Un soldat grièvement blessé dénonce le chaos lié à la refonte judiciaire
Ziv Shilon, qui a perdu une partie de son bras en 2012, demande aux dirigeants du pays d'empêcher la nation de se déchirer : "Prenez vos responsabilités, mettez vos egos de côté"
Un soldat grièvement blessé en 2012 a déclaré vendredi qu’il pensait parfois qu’il aurait été préférable pour lui de ne pas avoir survécu, plutôt que de voir le pays se déchirer à cause de la refonte judiciaire avancé par le gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays.
« Nous voyons du sang dans les rues », a déclaré Ziv Shilon dans une interview diffusée vendredi. « C’est une situation que nous ne pensions pas voir. »
« Les amis que j’ai perdus à l’âge de 18 et 19 ans ont peut-être vu ce pays dans son état optimal. Peut-être que ceux d’entre nous qui se sont fait arracher un membre pour ce pays auraient mieux fait de ne pas le voir », a déclaré Shilon, reprenant les thèmes d’un message qu’il avait publié au début de la semaine sur les réseaux sociaux et qui avait été largement relayé.
Shilon a écrit que, compte tenu de la situation, il « se demande si cela valait la peine d’être blessé ».
« Aurait-il mieux valu mourir, comme mes frères d’armes qui n’ont pas vu l’endroit pour lequel ils se sont battus s’effondrer ? »
Shilon a rédigé son post après deux incidents survenus lundi dernier dans le cadre des événements entourant l’adoption par la Knesset de la première mesure d’un paquet de réformes radicales.
Dans l’un d’eux, un manifestant anti-refonte judiciaire a apparemment utilisé un mât de drapeau pour briser la vitre arrière d’une voiture alors qu’une femme conduisait avec ses enfants près d’un carrefour de Jérusalem où les manifestants s’étaient rassemblés.
Dans le second incident, un conducteur a foncé avec sa voiture sur un groupe de manifestants près de la ville de Kfar Saba (centre), blessant trois personnes, « comme dans l’une des pires attaques terroristes que nous ayons vues ici », a déploré Shilon.
« C’est ce que des Juifs ont fait à des Juifs ! Les Israéliens ont fait cela à des Israéliens, qui vivent ici, dans le pays pour lequel nous nous sommes battus et pour lequel nous avons versé notre sang », a-t-il déclaré.
« Jour après jour, je me réveille et je regarde mes mains. Et les nombreux autres qui ont perdu des membres et des parties de leur âme se lèvent et regardent le trou béant qu’ils ont dans leur âme et les graves dommages, à la fois physiques et mentaux, qu’ils ont dans leur corps », a déclaré Shilon. « Ils se réveillent, regardent la situation et se demandent : ‘Est-ce pour cela que nous nous sommes battus ?' »
Shilon a perdu sa main gauche et une partie de son bras en 2012 lorsqu’une bombe a explosé alors qu’il patrouillait près de la barrière frontalière de Gaza. Son bras droit a été gravement endommagé dans l’attentat.
Shilon, qui se situe à droite de l’échiquier politique, a été interrogé sur ce qu’il voudrait dire au Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Mon opinion s’adresse à tous les dirigeants de l’État d’Israël, à tous ceux qui contribuent à cette haine et à cette division et qui n’arrêtent pas ce train démoniaque. Je suis une personne de droite et cela n’a rien à voir avec la droite et la gauche. 70 % des habitants de ce pays partagent le même point de vue : ils veulent vivre ici, protéger la sécurité d’Israël et promouvoir son économie. Je dirais donc à Netanyahu et au ministre de la Justice, Yariv Levin, et à tous ceux qui financent les manifestations, ainsi qu’au centre-gauche de la carte politique, au leader du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, et au leader de l’opposition, Yaïr Lapid : ‘Venez, les gars, vous avez besoin d’aide. Et je vous le dis, les gars, revenez à la raison, trouvez un leadership, et arrêtez avec la politique de bas étage. Il n’y a pas de place pour cela en ce moment' », a-t-il affirmé.
« Le pays est en train de foncer tout droit dans le mur. Prenez vos responsabilités, mettez vos egos de côté et faites face à cette situation », a-t-il ajouté. « Nous, les gens d’en bas, sommes en train de nous déchirer. »
Et que dirait-il aux pilotes et aux autres membres de l’armée qui ont déclaré qu’ils cesseraient de se porter volontaires pour des missions de réserve car la refonte judiciaire éloigne le pays de la démocratie.
« Je ne dirais pas à quelqu’un qui a risqué sa vie pendant 40 ans au service de l’État ce qu’il doit faire », a répondu Shilon, tout en précisant qu’il continuait à effectuer son service volontaire « même s’il n’avait plus ses deux mains ».
« Je ne ferais jamais une telle chose, mais en même temps, je dirais que si la conscience d’une personne est coupée en deux, il y a probablement une très bonne raison pour qu’elle ait fait ces choses, parce que ce n’est pas quelque chose qu’elle a déjà menacé de faire auparavant », a-t-il dit. Mais si la situation venait à se résoudre, le fait de ne pas se porter volontaire ne devrait pas être une carte que l’on pourrait jouer encore et encore, a-t-il souligné.
Shilon a ensuite abordé l’aspect économique de la situation désastreuse, expliquant qu’il avait parlé à de nombreuses personnes qui avaient récemment obtenu des passeports étrangers, ainsi qu’avec des start-ups et des investisseurs étrangers.
« Cette danse démoniaque doit cesser. Elle est en train de détruire le pays », a-t-il insisté.
Au cours des années qui ont suivi ses blessures, Shilon a donné des conférences et travaillé comme militant social, tout en dirigeant une commission du ministère de la Défense chargée de formuler des recommandations sur les soins à apporter aux soldats en situation de handicap.
Il a subi plus de 17 opérations chirurgicales, ainsi qu’une rééducation intensive, a couru plusieurs marathons et participé à la très exigeante compétition Iron Man, selon son site web.
Par le passé, Shilon s’était déjà efforcé d’atténuer les divisions au sein de la société. En 2017, il avait en effet organisé un rassemblement pour protester contre les appels à la violence adressés au chef d’état-major de Tsahal et aux membres du tribunal militaire qui avaient condamné le sergent de Tsahal Elor Azaria pour avoir tué un terroriste palestinien qui gisait au sol à Hébron.
Shilon avait alors déclaré qu’il souffrait de voir la société israélienne « se déchirer en lambeaux ».