Israël en guerre - Jour 398

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Une mégalopole de l’âge de bronze bientôt recouverte et immortalisée en 3D

"Nous savions que c'était quelque chose d'important, mais pas de cette taille ou de cette ampleur", confie l'un des responsables de la fouille

Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Les responsables de la fouille (gauche à droite) Itai Elan, le Dr Dina Shalem et le Dr
Yitzhak Paz, marchent dans une allée vieille de 5000 ans sur le site de fouille de l'Âge de Bronze ancien, proximité de la ville moderne d'Harish. (Yoli Schwartz, Autorité des Antiquités d'Israël)
Les responsables de la fouille (gauche à droite) Itai Elan, le Dr Dina Shalem et le Dr Yitzhak Paz, marchent dans une allée vieille de 5000 ans sur le site de fouille de l'Âge de Bronze ancien, proximité de la ville moderne d'Harish. (Yoli Schwartz, Autorité des Antiquités d'Israël)

Les fouilles archéologiques de la mégalopole d’En Esur, vieille de 5 000 ans, se situent des deux côtés d’un axe routier important sur la côte nord d’Israël. L’ancienne ville de 650 mètres-carrés abritait autrefois jusqu’à 6 000 habitants. Il s’agit de la plus grande implantation de l’âge de bronze découverte en Israël, a annoncé l’Autorité israélienne des Antiquités (AIA) au début du mois.

D’anciennes études menées dans les années 1950 par l’Autorité israélienne des Antiquités indiquaient l’existence d’un site archéologique, a déclaré le Dr Yitzhak Paz, co-directeur des fouilles, au Times of Israël. « Nous savions que c’était quelque chose d’important, mais pas de cette taille ou de cette ampleur. »

Debout et à proximité d’un temple vieux de 5 000 ans, la plus grande structure du site, l’archéologue affirme qu’il s’agit « sans aucun doute du bâtiment le plus important dans la région. Il n’y avait rien de ce genre dans la zone ».

Pour mettre en évidence les dimensions exceptionnelles du temple, il est descendu dans la fosse et a attiré notre attention sur des blocs de chaussée de trois mètres de long dans l’entrée du temple. Il nous a également pointé du doigt un grand bassin de bain rituel taillé dans un seul bloc de pierre de 3 mètres, ainsi qu’une série de colonnes de base qui auraient supporté le plafond de la grande salle du Temple.

Selon le Dr Paz, le bâtiment monumental, de deux étages de haut environ, devient encore plus impressionnant quand on apprend que la carrière la plus proche se trouvait à 2,5 km. C’est un sacré parcours pour transporter des tonnes de pierre.

L’archéologue Yitzhak Paz se trouve dans le temple de 5 000 ans à En Esur, la plus grande implantation de l’âge de bronze ancien découverte en Israël, le 6 octobre 2019. (Amanda Borschel-Dan/Times of Israël)

Au plus fort de l’activité des deux ans et demi de fouilles, les trois directeurs, Dr. Dina Shalem, Itai Elad et Yitzhak Paz, ont supervisé 15 « responsables de carrés » et 300 membres de l’équipe de fouille. Cinq mille lycéens et jeunes adultes se sont également portés volontaires par le biais de plusieurs écoles et programmes en coordination avec l’AIA.

Voir Yitzhak Paz ressembler à une miniature par rapport aux vestiges architecturaux du temple situé au cœur de l’énorme site de fouille permet de mieux comprendre son immensité. Une bonne partie de la gigantesque ville de l’âge de bronze est construite sur les vestiges d’une implantation chalcolithique vieille de 7 000 ans, presque aussi grande, qui se trouve dessous, a déclaré la co-directrice Dina Shalem.

La fortification de l’implantation, les bâtiments publics monumentaux, les rues conçues, tout cela a conduit les archéologues de l’AIA à la conclusion qu’En Esur avait une gouvernance complexe et représentait le début de l’urbanisation dans la région, il y a environ 5 000 ans.

