Zachary Baumel ne sera pas le dernier soldat israélien disparu retrouvé
Le dévouement d'Israël pour ses soldats capturés et disparus est un aspect fondamental de son ethos, et un objectif auquel il consacre d'importants moyens
Avec le rapatriement et l’inhumation de la dépouille du sergent Zachary Baumel au bout de presque quarante ans, le nombre de soldats israéliens tombés dont le corps n’a pas été rapatrié s’élève à 175.
Un nombre qui va réduire.
Outre Zachary Baumel, rien que l’année dernière l’armée israélienne a retrouvé la dépouille de deux autres soldats jusque-là disparus : la soldate Livka Shefer, depuis 1948, et le Lt. Yakir Naveh, un pilote dont l’avion s’était écrasé en mer de Galilée en 1962.
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Cette dernière décennie, 24 autres soldats ont été identifiés et ont bénéficié d’un enterrement juif sans leur dépouille.
Même si l’annonce de cette nouvelle à un moment opportun — à quelques jours d’élections nationales serrées — a suscité des soupçons de manipulation de la part de Benjamin Netanyahu à des fins électoralistes, une allégation rejetée par le Premier ministre et l’armée, la décision de rechercher le corps ne peut être sérieusement attribuée à des motivations politiques mesquines mais plutôt à un aspect fondamental de l’ethos de l’armée israélienne.
Depuis sa création, Tsahal, et l’État d’Israël en général, sont allés bien plus loin que toute autre armée ou nation pour ramener des prisonniers de guerre vivants ou les dépouilles de soldats tombés.
Israël n’est certainement pas le seul pays à travailler dur pour rapatrier les dépouilles de ses soldats tombés. Les Etats-Unis, par exemple, ont récemment récupéré les dépouilles de soldats conservées par la Corée du Nord après des décennies de négociations. Dans l’ensemble, l’ampleur des efforts qu’Israël est prêt à engager pour récupérer la dépouille d’un soldat est inégalée.
Cela peut notamment impliquer d’investir d’importants moyens financiers et du temps pour localiser la dépouille d’un soldat tué il y a des dizaines d’années. De manière plus polémique, cela peut aussi impliquer un échange de prisonniers très disproportionné comme celui de 2011 qui a vu la libération du soldat Gilad Shalit en échange de plus de
1 027 prisonniers palestiniens.
« Nous voulons que tous les soldats de Tsahal sachent que lorsqu’ils entrent dans l’armée, l’Etat d’Israël fera tout ce qu’il faut, s’ils – Dieu nous en préserve – sont capturés ou disparaissent, afin de les ramener à la maison, a déclaré le lieutenant colonel Nir Israeli, le chef de l’unité des soldats disparus de Tsahal, au Times of Israël mercredi.
Cet engagement peut s’expliquer de deux manières : du fait de la conscription obligatoire et de la nature très soudée de la société israélienne.
A quelques exceptions, les soldats israéliens ne sont pas volontaires, ils n’ont pas choisi d’aller dans l’armée, mais ils y sont forcés par le gouvernement. Ils ne vont pas à la guerre, ils y sont envoyés. Cela implique que le gouvernement accepte un degré bien plus grand de responsabilité pour ses soldats.
Même si les études montrent que le pays se divise en plusieurs groupes – laïcs, religieux nationaux, ultra-orthodoxes et Arabes – la société israélienne reste profondément interconnectée dans son ensemble, une situation souvent décrite par le proverbe hébreu « Kol Yisrael arevim zeh b’zeh » ou en français « Tout Israël est responsable l’un de l’autre ».
Cette combinaison de conscription presque universelle et d’une culture très imbriquée explique pourquoi tous les médias vont parler de la blessure légère d’un soldat lors d’un entraînement, pourquoi des inconnus apportent des plats faits maison aux soldats lors des guerres et des opérations, et pourquoi tous les médias d’Israël ont mis en attente la couverture de la campagne électorale cette semaine pour se focaliser sur le retour de la dépouille d’un soldat disparu il y a presque 37 ans.
« Tsahal est appliqué à faire revenir tous les soldats disparus ou dont le lieu de sépulture n’est pas connu. Nous engageons beaucoup d’efforts et de moyens pour cela », a déclaré Israeli.
