Une élue juive républicaine afro-américaine de New York pourrait remplacer Santos
Alors que George Santos est poussé à démissionner, Mazi Melesa Pilip affirme se concentrer sur son poste actuel et non sur un éventuel siège à la Chambre des représentants
Vendredi dernier, alors que George Santos terminait sa deuxième semaine au Congrès américain, Mazi Melesa Pilip pensait au soulagement qu’apporterait le Shabbat – et aussi à la douleur de la trahison qu’elle a ressentie de la part de son collègue de Long Island.
Parmi les nombreux mensonges que Santos a répandus dans les rues de la région de Great Neck, au nord de Long Island, qu’il représente avec Pilip – Santos au Congrès et Pilip en tant que législatrice du comté de Nassau – Santos s’est présenté comme un Républicain juif et noir qui a surmonté de nombreuses difficultés pour obtenir ses diplômes.
Concernant Santos, ce ne serait que des mensonges, mais il se trouve que ces descriptifs s’appliquent à Pilip, une Juive éthiopienne qui n’exclut pas de se présenter au Congrès si jamais Santos consent à démissionner, bien qu’il ait fait savoir qu’il avait l’intention d’aller au bout de son mandat de deux ans.
« Je ne vais pas vous mentir, des gens m’ont évidemment demandé de me présenter », a-t-elle déclaré à la Jewish Telegraphic Agency dans une interview alors qu’elle conduisait en faisant ses courses pour le Shabbat. « Mais cela ne signifie rien. »
Pilip a déclaré que son aventure dans la vie politique américaine a été propulsée par son expérience de défense des immigrants éthiopiens en Israël – où elle a déménagé lorsqu’elle était enfant grâce à l’Opération Salomon et où elle a vécu jusqu’à son mariage avec son mari américain – et par l’antisémitisme dont ses enfants ont été victimes dans leurs écoles de Long Island.
« Je suis convaincue que si vous voyez que quelque chose ne fonctionne pas bien pour votre communauté ou pour vous-même, vous devez vous impliquer », a-t-elle déclaré. « Vous ne pouvez pas vous contenter de vous plaindre sans rien faire. »
Une journaliste de Politico, Olivia Beavers, a rapporté sur Twitter la semaine dernière que Pilip était l’une des deux Républicains que le parti du comté de Nassau envisage de présenter si Santos se retire. (L’autre étant le sénateur d’État, Jack Martins ; lui et Pilip ont tous deux évincé les Démocrates du comté de Nassau).
Pour l’instant, Pilip a déclaré qu’elle se concentrait sur ses électeurs du comté de Nassau. Toute décision concernant le remplacement de Santos, a-t-elle dit, revient à Joseph Cairo, le président du parti républicain du comté de Nassau.
« La seule personne qui peut prendre une décision sur qui se présentera est le président », a déclaré Pilip. « Le temps nous le dira. Pour être honnête, il est encore trop tôt pour se prononcer. Je continuerai à servir mes résidents. J’aime les servir. Je veux être une voix pour les gens, et je ferai tout ce que je peux faire pour aider encore plus de gens. »
Cairo n’a pas encore dit qui il aimerait voir se présenter pour remplacer Santos, mais deux choses sont claires : il veut que Santos parte, et il aime beaucoup Pilip.
La semaine dernière, Cairo a convoqué une conférence de presse réunissant les principaux Républicains du comté de Nassau, qui ont demandé à Santos de se retirer en raison des nombreux mensonges qu’il a racontés pendant sa campagne et parce qu’il fait l’objet de plusieurs enquêtes criminelles. Dans des reportages incessants depuis le mois dernier, les journalistes ont expliqué en détail comment Santos a menti sur son éducation, son expérience professionnelle, ses dons et ses antécédents familiaux.
« Aujourd’hui, au nom du comité républicain du comté de Nassau, je demande sa démission immédiate », a déclaré Cairo lors de la conférence de presse.