Les directeurs de la fouille (de d. à g.) Itai Elad, Dr. Dina Shalem et Dr. Yitzhak Paz, sur le site archéologique près de la ville actuelle de Harish. (Crédit : Yoli Schwartz , Israel Antiquities Authority))

Alors pourquoi recouvrir la plus grande ville de l’âge de bronze ancien au Levant ?

Un élément de réponse réside dans la très grande inaccessibilité du site archéologique : après avoir repéré le lieu de la fouille depuis l’autoroute, ce journaliste a continué à rouler pendant 15 minutes, devant faire un contournement en passant par des petites roules locales et des chemins poussiéreux.

Cette zone du pays souffre d’un manque prononcé d’infrastructures modernes de transport. Harish, une nouvelle ville côtière du nord d’Israël, est particulièrement touchée par ce problème, son développement est entravé par son isolation.

Alors que les vestiges visibles de l’une des plus anciennes villes de la région vont disparaître, la nouvelle ville israélienne, et des milliers de nouveaux habitants, vont profiter de la construction d’un échangeur sur le site. L’ancien site, mis à jour lors de fouilles sauvages financées par Netivei Israël – l’entreprise nationale d’infrastructure routière – sera bientôt à nouveau enseveli.

Cela étant, grâce à de nouvelles techniques de pointe de documentation en 3D, a déclaré Shalem, le site sera immortalisé pour les générations futures.

Startup Israël préserve l’âge de bronze au Levant

Debout juste à côté d’un mur monumental vieux de 7 000 ans, Shalem a reconnu qu’elle ne savait pas quelle était son utilité. C’est l’une des zones que l’archéologue expérimentée espère examiner dans les prochaines années avec l’aide d’un modèle 3D.

Elad, le membre le plus jeune de l’équipe, a expliqué comment les fouilles sont menées dans des carrés clairement délimités de cinq mètres sur cinq. Dès qu’un objet est découvert dans l’un d’eux, il est photographié sous tous les angles et se voit attribuer un point GIS (système d’information géographique) pour cartographier informatiquement le site. Pour les structures architecturales également, l’équipe prend des milliers d’images aériennes à l’aide de drones.

Les photographies sont ensuite téléchargées vers un programme informatique spécialisé qui génère des images 3D d’objets ou d’architecture. Grâce à cette modélisation, les archéologues peuvent virtuellement « rembobiner » leurs fouilles et retrouver le contexte dans lesquels des objets ont été découverts. La fouille détruit toutes les couches stratifiées et la possibilité d’examiner davantage les contextes. Ces modèles donnent aux chercheurs une deuxième chance.

« Quand vous retirez un récipient, on ne peut plus revenir en arrière et examiner son contexte original, a déclaré Elad. Grâce à une documentation et une modélisation précises, « même des années après, on peut observer comment les choses étaient quand nous les avons trouvées », a déclaré Elad.

Des milliers de jeunes et de volontaires ont participé à la fouille sur un site de l’Âge de Bronze ancien près de la ville moderne d’Harish. (Yaniv Berman, Autorité israélienne des Antiquités)

Ainsi, grâce à un partenariat avec des entreprises spécialisées dans les recréations d’images de synthèse, les archéologues seront ensuite capables de « recréer » des structures et dresser des murs et des plafonds pour avoir une meilleure idée de l’architecture et de la fonction du bâtiment.

Mais cette modélisation virtuelle remplacera-t-elle vraiment une visite personnelle du site ?

« C’est une question très complexe », estime Shalem, qui ne semblait pas vraiment perturbée par la chaleur étourdissante de cet après-midi d’octobre.

« C’est un site que l’on ne trouve qu’une fois dans sa vie », a-t-elle souligné. La découverte et la fouille d’En Esur sont l’un des moments forts de sa carrière, et elle espère qu’elle et d’autres chercheurs publieront des articles et donneront des cours à ce sujet pendant de longues années. Des visites publiques ont eu lieu les 15 et 16 octobre.

De manière pragmatique pourtant, elle a déclaré qu’en accord avec des experts de l’AIA, le site doit être recouvert à l’approche des travaux. Elle a souligné que cela serait fait de manière à ne pas avoir d’impact sur le temple et que cela ferait le moins de dégâts possibles à l’ensemble du site.

