – une sorte de document particulier pour les entreprises du secteur des crypto-devises – le site DX.Exchange permet à ses utilisateurs de convertir des devises en crypto-devises et vice versa, de vendre et d’acheter des crypto-devises différentes, de les stocker et d’acheter des jetons représentant des parts d’actions de compagnies inscrites au NASDAQ.
DX.Exchange a obtenu une autorisation en Estonie et à Chypre et gagné de l’argent, dit encore le document, en imposant des frais sur les opérations de trading (transformation de devises en crypto-devises ou échange d’une crypto-devise contre une autre) et en proposant des crypto-devises sur son marché d’échange de manière à ce que les clients puissent les acheter et les vendre, ainsi qu’en appliquant des frais d’adhésion.
De plus, l’entreprise a levé des fonds auprès d’investisseurs par le biais de ventes privées de jetons. Elle semble ne pas avoir dévoilé dans un quelconque document public le montant des fonds soulevés auprès de ses clients à travers le monde.
Le 24 septembre 2019, la compagnie chypriote associée à DX.Exchange, MPS Marketplace Securities Ltd, a vu son autorisation suspendue à Chypre pour violation présumée de la loi sur les titres. MPS Marketplace Securities Ltd était connue, dans le passé, sous les noms SpotOption Exchange Ltd et S.O. SpotOption Ltd.
Le 24 octobre, 78 employés et anciens employés de CX technologies ont donc porté plainte devant un tribunal israélien pour obtenir la mise en faillite de leur firme, disant qu’il n’y avait plus d’argent sur ses comptes bancaires. Quelques jours plus tard, le propriétaire de la firme, Pinhas Patarkazishvili, a reconnu que cette évaluation était juste et a accepté que la procédure de banqueroute suive son cours.
Dans un article publié sur un blog le 3 novembre dernier, DX.Exchange a annoncé fermer ses portes à moins de retrouver un repreneur ou de fusionner avec une autre entreprise.
« Les coûts nécessaires pour assurer le niveau de sécurité, de soutien et de technologie ne sont pas tenables pour nous seuls au niveau économique », a fait savoir l’entreprise.
Et le 4 novembre, l’avocat David Forer, administrateur nommé par les juges à la tête de CX Technologies, a écrit dans un document judiciaire que « lors d’une réunion en compagnie de l’actionnaire majoritaire de la firme, Pinhas Patarkazishvili, de Moshe Avrahami et de leur avocat, il m’a été dit que la compagnie était arrivée à une impasse en raison d’échecs commerciaux présumés. Il m’a été dit que la compagnie n’avait plus de ressources financières disponibles et qu’elle avait même un découvert de
5 000 shekels, qu’il n’y avait pas de dettes de clients à récupérer et que l’entreprise n’a pas d’actifs dont elle soit propriétaire – même les équipements des bureaux ne lui appartiennent pas, mais ont été loués à une autre firme appartenant à [Patarkazishvili] ».
La plainte révèle que les employés de CT Technologies comprenaient des sinophones, des nippophones, un grand nombre d’ingénieurs et une forte proportion d’immigrants de la première génération venus de l’ex-Union soviétique. La majorité des personnels était âgée de 20 à 30 ans. Certains d’entre eux avaient travaillé pour SpotOption dès 2011 et ont toujours affiché une loyauté remarquable vis-à-vis de leur entreprise.
Un ancien employé de SpotOption qui s’est confié au Times of Israel sous couvert d’anonymat a déclaré que contrairement à certains des travailleurs des centres d’appels que SpotOption avait aidé à mettre en place dans le secteur des options binaires et qui venaient de milieux où leurs perspectives de carrière pouvaient être limitées, les employés de SpotOption avaient tendance à être des Israéliens très qualifiés qui auraient pu trouver un travail n’importe où, mais qui avaient fait le choix d’intégrer SpotOption.
Les salaires et les primes étaient très généreux, a noté cet ancien employé, et la majorité des personnels avaient haussé les épaules en apprenant que l’entreprise avait fait l’objet d’un raid du FBI au mois de janvier de l’année dernière.
« Les valeurs du FBI n’étaient pas les leurs », résume l’employé. « Et ils étaient nombreux à penser que de toute façon, c’est la jungle – et qu’il vaut mieux prendre tout ce qu’il est possible de prendre tant qu’on le peut ».
En 2013, la police israélienne a mené une opération dans les locaux de SpotOption, mais pas en raison de soupçons sur d’éventuelles malversations de l’entreprise. L’objectif poursuivi par les agents était d’arrêter un salarié, Yaron Labin, qui avait, supposait-on, détourné de l’argent. Il sera mis en examen un an plus tard et, en 2017, condamné à 42 ans de prison et une amende.
Le travail de l’administrateur de CX Technologies consistera, ces prochains mois, à trouver des sources de financement que l’entreprise pourra utiliser pour payer ses créanciers. Il est possible que d’autres fournisseurs se manifestent encore.