Un vétéran de la guerre du Liban grave ses traumatismes dans le bronze
Dan Reisner a tenté de soigner son syndrome de stress post-traumatique et profite du confinement actuel pour créer des œuvres avec des mots en arabe
Pour le sculpteur Dan Reisner, la guérison passe par l’art. C’est un aspect inhérent à ses travaux, essentiel pour lui, comme le bronze qui forme les lignes sinueuses de la plupart de ses œuvres.
Dan Reisner, connu pour ses installations d’extérieur imposantes, travaille également le marbre, le fer et le ciment. Certaines pièces entrent dans le registre du fantastique, d’autres évoquent la mémoire et le deuil, et d’autres encore font écho à des moments marquants de l’Histoire.
Une collection croissante de figurines de bronze – de la taille d’une main, à l’effigie du sculpteur – sont exposées dans une petite pièce à l’arrière de son studio de Jaffa. Elles représentent les émotions et les traumatismes vécus personnellement par leur créateur.
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Ces dizaines d’autoportraits représentent les différentes identités du sculpteur. L’un possède deux têtes, le second présente un torse évidé, et un troisième s’apprête à plonger dans un lac de lave.
Ces travaux intenses, chargés d’émotion, de chagrin et de douleur interne, représentent le travail accompli par Dan Reisner ces vingt dernières années. Leur création fait partie de sa thérapie pour le syndrome de stress post-traumatique qu’il a ramené avec lui de la guerre du Liban, où il était, entre 1983 et 1986, médecin de combat dans une unité de parachutistes.
« Les sculptures doivent être honnêtes vis-à-vis de ceux qu’elles tentent de montrer et montrent notre vulnérabilité, qui fait partie intégrante du travail », commente-t-il.
Il compare la première guerre du Liban, menée par Israël pour évincer les terroristes palestiniens au sud du Liban, à la guerre du Vietnam menée par les Américains, en raison du sentiment de détachement éprouvé par de nombreux Israéliens de la guerre qui se déroulait à leur frontière nord.
Ce n’est que lorsque la deuxième Intifada a éclaté, en 2000, que Dan Reisner a commencé à travailler sur ses traumatismes.
« J’ai tout de suite compris que j’allais m’en sortir », indique-t-il. « Une porte me disait ‘post-trauma’, et la possibilité d’y plonger, et une autre porte me disait ‘sortie’, et c’était le noir total, l’inconnu. Et c’est ce que j’ai choisi, la sortie. »
En analysant ses sentiments, en tentant de comprendre ce qu’il ne savait pas, il les forgeait dans le bronze. Il les a baptisés « Du détroit à la Création ».
« Nous créons des objets internes », explique l’artiste. « La plupart des gens créent ces objets internes et n’ont aucune idée de la façon de les transposer dans le monde, alors ils trimbalent ces lourdes charges. »
Des clients achètent ces œuvres, pourtant hautement personnelles, et y trouvent des réponses, pour eux-mêmes ou pour les autres. D’autres prennent connaissance du processus qu’a suivi Dan Reisner dans son studio d’art, situé dans le quartier Noga à Jaffa, où il vit et travaille depuis 30 ans, aux côtés d’autres artistes qui ont redonné ses lettres de noblesse à un quartier autrefois sale et délabré.
« Le rôle d’un artiste, mon rôle, est d’être le créateur de ces sculptures, afin que d’autres voient qu’il est possible de les mettre au monde », explique Dan Reisner, qui pense que les gens ont pris conscience de l’art avec la créativité accessible grâce aux smartphones et aux réseaux sociaux. « C’est super de voir des gens regarder des sculptures. Pendant la milliseconde qui précède la réflexion, ils reconnaissent leur propre sculpture qui reflète leur propre situation, leur propre sphère ».
C’est précisément cette réaction qu’il cherche à inculquer à ceux qui travaillent avec lui. Il veut que les gens reconnaissent la réaction fondamentale dans leur vie, ce qui se passe et ce qui ne se passe pas, à cause des endroits non résolus dont ils luttent pour s’échapper.
« La guérison passe par l’art, il est question de changement et d’inspiration », dit-il. « Nous guérissons et montrons aux autres que le changement et les nouvelles possibilités existent. »
Dan Reisner utilise une méthode de moulage qui existe depuis des milliers d’années.
Il sculpte d’abord dans la cire, puis trempe la sculpture dans de la céramique liquide qui enveloppe la cire de l’extérieur, la laissant ensuite tremper pendant dix jours jusqu’à ce qu’une couche externe épaisse se forme. La céramique est ensuite cuite, jusqu’à ce que la cire s’évapore. Le moule en céramique est alors creux et précis et peut être rempli de bronze chaud.
Le bronze est alors versé dans le moule en céramique, refroidi et ciselé pour obtenir sa forme finale.
« Ce sont vos perspectives et vos idées qui sont moulées », commente-t-il. « C’est en cela que le bronze est exceptionnel, quand on observe la façon dont le bronze liquide est versé dans son moule, c’est un moment formidable, et d’une certaine manière, le moule est une sorte de golem, il faut le casser pour le laisser sortir. »
Après un mois de confinement en raison de la pandémie de coronavirus, Dan Reisner travaille désormais sur une nouvelle série de figurines de bronze, auxquelles il ajoute un nouvel élément : des mots moulés en arabe. Il a récemment passé du temps à étudier et à apprendre l’arabe.
L’une des figurines est marquée du mot blessure, une autre du mot compassion.
« C’est une façon de partager et d’élargir mes modes d’expression », explique-t-il.
« Pour montrer que nous partageons tant de choses ensemble ici dans notre pays et dans le monde, pour prendre le temps de s’arrêter et regarder des choses que nous prenons pour acquises ».
« J’ai l’habitude d’être isolé et créatif et de chercher à en apprendre quelque chose et de m’y immerger », confie-t-il.
« La plupart du temps, on a le sentiment de gérer seuls nos émotions, et de traverser quelque chose de très privé. Mais dans cette situation, nous partageons quelque chose de tellement fort, ensemble. Ce n’est pas que moi, l’artiste, ou moi avec ma famille, nous le partageons tous, toute l’humanité. C’est un moment très responsabilisant. »
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