« Le pays est petit et peuplé. Nous avons de nombreux sites archéologiques ainsi qu’une population croissante. Nous devons trouver un équilibre », a déclaré Shalem.

Des fouilles sur le site de l’Âge de Bronze, non loin de la ville moderne d’Harish. (Yoli Schwartz, Autorité israélienne des Antiquités)

Les premières origines d’En Esur

L’implantation d’En Esur a commencé à se développer à proximité d’une source naturelle abondante autour de 6 000 avant l’ère chrétienne et s’est agrandie à partir de là, indique Shalem. En plus de son activité de co-directrice de la fouille, elle est responsable de la recherche sur les premières itérations du site.

Shalem a affirmé que les archéologues avaient eu beaucoup de chance, car la route choisie pour le nouvel échangeur et les zones approuvées pour la fouille leur ont permis d’avoir une véritable idée des frontières et de la taille réelle de l’implantation.

« Si l’échangeur avait été déplacé, nous n’aurions jamais découvert le mur de 7 000 ans ou l’ampleur de l’implantation ». Grâce à la simple taille de la fouille, elle est maintenant capable de distinguer les matériaux et les époques culturelles en question.

La ville d’Harish, qui devrait accueillir 100 000 résidents. (Amir Ben-David)

Sous une grande partie de la ville vieille de 5 000 ans, on retrouve les vestiges d’une implantation presque aussi grande qui se trouvait là 2 000 ans auparavant, a-t-elle dit. Il y a aussi des traces d’autres implantations plus petites entre ces deux périodes.

Du fait d’un long débat professionnel sur la terminologie à employer parmi les archéologues, on ne qualifie pas l’implantation vieille de 7 000 ans de ville, mais plutôt de grand village. Pour des raisons et buts divers, a-t-elle expliqué, la première implantation disposait également d’un bâtiment monumental, d’espaces publics et privés, et d’une société complexe, comme on peut le voir à travers les espaces pour les rites publics, dont une chambre funéraire à plusieurs étages sous forme de mausolée. Comme c’était typique pour l’époque, d’autres personnes ont été enterrées sous les fondations des maisons, avec des enfants entourés de jarres en céramique.

Après avoir observé des endroits découverts du site vieux de 7 000 ans, Shalem a conduit la presse vers une bâche bénie sous laquelle se trouvait une table avec des petites figurines de poterie – la plus grande collection d’objets du genre que sur n’importe quel autre site, a-t-elle dit. Ils représentent des gens et des animaux et ont été découverts dans les maisons fouillées.

L’icône d’une tête humaine d’il y a 5 000 du site de fouille de l’Âge de Bronze ancien à proximité de la ville moderne d’Harish. (Clara Amit, Autorité des antiquités d’Israël)

Ouvrant des petites boîtes contenant des figurines individuelles, Shalem a déclaré qu’elles font référence à une religion locale et ont été fabriquées sur place. Elle tient dans sa main un mignon mouton et présente plusieurs bustes humains, qui ont malheureusement perdu leur tête au fil des millénaires. Elle montre également une douce pierre de fronde et un grand bol noir en basalt.

À cause de l’humidité de la zone, aucun reste organique n’a été préservé, et nous ne saurons jamais vraiment ce que ces gens ont porté ou mangé. Shalem a dit qu’ils nous ressemblaient probablement beaucoup et étaient des fermiers sur la terre noire fertile de la zone, ou, à en croire les découvertes d’os d’animaux, des éleveurs de cochons, de moutons, de chèvres et de bétail. Il y a des indices sur le développement de commerces spécialisés, comme la poterie ou la création de silex.

Situées à côté d’une importante route commerciale, les anciennes implantations seront bientôt recouvertes pour laisser place à la chaussée en asphalte de l’autoroute. Mais grâce à la documentation permise par des technologies de pointe, pour les archéologues, la recherche sur notre passé très lointain vient tout juste de commencer.

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