L’unité israélienne, connue sous son acronyme hébreu EITAN, se compose largement de réservistes, des personnes qui consacrent leur temps libre à rechercher des soldats morts depuis longtemps afin de réconforter leurs familles ou, pour ceux qui n’ont pas de proches vivants, simplement pour rendre hommage aux soldats tombés au combat
Il faut des mois, des années, voire des décennies pour retrouver la trace des soldats disparus.
« Chaque cas a sa propse histoire. Il y a certaines affaires qui prennent plus de temps, certaines qui sont plus rapides. En plus, nous sommes des réservistes alors nous ne travaillons pas dessus chaque jour, mais nous faisons vraiment des efforts pendant notre temps libre, a récemment déclaré le capitaine Yaor Rizenzon, un membre de l’unité EITAN, au Times of Israël.
Dans le cas de Shefer, dont la dépouille a été découverte en mai dernier, il a fallu 70 ans de recherches tenaces pour savoir ce qui était arrivé à la soldate âgée de 34 ans qui avait été tuée par un obus égyptien pendant la guerre de 1948. On a finalement découvert qu’elle avait été enterrée dans une fosse commune au Kibboutz Nitzanim. Son nom avait été ajouté au monument de la tombe.
Rinzenzon, qui a mené l’enquête de sept ans qui a permis en 2009 de retrouver des cousins canadiens qui ont eux aussi été tués en 1948 après avoir immigré en Israèl juste avant la fondation de l’Etat, a déclaré que ce type de recherche est épuisant et lent.
« Chaque entretien mène à un autre entretien. Certaines personnes ne se souviennent plus, certaines sont mortes », a-t-il déclaré.
« Les gens ne se souviennent jamais, mais ensuite nous trouvons un fil à démêler et à suivre », a déclaré Rizenzon, qui conduit à « un autre détail et un autre détail et un autre détail », jusqu’à ce que les enquêteurs puissent être sûrs du lieu de sépulture d’un soldat porté disparu.
Dans d’autres cas, ce n’est pas une question de recherches historiques ou d’entretiens, mais de travail dur.
Avec Naveh, dont le Fouga Magister s’est abimé dans le lac de Tibériade il y a 56 ans, l’unité des plongeurs de la Marine israélienne a dû chercher dans les profondeurs boueuses et troubles d’un lac, année après année, dans des conditions décrites comme « infernales » avant que sa dépouille ne puisse être retrouvée en octobre dernier.
Et avec Baumel, un commandant de tank de 21 ans né aux Etats-Unis qui a disparu pendant la bataille du Sultan Yacoub de la Première guerre du Liban en 1982, il a fallu des décennies de recherches, et un effort multi-national pour identifier le lieu de sa possible sépulture afin de donner des instructions aux soldats russes pour le trouver en septembre dernier. Il aurait été enterré dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk autour de Damas.
« C’est un travail titanesque, de trier les informations correctes, de se focaliser sur les informations qui peuvent être vérifiées – jusqu’à ce qu’une image claire apparaisse et que vous puissiez découvrir l’endroit spécifique dans un pays particulier où se situe la sépulture, a déclaré le colonel de réserve Yaakov, officier du renseignement militaire qui a dirigé l’équipe de deux hommes à la recherche de Baumel, à la Douzième chaîne d’information mercredi soir. (Pour des raisons de sécurité, son nom complet n’a pas pu être publié).
Mais Baumel n’était pas le seul soldat de Tsahal à disparaître dans la Bataille du Sultan Yacoub. Les lieux de sépulture des autres soldats de l’unité de Baumel, Zvi Feldman et Yehuda Katz, qui étaient dans un tank qui a été frappé à une distance d’environ deux kilomètres, restent inconnus.
Selon l’armée israélienne, la découverte de la dépouille de Baumel a fait avancer l’effort de recherche, et un haut diplomate israélien a déclaré à des journalistes jeudi que les forces russes continuaient à chercher les soldats disparus.
Si les familles de Katz et de Feldman ont un nouvel espoir de voir revenir les dépouilles de leurs proches, on ne retrouvera pas tous les soldats israéliens disparus dont le lieu de sépulture est inconnu. Par exemple, les dépouilles des marins qui sont morts lorsque le sous-marin Dakar a coulé en 1968 ne seront probablement jamais récupérées.
Pourtant, grâce à des recherches lentes et méticuleuses, d’autres soldats israéliens qui ont disparu seront probablement ramenés des guerres et des missions auxquelles ils ont été envoyés – et desquelles ils ne sont jamais revenus.
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