Washington va présenter un plan pour la frontière égypto-gazaouie comme alternative à une offensive à Rafah
Des responsables américains ont indiqué au Times of Israel que les entretiens avec une délégation israélienne à Washington serviront à avancer des options viables, qui pourraient se substituer à une opération majeure dans la ville surpeuplée
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Les États-Unis vont présenter des plans alternatifs qui permettraient à Israël de continuer à poursuivre le Hamas sans lancer une opération terrestre majeure à Rafah. Ces plans seront soumis au cours d’une prochaine réunion avec une délégation israélienne qui doit se rendre à Washington, ont confié deux hauts-responsables américains, mardi au Times of Israel.
« On ne va pas se contenter de dire : ‘Non, vous ne pouvez pas le faire’. Nous vous disons que nous souhaitons travailler avec vous sur des alternatives viables qui vous aideront à atteindre vos objectifs », a dit l’un des officiels, qui s’est exprimé auprès du Times of Israel sous couvert d’anonymat.
Le Conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a évoqué cette idée lundi, lorsqu’il a annoncé que le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait accepté une demande soumise par le président américain Joe Biden au cours de l’entretien téléphonique qui avait eu lieu entre les deux hommes, dans la journée. Le chef du gouvernement israélien a ainsi donné son accord concernant le départ d’une équipe interagence à Washington qui écoutera « les inquiétudes américaines suscitées par ce qui est actuellement programmé par Israël à Rafah » et qui sera susceptible d’aider « à mettre au point une approche alternative qui prendra pour cible des éléments déterminants du Hamas à Rafah, et qui aidera à sécuriser la frontière séparant l’Égypte et Gaza sans nécessité d’une invasion terrestre majeure ».
Détaillant l’approche alternative envisagée par l’administration Biden, un autre officiel américain a expliqué que Washington avait pour idée d’amener Israël à se concentrer sur la nécessité d’empêcher le trafic d’armes, des armements qui entrent dans la bande depuis l’Égypte – à travers le couloir de Philadelphi.
Le responsable a évité de blâmer le gouvernement égyptien pour ces trafics qui ont été partiellement responsables du réarmement du Hamas dans un contexte de conflits multiples avec Israël, au cours des 15 dernières années. Les deux officiels ont par ailleurs indiqué que trouver un nouvel arrangement avec Le Caire et construire les infrastructures nécessaires pour couper les itinéraires empruntés par les trafiquants seraient des éléments bien plus importants dans le démantèlement du Hamas qu’une opération terrestre majeure à Rafah.
« Si Israël fonce à Rafah, avec toutes les victimes civiles que cela va entraîner, la coopération avec l’Égypte sur le verrouillage du Corridor de Philadelphi sera beaucoup plus difficile », a commenté le deuxième responsable.

Le premier officiel a établi clairement que l’opposition des États-Unis à une incursion terrestre majeure ne signifiait pas qu’ils s’opposaient à des opérations plus ciblées menées contre les chefs du Hamas à Rafah ou ailleurs, et il a précisé que le plan alternatif que l’administration Biden a l’intention de présenter à la délégation israélienne se concentrera également sur cet objectif.
Les États-Unis veulent qu’Israël puisse aussi utiliser cette période pour mettre en œuvre un plan permettant un afflux massif d’aides humanitaires dans la bande, a dit le même responsable américain, qui a pris la parole quarante-huit heures après la publication d’un rapport soutenu par les Nations unies qui a affirmé que la famine était imminente au sein de l’enclave côtière.
Le haut-responsable américain a noté que dans ce cadre, l’État juif devrait ouvrir de nouveaux itinéraires terrestres, dans la bande, pour acheminer l’assistance vers le nord où 300 000 Palestiniens ont été pratiquement coupés de tout approvisionnement après avoir refusé les appels lancés par l’armée israélienne à évacuer ce secteur, au début de la guerre. Cela fait presque six mois que le Hamas et Israël sont en guerre au sein de l’enclave côtière, une guerre qui avait été déclenchée par l’assaut meurtrier lancé par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre – quand des milliers de terroristes avaient tué environ 1 200 personnes, des civils en majorité, et qu’ils avaient kidnappé 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza.
