Une usine de savon découverte dans le Negev témoigne des débuts de l’islam
Conformément à ses racines musulmanes, cette usine vieille de 1 200 ans utilise de l'huile d'olive comme base, contrairement au saindoux des savons européens à la même période
- La lycéenne Jenny Vasiutin tient entre ses mains le jeu du "Moulin" trouvé pendant des fouilles menées par l'Autorité israélienne des antiquités à Rahat, ville bédouine du désert du Negev, (Crédit :Emil Aladjem/Israel Antiquities Authority)
- Un jeu appelé "Jeu du chien et du chacal" ou "58 trous", découverts pendant les fouilles de l'Autorité israélienne des antiquités à Rahat, une ville bédouine du désert du Negev (Crédit : Emil Aladjem/Autorité des antiquités israéliennes)
- Le jeu du "Moulin" à Rahat, une ville bédouine du désert du Negev (Crédit : Emil Aladjem/Autorité israélienne des antiquités)
- Les fouilles menées par l'Autorité israélienne des antiquités sur le site où se trouvait la plus ancienne usine de savon en Israël, à Rahat, une ville bédouine du désert du Negev (Crédit : Emil Aladjem/Autorité israélienne des antiquités)
- Les fouilles effectuées par l'Autorité israélienne des antiquités à Rahat, ville bédouine du désert du Negev (Crédit : Emil Aladjem/Autorité israélienne des antiquités)
Une équipe constituée d’archéologues de l’Autorité israélienne des antiquités et de jeunes lycéens locaux, qui travaillait dans le désert torride du Negev, a découvert la toute première usine de fabrication de savon identifiable d’Israël – elle date d’il y a 1 200 ans – dans la ville bédouine de Rahat. Le fait que le savon ait été fabriqué à base d’huile d’olive indique clairement l’influence islamique dans la région, alors même que l’islam commençait à s’enraciner au sein de l’Etat juif.
« Cette ville a des racines islamiques et nous sommes fiers de ces racines », commente le maire de Rahat, Abu Saheeben, dans une vidéo en hébreu diffusée par l’Autorité des antiquités israélienne (AAI).
Cette usine de fabrication de savon a été construite pendant la période Abbasside, déclare la docteure Elena Kogen-Zehavi, archéologue, au Times of Israel. Les Abbassides avaient été parmi les premiers gouvernants arabes à avoir introduit l’islam en Israël. Le savon était un produit prisé à l’exportation et il était envoyé en Egypte et dans les autres territoires arabes, explique-t-elle.
Déterminante dans la production de ce savon, c’était l’huile d’olive qui servait comme base graisseuse – contrairement au saindoux qui était utilisé en Europe à la même période, un produit prohibé par l’islam.

La conquête arabe de la Terre sainte avait eu lieu en 636 mais l’islam ne devait devenir la religion majoritaire qu’au 9e siècle. Des fouilles réalisées en 2019 à Rahat avaient indiqué toutefois que l’islam était arrivé tôt dans la région du Negev. Les archéologues de l’AAI avaient ainsi découvert une mosquée très ancienne, rare, datant du 7e siècle avant l’ère commune environ.
Elle reste encore aujourd’hui l’une des plus anciennes mosquées à avoir été trouvée dans le monde.

Cette nouvelle découverte d’une usine de production de savon industrielle s’est faite dans une vaste structure à colonnes qui, selon les archéologues, devait appartenir à une famille riche qui vivait de la fabrication de savons, de la vente locale et peut-être même de l’exportation de son produit. Les dures conditions du désert – avec notamment le vent et les tempêtes de sable – faisaient de l’hygiène personnelle une nécessité il y a 1 200 ans aussi, dit Kogen-Zehavi dans la vidéo de l’AAI.

