« Yom Hazikaron, c’est tous les jours » pour les fratries détruites le 7 octobre
Des frères et des sœurs parlent de la vie en l'absence de leurs proches - qui ont été tués à la rave-party Supernova, à Sderot ou sur la ligne de front
Alors que Yom HaZikaron a commencé en Israël – une journée qui sera suivie par la 76e Journée de l’Indépendance israélienne, Yom HaAtsmaout – et sept mois après le massacre qui a été commis par le Hamas, le 7 octobre, des frères et sœurs de victimes, éplorés, expliquent qu’ils ne parviennent plus à comprendre ce que signifie l’esprit de l’indépendance nationale, cette année.
« Dans quelle mesure pouvons-nous nous considérer comme indépendants si nous avons besoin de la permission des États-Unis pour tout ce que nous faisons ? », s’interroge Aviel Gabbay, dont la sœur, Shani Gabbay, a été tuée lors du festival de musique électronique Supernova. « Où est l’indépendance d’Israël, là-dedans ? Pour le moment, je ne vois pas ».
Une autre sœur en deuil, Jenny Sividia, qui avait réussi, pour sa part, à s’échapper de la rave-party avec son conjoint – son frère, Shlomi Sividia, et sa petite amie, Lily Gurevitch, n’avaient pas eu cette chance et ils avaient été froidement exécutés – partage le même point de vue.
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« Nous sommes tenus de rendre des comptes à un autre pays et nous ne pouvons pas réellement défendre notre peuple », regrette Sividia, se référant largement aux États-Unis ainsi qu’aux critiques émises, à l’international, sur la guerre à Gaza. « Si nous ne pouvons pas protéger notre peuple comme j’estime qu’il le faudrait, alors nous ne sommes pas indépendants ».
Gabbay et Sividia apparaissent aux côtés de Nabih Abu Amer, dont le frère, Jawad Amer, un soldat druze, est mort alors qu’il repoussait une infiltration terroriste du Hezbollah, depuis le Liban, le 9 octobre. Avec eux, il y a aussi Ofir Swisa, dont le frère et la belle-sœur, Dolev et Odaya Swisa, ont été froidement abattus par des hommes armés du Hamas à Sderot. Les membres de ces fratries anéanties ont décidé de se retrouver pour évoquer la nouvelle réalité qui est la leur lors d’une conférence de presse en visioconférence, dimanche, en amont des journées nationales de deuil et d’indépendance en Israël.
La discussion ne porte pas sur la relation unissant les États-Unis à Israël, ou sur la guerre à Gaza. Ces jeunes gens qui, pour certains, sont eux-mêmes des survivants du massacre du 7 octobre, disent vouloir plutôt tenter d’expliquer ce qu’a été leur existence au cours des derniers mois.
Ils évoquent ainsi les jours, les semaines et parfois les mois passés à tenter de découvrir ce qui avait pu arriver à leur frère ou à leur sœur au cours de cette journée de terreur – ou l’ironie douloureuse de la mort d’un frère alors qu’il avait officiellement terminé ses quatre années de service militaire une semaine tout juste auparavant.
Tous les quatre racontent la manière dont ils tentent aujourd’hui de continuer à vivre – en aidant leurs parents éplorés, en se mettant à la disposition de neveux ou de nièces dorénavant orphelins tout en se rappelant des désirs que nourrissaient les disparus et de la façon dont ils entendaient traverser l’existence.
« La devise de Shani, c’était ‘pas de temps pour le drame’, » a déclaré Gabbay. « Elle vivait sa vie comme si chaque jour devait être le dernier ».
Sividia dit que ses parents alternent entre le chagrin face au décès de Shlomi et la gratitude de voir leur seul autre enfant – elle-même – encore en vie après avoir survécu au massacre commis à la rave-party Supernova. Ils ignoraient que leurs deux enfants adultes se trouvaient là-bas et ils ne l’avaient appris que dans la matinée du 8 octobre.
Shlomi Sividia avait été considéré, dans un premier temps, comme porté-disparu et quand son corps sans vie avait été enfin découvert, la famille avait été encouragée à renoncer à le voir une dernière fois, sa dépouille ayant été brutalisée. Les deux fils du défunt, âgés de trois et de cinq ans, vivent dorénavant avec leur mère, l’ex-épouse de Shlomi. Jenny Sividia, ses deux filles et ses parents, qui sont les grands-parents paternels des deux petits, leur rendent visite au moins deux fois par semaine.
« J’étais sûre que ma mère ne s’en remettrait pas », déclare Sividia. « Mais il s’est avéré qu’ils sont tous les deux vraiment forts et qu’ils se cramponnent à ce qu’il leur reste, c’est-à-dire à moi, à mes filles et aux petits garçons de Shlomi ».