Cairo avait mené un effort pour diversifier les candidats du parti républicain de Long Island. Il y a un an, lors de la cérémonie de prestation de serment de Pilip, il avait expliqué pourquoi. Cairo est un Italo-Américain dont les parents étaient favorables aux idéaux républicains mais qui ne se sentaient pas les bienvenus au sein du parti républicain jusqu’à ce qu’ils contribuent à l’intégrer eux-mêmes, dans le New Jersey puis à Long Island. Il s’était donné pour mission de faire entrer davantage de candidats issus des minorités dans le giron du parti, et en avait recruté un certain nombre en vue de se présenter aux élections locales de 2021.
Pedram Bal, un Juif perse et maire de Great Neck, a dit à Cairo qu’il devrait s’intéresser à Pilip, une immigrée juive éthiopienne qui participait activement aux efforts de revitalisation de Great Neck et qui avait été vice-présidente de sa synagogue, Kol Israël Achim. « C’était une vente facile », a dit Cairo, et cela a porté ses fruits.
« Une Juive orthodoxe, réfugiée d’Éthiopie, est élue républicaine à l’Assemblée législative du comté de Nassau », s’était-il émerveillé lors de la prestation de serment.
Parmi les nombreux mensonges que Santos a racontés, les Républicains du comté de Nassau présents à la conférence de presse ont semblé particulièrement offensés par son affirmation selon laquelle il descendrait de survivants de la Shoah.
« Le fait qu’il invente cette histoire, que ses parents soient des survivants de la Shoah, dépasse les bornes. C’est tout simplement tragique, scandaleux et dégoûtant », a déclaré Bruce Blakeman, l’exécutif du comté de Nassau, qui est le premier Juif élu à ce poste. « C’est une tache sur la Chambre des représentants, une tache sur le 3e district du Congrès. »
Les Républicains juifs se sont donné du mal pour demander à Santos de démissionner. La Coalition juive républicaine (RJC) a déclaré qu’il ne serait pas le bienvenu à ses événements. En grande pompe, la RJC avait présenté Santos et Max Miller, un jeune Républicain de l’Ohio, comme la prochaine génération de leaders juifs républicains lors de sa conférence annuelle à Las Vegas en novembre. La semaine dernière, Max Miller a également appelé Santos à démissionner, déclarant dans un communiqué que Santos cherchait à « profiter du meurtre de millions de Juifs ».
Lorsque Pilip a pris la parole lors de la conférence de presse, elle n’est pas revenue en détails sur les mensonges de l’héritage de Santos, mais s’est contentée de déclarer qu’elle « payait également pour les mensonges du député George Santos ».
« Les gens lui faisaient confiance, les gens ont fait campagne pour lui… et pour moi, en tant que législatrice du comté. À ce stade, la confiance n’est plus là. Par conséquent, il devrait démissionner. »
Dans son entretien avec la Jewish Telegraphic Agency, Pilip a déclaré qu’elle trouvait le fait que Santos mente de manière compulsive plus choquant que les mensonges eux-mêmes, y compris sur son héritage. Elle considère avoir mis sa réputation en jeu en faisant campagne pour lui l’année dernière.
« Je lui ai fait confiance et j’ai dit aux gens de voter pour lui. J’ai fait campagne avec lui. En conséquence, quand vous vous êtes engagé de cette façon, et que chaque jour il y a quelque chose de nouveau qui émerge à son sujet, cela vous met mal à l’aise », a-t-elle expliqué. « Les gens me demandent ce qui se passe, ‘qu’est-ce qui s’est passé avec ce type ?’. »
Pilip, lors de sa campagne en 2021, s’était liée à ses électeurs. S’adressant aux médias locaux, elle avait décrit à quel point elle appréciait l’effervescence de la campagne.
« J’allais de synagogue en synagogue pour motiver les troupes », avait-elle déclaré à la Five Towns Jewish Home l’année dernière.
