Une kippa peut « provoquer » les anti-Israël : la police de Londres tente en vain des excuses
L'incident d'un policier empêchant un Juif portant une kippa de traverser une marche pro-palestinienne, le qualifiant de trop "ouvertement Juif" a été filmé ; la MET tente des excuses maladroites
La vidéo d’un policier londonien disant à un homme portant une kippa qu’il est trop « ouvertement Juif » pour s’approcher en toute sécurité d’une marche anti-Israël s’est progressivement transformée en une véritable bavure médiatique pour la police métropolitaine (MET).
Jeudi, le commissaire adjoint Matt Twist s’est excusé pour la remarque « ouvertement Juif », mais dans la même déclaration, il a également suscité de nouvelles critiques en reprochant aux personnes pro-Israël d’être « provocatrices ».
Suite à un nouveau torrent de critiques, la police a supprimé vendredi la déclaration précédente de son compte X et en a publié une nouvelle, dans laquelle elle s’excuse pour la formulation de certaines des excuses précédentes et précise que « le fait d’être Juif n’est pas une provocation ».
La vidéo de l’incident du 13 avril montre un agent qui empêche Gideon Falter, directeur de l’organisme de surveillance Campaign Against Antisemitism, de traverser une rue où se trouvent de nombreuses personnes arborant des drapeaux palestiniens, en lui disant : « Si je peux vous demander de rester là, s’il vous plaît. »
Falter a alors répondu à l’officier : « Je ne veux pas rester ici, je veux partir. »
« Dans ce cas, monsieur, lorsque la foule sera partie, je vous escorterai volontiers vers la sortie », a répondu l’agent, tout en continuant d’empêcher Falter de le contourner. « Je ne veux pas que quiconque se mette à dos qui que ce soit. »
“You are quite openly Jewish. This is a pro-Palestinian march. I am not accusing you of anything, but I am worried about the reaction to your presence.”
Enough is enough. It is time for a major change.
On Saturday 27th April — the next anti-Israel march — we are asking you,… pic.twitter.com/lfJr7UZnif
— Campaign Against Antisemitism (@antisemitism) April 18, 2024
« Pour l’instant, monsieur, vous êtes ouvertement Juif. Il s’agit d’une marche pro-palestinienne. Je ne vous accuse de rien, mais je m’inquiète de la réaction à votre présence », a ajouté le policier.
Un peu plus tard dans la vidéo, on voit un autre policier dire à Falter que s’il n’accepte pas d’être escorté hors de la zone, il sera arrêté.
Les marches hebdomadaires de dizaines de milliers de personnes dans la capitale britannique ont donné lieu à des appels à une « intifada » – ou à un soulèvement -, ainsi qu’à des chants prônant la destruction d’Israël, tels que « Nous ne voulons pas deux États, la Palestine en 48 ».
Dans la déclaration du MET, qui a été supprimée depuis, Twist a déclaré que les images du blocage de Falter allaient « ébranler davantage la confiance de nombreux Londoniens juifs, ce qui est à l’opposé de ce que nous voulons tous ».
« L’utilisation du terme ‘ouvertement Juif’ par l’un de nos agents est extrêmement regrettable. Ce n’est absolument pas la base sur laquelle nous prenons nos décisions, c’était un mauvais choix de mots et, bien que cela n’ait pas été voulu, nous savons que cela a offensé de nombreuses personnes. Nous nous en excusons », a-t-il ajouté.
Mais la déclaration a suscité une nouvelle controverse avec le paragraphe suivant : « Ces dernières semaines, nous avons assisté à l’émergence d’une nouvelle tendance, les opposants aux principales manifestations apparaissant le long de l’itinéraire pour exprimer leur point de vue. Le fait que ces personnes se filment souvent en train de le faire suggère qu’elles doivent savoir que leur présence est provocante, qu’elles invitent à une réponse et qu’elles augmentent la probabilité d’une altercation. »
De nombreuses critiques ont été adressées à la police à propos de ce passage, et notamment au groupe de Falter, qui a accusé les forces de l’ordre de « blâmer la victime ». La police a alors publié une nouvelle déclaration, qui indiquait que la précédente avait été « supprimée ». « Nous nous excusons pour l’offense qu’il a causée. »
La nouvelle déclaration réitère les excuses pour la remarque « ouvertement Juif », en ajoutant : « Nous avons réfléchi à la force de la réaction à notre déclaration précédente. En essayant de faire valoir notre point de vue sur le maintien de l’ordre lors des manifestations, nous avons provoqué une nouvelle offense. Cela n’a jamais été notre intention. »
« Le fait d’être Juif n’est pas une provocation. Les Londoniens juifs doivent pouvoir se sentir en sécurité dans cette ville. Notre engagement à protéger la population s’étend à toutes les communautés de Londres. Il est important que nos déclarations publiques le reflètent plus clairement qu’elles ne l’ont fait aujourd’hui », ajoute le communiqué.