Toute opération à Rafah – sans même parler de l’invasion massive à laquelle Washington s’oppose – nécessiterait une réelle stabilisation de la situation humanitaire à Gaza, a noté l’officiel.
Les deux responsables ont fait remarquer que le sud de Gaza City était devenu un pôle humanitaire, ces derniers mois, et qu’il faudrait mettre en place de nouveaux mécanismes de stockage et de distribution de l’assistance dans d’autres zones.

Le nombre de camions transportant des aides humanitaires depuis le corridor maritime qui va être établi à partir de Chypre en plus des autres itinéraires empruntés par les convois pour se rendre dans la bande, devra aussi connaître une hausse significative – avec des chiffres qui n’ont pas encore été atteints depuis l’avant-guerre, une période où 500 camions entraient par jour, a noté l’un des officiels. « Cela ne pourra pas se faire du jour au lendemain, et ce ne sera pas le cas en particulier au moment où nous nous trouvons face à une famine imminente ».
Les États-Unis, la semaine dernière, ont envoyé un navire transportant le matériel nécessaire pour construire la jetée temporaire qu’ils prévoient d’installer au large de la côte de Gaza City – un projet de construction qui pourrait prendre jusqu’à deux mois.
Parmi les plans alternatifs dont les États-Unis veulent s’entretenir avec la délégation israélienne, il y aura aussi les efforts visant à commencer la reconstruction de Gaza et à offrir une alternative viable à la gouvernance du Hamas.
Ces deux éléments sont des points de friction entre Jérusalem et Washington – dans la mesure où le projet présenté pare Netanyahu, le mois dernier, pour l’après-guerre à Gaza ne prévoit pas d’autoriser le début de la reconstruction de la bande avant « la démilitarisation » et « la déradicalisation » de l’enclave côtière. Le Premier ministre israélien a aussi cherché à encourager les chefs de clan locaux qui n’entretiennent aucun lien avec l’Autorité palestinienne à prendre la barre de Gaza en remplacement du Hamas, une idée qui a été accueillie froidement par les États-Unis et par la communauté internationale qui veulent, pour leur part, voir une Autorité palestinienne réformée gouverner la bande.
Les deux officiels américains ont établi clairement que l’administration Biden était consciente de la présence des quatre derniers bataillons à Rafah mais ils affirment que leurs forces et leur importance, dans le cadre de la guerre visant à vaincre le Hamas, ont été exagérées par Netanyahu.
« Nous ne voulons pas que le Hamas puissent se réfugier à Rafah et y être en sécurité mais ce qui est actuellement envisagé n’est pas faisable », a indiqué le premier responsable.
Les officiels ont salué Israël pour les initiatives prises par l’État juif, au cours des deux dernières semaines, qui ont visé à soulager la crise humanitaire. L’un d’entre eux a cependant estimé que la situation pourrait se détériorer une nouvelle fois si Jérusalem ne devait pas commencer à mettre en œuvre « une politique qui ne sera pas celle de la terre brûlée dans sa poursuite du Hamas ».
Dans la matinée de mardi, le Bureau de Netanyahu a annoncé que le Premier ministre avait chargé deux de ses proches, le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et le Conseiller à la sécurité nationale Tzachi Hanegbi, de prendre la tête de la délégation israélienne qui s’envolera pour Washington. Un représentant du COGAT, l’unité chargée de coordonner les aides dans la bande de Gaza, fera également le voyage.
« Le Premier ministre a souligné qu’il est déterminé à mener son opération à Rafah dans le but d’éliminer pour de bon les derniers bataillons du Hamas, tout en offrant des solutions à la population civile en matière d’assistance humanitaire », a noté le Bureau.
La porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, a indiqué que la rencontre aura probablement lieu au début de la semaine prochaine.
De plus, le Secrétaire à la Défense américain Lloyd Austin accueillera, la semaine prochaine, le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant pour une réunion bilatérale organisée au département américain de la Défense, a précisé un officiel américain.