Le frère d’Abu Amer, Jawad, avait été tué aux côtés de deux autres membres de son équipe alors qu’ils repoussaient un terroriste du Hezbollah, le 9 octobre. Il tente de décrire aux journalistes le sentiment constant de tristesse et de perte qui est le sien en évoquant le large sourire et les rires de son jeune frère, « qui était comme un demi-jumeau pour moi ».
« Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un jour, je ne verrai plus son sourire et je n’entendrai plus son rire », a-t-il déclaré. « Le perdre a été dur et cette journée de Yom HaZikaron sera la plus difficile de toute mon existence – la plus émouvante et la plus forte aussi, parce que mon frère a offert sa vie pour protéger tout le monde ».
Shani Gabbay, 25 ans, était diplômée de la faculté de droit et elle adorait les chiens. Disparue alors qu’elle se trouvait au festival de musique électronique Supernova, la police avait d’abord pensé qu’elle avait été prise en otage – mais son ADN avait été finalement retrouvé, au cours de l’enquête, sur un collier qui avait été enterré avec une autre femme.
Gabbay avait fui le site de la rave-party quand les terroristes étaient arrivés. Elle avait d’abord essayé de se cacher dans un abri anti-aérien avec deux amis dont les jambes avaient été arrachées par une grenade. Elle avait ensuite couru vers sa voiture, où elle avait blessée par deux balles qui s’étaient logées dans sa jambe gauche.
Elle était retournée sur le site du festival où elle avait essayé de fuir les hommes armés, se cachant dans une ambulance. Le véhicule avait été pris pour cible par les terroristes qui l’avaient pris d’assaut à l’aide de grenades et d’un missile anti-tank. Les 18 personnes qui se trouvaient à l’intérieur, et notamment Gabbay, avaient été brûlés vives, leurs corps rendus méconnaissables. Certains s’étaient soudés les uns aux autres sous l’effet de la chaleur.
Ce n’est que six semaines plus tard que la famille Gabbay avait été informée de l’inhumation accidentelle de leur fille avec une autre femme.
Quelques mois plus tard, une autre partie de son corps avait été retrouvée dans la tombe d’une autre victime de Supernova, Elyakim Libman – qui avait lui aussi été considéré comme otage présumé avant la découverte de sa dépouille, qui avait été enterrée elle aussi accidentellement avec un autre corps.
« Je pense que ces 18 personnes ont toutes été enterrées avec quelqu’un d’autre, avec quelqu’un qui se trouvait aussi dans l’ambulance », commente Aviel Gabbay, qui porte dorénavant le collier de sa sœur.
Ofir Swisa raconte aussi son 7 octobre à Sderot – quand son frère et sa belle-sœur, Dolev et Odaya Swisa, avaient essayé de quitter la ville sous le bruit des sirènes, n’ayant pas réalisé l’ampleur de l’attaque du Hamas. Ils avaient été abattus par les terroristes alors qu’ils se trouvaient dans leur voiture, leurs deux petites filles recroquevillées à l’arrière, sur le sol de l’habitacle.
La belle-sœur de Swisa avait cherché, en vain, à fuir avec l’aide d’Amer Odeh Abu Sabila, un ouvrier bédouin, qui avait essayé de l’amener, avec les deux fillettes, jusqu’au commissariat de Sderot, ignorant que les terroristes en avaient pris le contrôle. Abu Sabila avait lui aussi perdu la vie.
Les deux petites filles, âgées de six et de trois ans, avaient été retrouvées dans le véhicule où elles s’étaient cachées, plusieurs heures plus tard.
« Chaque jour qui passe est impossible avec les filles, il y a toujours quelque chose », dit Swisa, évoquant la nouvelle phobie de ses nièces à l’égard des pick-ups et des cyclomoteurs, leur peur lorsqu’elles doivent emprunter l’autoroute ou leur peur de pratiquement tout ce qui est susceptible de leur rappeler l’horreur de cette journée. Sa mère vit un deuil difficile et son père souffre d’Alzheimer – il faut lui rappeler en permanence la perte de ce fils adoré.
« Jamais nous n’aurions pu penser que nous deviendrions une famille endeuillée à cause du terrorisme », ajoute Swisa. « Qui peut imaginer une chose pareille ? »
Sividia indique ne pas d’être rendue sur la tombe de son frère depuis qu’il a été enterré dans la mesure où « Yom HaZikaron, c’est tous les jours ». Elle s’y rendra mardi, continue-t-elle, pour marquer Yom Haatsmaout.
« Nous sommes de vraies victimes, notre histoire est réelle alors même que le monde entier nie le 7 octobre », s’exclame Sividia. « Vous me voyez ? Vous voyez Shlomi? Nous sommes on ne peut plus réels ».
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