Une enquête révèle une hausse des actes anti-chrétiens, mais une volonté d’y remédier
Le 2ᵉ rapport annuel du Rossing Center a recensé 111 actes menés contre des chrétiens en 2024 ; près de la moitié des chrétiens de moins de 30 ans souhaiteraient quitter Israël

Le 17 octobre 2024, un frère capucin se promène dans le parc qui jouxte le quartier historique de Yemin Moshe, à Jérusalem, lorsque deux adolescents juifs lui crachent dessus sans dire un mot.
Cet incident, malheureusement trop courant, est l’un des 111 cas d’agressions perpétrées contre des chrétiens signalés et documentées dans le rapport 2024 du Centre Rossing pour l’éducation et le dialogue, publié jeudi.
Le rapport de l’an dernier faisait état de 89 cas, parmi lesquels 32 déprédations de biens de l’Église, 30 cas de crachats et sept agressions violentes, la plupart d’entre elles contre plusieurs victimes. Dans le rapport 2024, 111 agressions sont rapportées, dont 46 agressions physiques, 35 déprédations de biens de l’Église et 13 cas de harcèlement.
Selon ce même rapport, la plupart des auteurs semblent appartenir aux communautés ultra-orthodoxes et nationales-religieuses. La majorité des victimes sont des membres du clergé ou des personnes portant des symboles chrétiens ostensibles.
« Les incidents que nous pouvons suivre ne sont que le pâle reflet de ce qui se passe en réalité. Nous ne doutons pas du fait qu’un bien plus grand nombre de cas nous échappent », explique Hana Bendcowsky, directrice du Centre de Jérusalem pour les relations judéo-chrétiennes (JCJCR), l’un des programmes du Centre Rossing, ONG israélienne qui se veut interconfessionnelle et en faveur de la paix.
Parallèlement à ce rapport, le groupe a également sondé les attitudes des chrétiens sur des sujets tels que l’identité, la liberté de religion, la société juive israélienne, le rôle de l’Église et l’émigration.

Les résultats de l’enquête ont révélé des relations quelque peu tendues entre la communauté chrétienne et le reste du pays, un chrétien sur trois ne se sentant pas accepté par ses compatriotes juifs israéliens et envisageant de quitter le pays, un chiffre qui s’élève à 48 % pour les moins de 30 ans.
Rossing a été créé il y a vingt ans pour promouvoir le dialogue et la compréhension entre Juifs et chrétiens dans une situation sans précédent où les Juifs sont majoritaires et les chrétiens minoritaires.
« Nous devons nous rappeler que pendant des siècles, les Juifs ont vécu en tant que minorité au sein d’une majorité chrétienne. La situation inverse est relativement nouvelle », déclare Bendcowsky.
« Être la majorité et avoir notre propre État s’accompagne de responsabilités. »

L’idée de surveiller les atteintes aux chrétiens est née d’un « pressentiment » qu’il fallait faire quelque chose après qu’un groupe de pèlerins portant des croix et marchant dans la rue Cardo de la Vieille Ville a été violemment attaqué au cours de l’été 2022.
« La tension [avec les chrétiens] a toujours été présente et nous avons déjà été confrontés à des problèmes de crachats il y a 20 ans », précise-t-elle.
« Mais nous constatons qu’au cours des deux dernières années, le phénomène s’est amplifié en nombre et la gravité des incidents a augmenté. Nous avons l’impression que les auteurs ne ressentent nullement le besoin de se cacher, au contraire, ils le font ouvertement. »
Près de la moitié des chrétiens de moins de 30 ans souhaitent quitter Israël
Lors d’une séance d’information présentant les résultats du rapport au Centre Notre-Dame de Jérusalem jeudi, le révérend David Neuhaus, un jésuite catholique basé à Jérusalem, a souligné la nécessité d’initiatives plus larges pour aborder la crise au niveau du discours public.
« Je pense que le fait de se concentrer uniquement sur les Juifs pratiquants qui ont des problèmes avec les symboles religieux chrétiens ne résout pas le problème des nombreux Juifs laïcs qui ont également un énorme problème avec les chrétiens, non pas pour des raisons religieuses, mais pour des raisons historiques », a estimé Neuhaus.
« Je pense qu’il faut se concentrer davantage non seulement sur les actes individuels de violence, d’abus et de harcèlement, mais aussi sur certaines des attitudes officielles envers les chrétiens vivant en Israël », a-t-il déclaré.
Ils sont environ 180 300 chrétiens à vivre en Israël, soit environ 1,8 % de la population israélienne, selon le Bureau central des statistiques (CBS). Près de 80 % d’entre eux sont arabes, ce qui représente 6,9 % de la population arabe du pays. En 2023, la population chrétienne a augmenté de 0,6 %.

