Un suspect dit avoir « craché ou uriné sur la pierre qui a tué une Palestinienne »
Un adolescent israélien affirme que son ADN a pu se retrouver sur la pierre qui a tué Aisha Rabi lors d'une promenade de méditation
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Un adolescent israélien soupçonné du meurtre d’une femme palestinienne dans une attaque au jet de pierre a affirmé que l’ADN retrouvé sur une pierre qui le relie au crime pourrait bien être un résidu de crachat ou d’urine, laissé alors qu’il se promenait à travers la Cisjordanie, selon un témoignage publié par ses avocats lundi.
Le suspect, âgé de 16 ans, a été inculpé en janvier pour la mort d’Aisha Rabi, âgée de 47 ans, tuée au mois d’octobre quand sa voiture a été prise pour cible par des jets de pierre d’extrémistes juifs israéliens, selon la police.
L’accusation a déclaré que de l’ADN appartenant au suspect avait été retrouvé sur une pierre qui a touché le véhicule palestinien.
Le suspect, dont le nom ne peut pas être révélé en vertu de la loi sur la protection de la vie privée de mineurs, a déclaré aux enquêteurs qu’il suivait l’enseignement du rabbin hassidique du 18e siècle Nachman de Bratslav, dont les fidèles font des marches méditatives dans la nature dans le cadre de leur pratique religieuse.
Il a dit que son ADN avait pu se retrouver sur la pierre lors de l’une de ses promenades ou d’un moment passé à marcher à travers la Cisjordanie.
« Je fume, et donc je crache beaucoup. J’ai pu cracher et (de la salive) est tombée sur une pierre, ou peut-être que c’est arrivé l’année dernière – j’ai fait beaucoup de randonnées et de travaux dans des champs (du nord de la Cisjordanie) – j’ai peut-être uriné sur une pierre ou il est possible que je me sois coupé sur une pierre en ramassant du bois… je ne sais pas, peut-être qu’un taré a ramassé cette pierre et a tué une Arabe », a-t-il affirmé.
Ces commentaires sont intervenus peu après que l’annonce faite par l’accusation de son inculpation potentielle. Le suspect avait refusé de parler aux enquêteurs pendant deux semaines après son arrestation.
Lundi, lors de l’audience de remise en liberté, l’avocat de l’adolescent a affirmé que les experts pouvaient seulement créer un lien entre son client et la pierre – et pas avec le crime.
« Les experts de l’institut médico-légal qui ont été interrogés par le police ont déclaré que l’ADN trouvé sur la pierre n’indiquait pas que l’accusé avait commis un crime mais que le jeune homme vivait là où la pierre avait été placée », avait-il soutenu.
Le meurtre de Rabi, une mère de huit enfants, a été l’un des actes les plus graves de terrorisme juif présumé depuis l’attaque à la bombe incendiaire de 2015 contre une maison palestinienne à Duma dans le nord de la Cisjordanie.
Le suspect, un étudiant de la yeshiva Pri Haaretz dans l’implantation du nord de la Cisjordanie de Rehelim, a été inculpé pour homicide involontaire, jet de pierre aggravé sur un véhicule en circulation et sabotage intentionnel d’un véhicule. Chacune des accusations est liée au meurtre de Rabi et a été qualifiée comme ayant été commise « dans le contexte d’un acte terroriste ».
S’il est reconnu coupable, le suspect pourrait passer un long moment en prison. Une condamnation pour homicide involontaire terroriste fait encourir à elle seule une peine maximum de 20 ans de prison derrière les barreaux. Etant donné les limites apparentes imposées à l’accusation en raison d’un manque de preuves, le suspect est parvenu à échapper à l’accusation de meurtre – il aurait alors risqué une peine de prison à vie.
Si les procès-verbaux des interrogatoires menés par le service de sécurité du Shin Bet en l’absence de l’avocat du suspect restent sous scellé, l’avocat de l’adolescent a publié une transcription de son témoignage fourni à l’occasion d’un autre interrogatoire auquel il a assisté dans la journée de lundi, au tribunal de Lod.
Lors de l’interrogatoire, le suspect a défendu avec force son innocence et a déclaré que sa foi lui interdisait de lancer des pierres sur les voitures puisqu’il s’agissait d’une profanation du Shabbat et de l’interdiction de tuer.
« Demandez à qui vous voulez (et ils vous diront) que j’ai choisi de vivre une vie conforme à la Torah. J’apprends beaucoup et je veux devenir rabbin. Je ne suis pas quelqu’un qui participe à ce genre d’absurdités », a affirmé l’adolescent. » Je profite des veilles de Shabbat pour étudier la Torah, pas pour aller faire des choses stupides ».
Interrogé par un enquêteur sur des photos retrouvées dans son téléphone qui montraient des biens palestiniens endommagés par des crimes racistes, le défunt rabbin extrémiste Meir Kahane et le logo de Kach, le mouvement de Kahane interdit, il a affirmé qu’il s’agissait « juste de photos ».
La justice a prolongé la détention de l’adolescent jusqu’à la prochaine audience, prévue le 8 avril.
Selon les documents d’inculpation, le suspect est parti de la yeshiva Pri Haaretz en compagnie de plusieurs autres étudiants dans la soirée du 12 octobre, un vendredi.
Le groupe est arrivé au sommet d’une colline entre le carrefour de Rehelim et celui de Tapuah, surplombant la route 60 – l’axe principal qui relie le nord au sud de la Cisjordanie. Le suspect a ensuite pris une grande pierre pesant environ deux kilogrammes et il s’est préparé à la lancer sur un véhicule palestinien, « par un mobile idéologique de haine et d’hostilité envers les Arabes où qu’ils soient », précise l’acte inculpation.
Au même moment, Rabi, son mari et leur fille de neuf ans circulaient en voiture entre le carrefour de Rehelim et le carrefour de Tapuah en direction de leur habitation, dans le village de Biddya.
Selon l’acte d’inculpation, le suspect, après avoir identifié la voiture comme étant palestinienne par son numéro d’immatriculation, a lancé la pierre sur la voiture qui roulait à environ 100 km/h.
La pierre a fracassé le pare-brise du côté passager pour venir frapper la femme à la tête. Le mari de Rabi a réussi à garder le contrôle du véhicule, à calmer sa fille, en état de panique, avant de se rendre dans une clinique de Naplouse, à proximité – où la mort de son épouse a été déclarée peu après.