Pendant des millénaires, confie Kogen-Zehavi au Times of Israel, les résidents du Moyen-Orient et d’ailleurs avaient utilisé l’huile d’olive dans leurs pratiques de propreté. Elle ajoute que si l’usage du bain est documenté dans des registres grecs et babyloniens, le concept était totalement différent. Plutôt que de se laver à l’aide d’une mousse savonneuse, ces populations anciennes s’enduisaient d’huile.
La production industrielle de savon ne devait vraiment commencer qu’au Moyen-Age en Europe, continue-t-elle. Si les chrétiens pouvaient utiliser du saindoux – qui était plus facile à manipuler – il était beaucoup plus difficile de transformer l’huile d’olive en un matériau dur. Cette expertise nécessaire à la fabrication du savon à base d’huile d’olive a été gardée avec soin jusqu’à aujourd’hui et transmise de génération à génération, note Kogen-Zehavi. Une usine moderne d’huile d’olive, située dans la ville arabe de Naplouse, continue encore aujourd’hui à exploiter les méthodes méticuleuses de l’ancien temps.

Selon le communiqué de presse de l’AAI, le complexe de Rahat inclut toutes les structures nécessaires à la fabrication de savon à base d’huile d’olive. De plus, les chercheurs sont parvenus à obtenir des échantillons organiques qui leur ont permis d’identifier les matériaux qui étaient utilisés dans les processus de production.
Les archéologues ont découvert que pour fabriquer ce savon particulier, l’huile d’olive était utilisée comme base et qu’elle était ensuite mélangée avec des cendres de salicornes, qui contiennent de la potasse et de l’eau.
« Ce mélange était cuit pendant environ sept jours, après quoi le matériau liquide était transféré dans un bassin peu profond, où le savon séchait et devenait plus dur durant une dizaine de jours avant d’être coupé en barres », selon le communiqué de presse.
Ces produits, une fois coupés, séchaient encore pendant deux mois avant d’être exportés.

« C’est la première fois qu’une usine de savon aussi ancienne est découverte, ce qui nous permet de recréer le processus de production traditionnel de l’industrie du savon. Pour cette raison, c’est vraiment une trouvaille unique. Nous sommes familiers des structures de fabrication de savon à une époque bien plus tardive – à la période ottomane. Elles ont été trouvées à Jérusalem, Naplouse, Jaffa et Gaza », dit Kogen-Zehavi dans son communiqué de presse.
Le maire de Rahat, Fahiz Abu Saheeben, affirme pour sa part dans le communiqué de presse avoir été heureux que « les fouilles aient révélé les racines islamiques de Rahat ». Les excavations archéologiques ont eu lieu en coopération avec l’Autorité des antiquités israélienne, la communauté bédouine locale et l’Autorité pour le développement et l’intégration des Bédouins dans le Negev, avant la construction d’un nouveau quartier à Rahat.
« Nous espérons construire un centre pour les visiteurs dont pourront profiter les touristes et la communauté locale », déclare Abu Saheeben.

Si ce centre communautaire est construit, en plus des souvenirs possibles de cette usine de savon antique, les visiteurs pourront découvrir l’un des deux jeux anciens qui ont été trouvés dans une chambre souterraine située sur le site.
L’un de ces jeux de plateaux s’appelle le « Moulin à vent » – un jeu de stratégie qui avait déjà été découvert lors de fouilles effectuées sur des sites de la période romaine, datant du 2è et du 3è siècles. Le second est un jeu faisant intervenir des dés ou des bâtonnets appelé le « Jeu du chien et du chacal », ou « Jeu des 58 trous », qui était apparu dans l’Egypte antique et qui s’était ensuite propagé dans la région méditerranéenne et en Mésopotamie aux environs de l’an 2000 avant l’ère commune, selon le communiqué de presse.

C’est la première fois que des archéologues découvrent de tels jeux dans la période marquée par les débuts de l’islam, dit Avinoam Lehavi, de l’AAI, dans la vidéo.
Ces jeux « mettent en lumière le quotidien des habitants », commente pour sa part l’archéologue chargée du district du nord du Negev au sein de l’Autorité des Antiquités, Svetlana Tallis.

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