300 personnes ont été interrogées dans le cadre de l’enquête sur l’identité chrétienne qui accompagne le rapport (avec un taux d’erreur possible allant jusqu’à 5,6 %). Parmi les personnes interrogées, 34 % se sont identifiées comme étant des chrétiens arabes, 23 % comme des chrétiens israéliens, 13 % comme des chrétiens palestiniens, 11 % comme des Arabes, 9 % comme des Palestiniens et 7 % comme des chrétiens.
Seulement une personne interrogée sur dix a déclaré avoir été victime de harcèlement de la part de Juifs israéliens. Près de 60 % ont déclaré se sentir à l’aise en portant des symboles religieux chrétiens, tandis que 20 % ont déclaré ne pas se sentir à l’aise.
Interrogées sur leurs relations avec les Juifs israéliens, 53 % ont décrit des interactions quotidiennes, tandis qu’un quart ont déclaré qu’elles interagissaient rarement, voire jamais, avec des Juifs. Cependant, les résultats ont mis en évidence des différences géographiques et de genre significatives.
Dans le centre d’Israël, 87 % des personnes interrogées ont déclaré avoir des interactions quotidiennes, tandis qu’à Jérusalem-Est, 37 % d’entre elles n’ont que rarement ou jamais d’interactions. En outre, des échanges quotidiens ont été enregistrés chez près de huit hommes sur dix, mais seulement quatre femmes sur dix.

Dans le cadre de l’enquête, il a également été demandé aux personnes interrogées si elles envisageaient de quitter Israël et Jérusalem-Est. Environ 36 % d’entre elles ont répondu par l’affirmative, dont 48 % parmi les moins de 30 ans. Là encore, les résultats ont mis en évidence des différences significatives entre les communautés locales. À Haïfa, 48 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles envisageaient de quitter le pays, contre seulement 16 % à Jérusalem-Est.
Ce sondage a également révélé une profonde division quant à la perception de l’acceptation des chrétiens au sein de la société juive. Environ 31 % des personnes interrogées ont déclaré avoir le sentiment que les Juifs israéliens acceptent les chrétiens palestiniens/arabes comme faisant partie de la société israélienne, tandis que 34 % ne sont pas d’accord.
En outre, 36 % des personnes interrogées estiment que leur identité de chrétien palestinien/arabe a eu un impact sur leur accès aux possibilités d’emploi pour progresser au sein des institutions publiques ou affiliées à l’État, tandis que 41 % ne sont pas d’accord.
Les conclusions du Rossing Center présentent également certains aspects positifs : le rapport de 2024 a en effet noté une tendance positive dans la volonté croissante des victimes de signaler ce qui leur est arrivé aux autorités.

« Par le passé, les chrétiens hésitaient à signaler les incidents parce qu’ils ne savaient pas comment ils seraient traités », a souligné Bendcowsky.
« Nous avons travaillé à les convaincre du contraire. Souvent, ce ne sont pas les chrétiens eux-mêmes qui signalent les incidents, mais des volontaires juifs israéliens. »
Bendcowsky a également indiqué avoir récemment constaté un changement notable d’attitude au sein de la police israélienne.
« Au cours des derniers mois, nous avons vu comment la police a réalisé que [les attaques contre les chrétiens] étaient un problème, et ils ont commencé à suivre les incidents, à arrêter des gens et à rendre ces arrestations publiques. Cela a un impact énorme sur la dissuasion des futurs agresseurs, car les gens ne veulent pas avoir d’ennuis pour avoir craché sur quelqu’un. En même temps, cela permet aux chrétiens de se sentir entendus. »