« Parfois, je partais le vendredi soir pour me rendre dans une synagogue et je dormais chez quelqu’un le soir-même parce que je suis shomeret Shabbat et que je ne pouvais pas rentrer à pied », avait-elle déclaré au magazine local destiné aux Juifs orthodoxes. « Et puis je me rendais dans une autre synagogue le lendemain, le jour du Shabbat, pour y passer du temps et parler aux gens. Ce n’est que lorsque le Shabbat était terminé que je rentrais chez moi. J’ai fait ça pendant deux mois. C’était intense mais ça en valait la peine. J’ai rencontré beaucoup de gens. Je me rendais dans les gares et dans les parcs – à n’importe quel événement, petit ou grand, j’étais là. »
Elle est devenue une célébrité locale, donnant naissance à des jumelles – ses sixième et septième enfants – quelques semaines seulement avant l’élection.
Pilip, 43 ans, a déclaré dans son interview avec la JTA que son engagement dans la politique était presque inévitable, après avoir migré en Israël lors de l’Opération Salomon, le pont aérien de 1991, lorsqu’elle avait 12 ans.
« J’ai toujours été très active, même dans mon enfance, en Israël », plaidant pour les opportunités dont bénéficiaient, selon elle, les Israéliens à peine plus âgés qu’elle. Malgré les objections de son père, elle s’était engagée dans l’unité des parachutistes de Tsahal (« il en est maintenant fier », a-t-elle dit). À l’université, elle avait dirigé le Syndicat des étudiants éthiopiens pendant deux ans. Elle est titulaire d’un diplôme en ergothérapie de l’université de Haïfa et d’un diplôme en diplomatie et sécurité de l’université de Tel Aviv.
« J’étais la voix de tant de jeunes qui voulaient l’égalité des chances et mon objectif principal était l’éducation, car je crois qu’elle permet d’accomplir beaucoup de choses et de s’intégrer dans la société », a-t-elle déclaré. « Nous encouragions donc la jeune génération [d’immigrants éthiopiens] de mon âge à faire des études supérieures. Parce que nous sommes partis, vous savez, de rien, et nous sommes arrivés sans aucune éducation. »
Elle a rencontré son mari, un étudiant américain en médecine au Technion, alors qu’elle étudiait à l’université de Haïfa. Ils ont déménagé aux États-Unis, où elle est a commencé à parler d’Israël dans des fédérations juives et d’autres groupes juifs. Elle a mis les drapeaux américain et israélien en photo de profil de son compte Instagram. Son mari, Adalbert, qui est né en Ukraine et dont la mère est fille de survivants de la Shoah, a été particulièrement offensé par les mensonges de Santos sur la Shoah, a déclaré Pilip.
« Comment peut-on utiliser cette histoire douloureuse, inventer un tel mensonge et dire aux gens que ses grands-parents y ont survécu, juste pour en tirer un avantage politique ? », a-t-elle déclaré.
Pilip a déclaré que ses intérêts politiques ont été ravivés il y a deux ans lorsque son fils aîné préparait sa bar mitzvah et qu’il lui a parlé des commentaires antisémites proférés à son encontre par un camarade de classe dans son école publique de Great Neck. « Maman, tu sais, cet enfant m’a dit qu’il souhaitait qu’Hitler nous tue tous », lui avait-il dit. Elle a déclaré que cet enfant avait peut-être été victime de harcèlement et qu’il se vengeait probablement sur d’autres, mais qu’elle était choquée qu’il ait eu recours à des propos antisémites. « Comment un enfant de 12 ans peut-il parler de cette façon ? C’est grave. »
Aussi, lorsque Bal, le maire de Great Neck, lui a proposé de se présenter aux élections, elle s’est prêtée au jeu.
Elle a fait campagne pour redonner vie au centre-ville de Great Neck, mais aussi pour servir de passerelle, en ces temps difficiles, entre les multiples communautés minoritaires de la région.
« La promotion de la compréhension et de l’éducation des cultures, des religions et de la haine systémique doit être abordée par les jeunes et les moins jeunes », avait-elle dit dans une déclaration de candidature avant son élection.
Vendredi dernier, cependant, elle attendait avec impatience un peu de répit suite aux mensonges de Santos.
« Je vais aller faire quelques courses », a-t-elle dit. « Je dois cuisiner pour mes enfants pour le Shabbat. Le Shabbat commence tôt. Donc je pense que je vais juste passer du temps avec ma famille, mes enfants. Un moment très relaxant. »