Washington n’aurait été informé sur la frappe à Beyrouth qu’après le décollage des avions
Un responsable israélien a paru confirmer cette information affirmant que l'alerte n'a été donnée que quelques minutes avant que Nasrallah ne soit pris pour cible ; Biden a dit que les États-Unis n'ont pas été impliqués ; Blinken a laissé paraître une certaine frustration
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Israël n’a informé les Etats-Unis de l’importante frappe aérienne de Tsahal qui a pris pour cible le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à Beyrouth qu’une fois que ses avions étaient déjà dans les airs et que l’opération était en cours, a déclaré un responsable américain au Times of Israel vendredi.
Une révélation intervenue peu après que la porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh, a expliqué que le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, s’était entretenu avec son homologue israélien, le ministre de la Défense Yoav Gallant, alors que les frappes étaient en cours. C’est Gallant qui a informé les membres de l’administration Biden, a-t-elle précisé.
Pour sa part, un responsable israélien proche des événements a noté que les États-Unis avaient été avertis de l’imminence de la frappe à Beyrouth plusieurs minutes avant qu’elle ne soit effectuée – semblant corroborer le récit de l’officiel américain dont l’identité n’a pas été rendue publique.
Peu après avoir été informé de l’attaque aérienne par son équipe chargée de la sécurité nationale, le président américain Joe Biden a déclaré aux journalistes que « nous continuons à rassembler des informations. Je peux vous dire que les États-Unis n’ont pas eu connaissance des agissements de l’armée et qu’ils n’y ont pas participé… J’en dirai davantage lorsque j’aurai plus d’informations ».
Il s’agit de la dernière initiative prise par l’administration Biden pour se distancier d’une frappe d’envergure menée par Tsahal alors que la guerre s’élargit pour Israël.
Déterminé à empêcher un véritable conflit entre Israël et le Hezbollah – ou pire, un embrasement régional – Washington avait réagi de la même manière aux autres frappes israéliennes qui avaient pris pour cible les dirigeants du Hezbollah et du Hamas, soulignant qu’ils n’avaient pas été impliqués dans ces dernières et qu’ils n’en avaient pas été avertis au préalable.

Ce qui n’a pas empêché le ministre iranien des Affaires étrangères d’accuser les États-Unis d’avoir été complices de l’attaque menée par Tsahal. Il a souligné le soutien militaire apporté par Washington à Jérusalem.
« On ne peut ignorer la complicité des États-Unis dans ce crime », a estimé Abbas Araghchi devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a semblé laisser entendre que l’administration a ressenti de la frustration face à la décision prise par Israël de cibler Nasrallah.
« Je laisserai Israël parler de ses opérations et de ses objectifs mais nous avons établi avec beaucoup de clarté, comme un grand nombre d’autres, ce que nous considérons comme la meilleure voie à suivre », a-t-il dit, faisant référence à une solution diplomatique – par opposition à une solution militaire – qui permettrait le retour des 60 000 Israéliens environ qui ont été contraints d’évacuer leurs habitations depuis près d’un an en raison des attaques transfrontalières quasi-quotidiennes du Hezbollah.
« C’est un objectif légitime et important pour Israël de créer à nouveau un environnement sûr qui permettra aux résidents de rentrer chez eux. La question est de savoir quel est le meilleur moyen d’y parvenir », a ajouté Blinken.
« Les événements survenus la semaine dernière et lors des deux dernières heures soulignent la précarité de la situation au Moyen-Orient et dans le monde », a-t-il continué.

Le secrétaire d’État a précisé que « Israël a le droit à l’auto-défense dans le combat contre le terrorisme. La façon dont il exerce ce droit est importante. Les choix que toutes les parties feront dans les jours à venir détermineront le chemin sur lequel s’engagera cette région, avec des conséquences profondes pour son peuple, aujourd’hui et peut-être pour les années à venir ».
« Les États-Unis ont clairement indiqué, avec le G7, l’Union européenne, les partenaires du Golfe et un si grand nombre d’autres, que nous pensons que le chemin à suivre passe par la diplomatie et non par le conflit. Le chemin de la diplomatie peut sembler difficile à voir en ce moment mais il existe », a assuré Blinken. « Nous continuerons à travailler avec intensité avec toutes les parties pour les inciter à choisir cette voie ».
Il a conclu ses propos sur le sujet en soulignant : « Je tiens également à préciser une chose à tous ceux qui voudront utiliser ce moment pour s’en prendre aux Américains et aux intérêts américains dans la région : les États-Unis prendront toutes les mesures nécessaires pour défendre leur peuple ».
L’opération israélienne semble avoir défié les appels à la désescalade et au cessez-le-feu qui avaient été lancés par Washington au cours de la semaine dernière.
Les États-Unis et la France avaient proposé une trêve de 21 jours entre Israël et le Hezbollah – une proposition faite après une semaine de frappes israéliennes quasi-ininterrompues qui avaient dévasté le haut-commandement du groupe terroriste libanais et dans le sillage de l’explosion d’appareils de communication appartenant à des membres du groupe terroriste, une opération sans précédent dorénavant connue sous le nom de « bataille des bipeurs ».
L’initiative soumise par Washington et par Paris visait également à donner plus de temps aux efforts livrés pour conclure un accord de cessez-le-feu à Gaza – un accord qui permettrait aussi de garantir la libération des otages détenus au sein de l’enclave côtière où Israël combat le groupe terroriste Hamas. Elle avait aussi pour objectif de pouvoir négocier un accord entre Israël et le Hezbollah, qui prévoirait le retrait, par le groupe terroriste, de ses forces déployées le long de la frontière nord d’Israël, et ce conformément à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait fait savoir, jeudi dernier, qu’Israël « partageait les objectifs » de l’initiative menée par les États-Unis en faveur d’un cessez-le-feu temporaire avec le Hezbollah – après avoir été fustigé au sein de sa coalition pour avoir donné son accord en privé à ce plan et pour y avoir renoncé par la suite.
Netanyahu se trouve actuellement à New York où il s’est adressé devant l’Assemblée générale – une allocution qui a eu lieu environ une heure avant la frappe. Son bureau a finalement annoncé qu’il retournerait au sein de l’État juif plus tôt que prévu – dans la soirée de vendredi.
Alors qu’elle était interrogée sur les échanges qui ont eu lieu entre Austin et Gallant – avec l’impact potentiel qu’a pu avoir la frappe israélienne sur les efforts américains visant à obtenir un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah – Singh s’est refusée à apporter des précisions mais elle a déclaré que le secrétaire à la Défense américain faisait toujours preuve de franchise dans ses conversations avec son homologue israélien.
« Il suffit de regarder les engagements que le secrétaire d’État et le ministre Gallant ont pris au cours des deux dernières semaines en discutant régulièrement. Je pense que s’il y avait une rupture de confiance, vous ne verriez pas ce type d’entretiens et d’engagements se produire de manière aussi fréquente », a noté Singh alors qu’il lui était demandé si le manque de notification préalable de la frappe, de la part d’Israël, était le signe d’un manque de confiance.
Lazar Berman a contribué à cet article.