Commentant la déclaration précédente, Stephen Pollard, rédacteur en chef de The Jewish Chronicle, a déclaré qu’elle « reproche effectivement aux Juifs d’avoir l’audace de se tenir à côté des marcheurs qui appellent à l’intifada et chantent ‘Du fleuve à la mer’ – un appel à l’élimination d’Israël et de ses Juifs ».
Suite à cette nouvelle déclaration, Pollard a écrit sur X : « La MET a perdu la tête. Complètement. Ils se sont maintenant excusés pour leurs excuses précédentes – qui n’étaient pas des excuses mais une déclaration de ce qu’ils pensent et font réellement. Donc, dans l’état actuel des choses, la MET s’excuse pour la façon dont elle a l’intention de continuer à se comporter. »
D’importantes manifestations ont eu lieu à Londres la plupart des samedis depuis le début de la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas, déclenchée par l’assaut barbare du 7 octobre au cours duquel des milliers de terroristes se sont déchaînés dans le sud d’Israël, assassinant près de 1 200 personnes, pour la plupart des civils massacrés au cours d’atrocités brutales et d’agressions sexuelles, et enlevant 253 personnes à Gaza, dont 129 sont toujours en captivité.
Falter, le militant contre l’antisémitisme qu’un officier de police a empêché d’approcher les manifestants anti-Israël, marchait à proximité tout en portant un sac contenant son châle de prière lorsqu’il a croisé la marche, a rapporté le Daily Telegraph, un journal londonien.
Dans une interview, Falter a déclaré qu’il « était identifiable en tant que Juif, mais qu’il était par ailleurs comme n’importe quel autre Londonien ».
« Je ne faisais pas partie d’une manifestation ou d’une contre-manifestation, je ne portais pas d’autocollants ni de pancartes, de drapeaux ou autres. J’exerçais mon droit de me promener dans ma ville natale en tant que Londonien juif. Il y a un an, cela n’aurait pas été controversé. Mais aujourd’hui, ça l’est », a-t-il déclaré.
Falter a également affirmé que la police « pense que le fait d’être ouvertement Juif contrarie les manifestants anti-Israël et que les Juifs ont besoin d’une protection, que la police ne peut pas garantir ».
Le Home Office, ou ministère de l’Intérieur, a indiqué que le ministre britannique de l’Intérieur, James Cleverly avait écrit au MET, mais n’a pas fourni de détails sur le contenu de la lettre, précisant qu’il s’agissait d’une communication privée.
« Nous saluons les excuses de la police de Londres et reconnaissons la complexité du maintien de l’ordre lors de manifestations publiques à évolution rapide, mais le simple fait d’être Juif – ou d’une autre race ou religion – ne devrait jamais être considéré comme une provocation », a déclaré un porte-parole dans un communiqué.
« Toute personne, quelle que soit sa religion, doit être libre de vivre sa vie et de se sentir en sécurité. »
En mars, le commissaire britannique chargé de la lutte contre le terrorisme a averti que les rues du centre de Londres étaient devenues chaque samedi « une zone interdite aux Juifs » en raison des manifestations hebdomadaires. Le commissaire Robin Simcox a ajouté que l’atmosphère tendue depuis les massacres du 7 octobre a également conduit à une « montée en flèche » du communautarisme juif au Royaume-Uni.
En janvier, les employés et les clients d’un supermarché casher familial de Golders Green ont repoussé un agresseur armé d’un couteau qui leur demandait : « Soutenez-vous Israël ou la Palestine ? »
De nombreuses attaques antisémites ont également été signalées contre des personnes accrochant des affiches d’otages enlevés par les groupes terroristes de Gaza et parlant hébreu dans les rues de Londres.
Le groupe de sécurité juif britannique Community Security Trust (CST) a déclaré en février avoir enregistré un nombre record d’actes antisémites l’année dernière, le nombre d’incidents survenus après le 7 octobre dépassant tous les totaux précédents au cours des 40 années pendant lesquelles le groupe a suivi l’antisémitisme en Grande-Bretagne.
Le précédent record d’actes antisémites en Grande-Bretagne datait de 2021, alimenté par une montée de la violence au cours d’une guerre de 11 jours entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas cette année-là.