3 ans après une lettre ouverte controversée sur les « massacres » à Gaza, Lancet se penche sur la santé israélienne
Un dossier spécial du journal britannique salue les services médicaux et souligne les inégalités dans le pays et entre les Juifs et les Arabes
Le journal médical britannique The Lancet a publié un dossier spécial sur la santé en Israël, soulignant les résultats obtenus par l’état juif en faveur de la couverture médicale universelle pour ses populations diverses mais notant les défis qui restent à relever alors que persiste le conflit dans la région.
La série d’articles a été conçue en 2014, après que le rédacteur en chef de Lancet, Richard Horton, a permis la publication d’une lettre ouverte qui accusait Israël de « massacres » à Gaza. Horton avait ultérieurement écrit regretter les divisions entraînées par la publication de cette lettre mais ne l’avait pas pour autant retirée.
A l’époque, Horton avait annoncé que le journal avait établi de nouvelles instructions générales dans la gestion des « articles soumis qui se trouvent à cette difficile intersection entre la médecine et la politique » et avait appelé les rédacteurs à « prendre une pause, à réfléchir, et à faire des consultations avant de publier tout manuscrit qui pourrait diviser, renforcer ou faire empirer les divisions politiques de manière non nécessaire ».
Il avait également ajouté que le journal publierait une série d’articles sur la santé et le système de la recherche médicale en Israël après s’être rendu au sein de l’état juif et sur le campus de Rambam de Haïfa. Il y avait été invité pour pouvoir observer par lui-même la coopération médicale entre Juifs et Arabes.
« Notre collaboration a commencé après la tragédie entraînée par la guerre entre Israël et la bande de Gaza contrôlée par le Hamas en 2014.
En juillet 2014, au beau milieu du conflit, le Lancet avait publié une lettre qui a divisé l’opinion médicale dans le monde entier », a dit Horton dans une déclaration annonçant la publication de ce dossier spécial mardi. « Nous avons tiré les leçon de ce malheureux épisode. Notre collaboration cherche à défaire le mal et les salissures laissées par cet épisode en transformant ces expériences en une pratique constructive ».
Le dossier s’intéresse à la manière dont le système de santé israélien s’assure de ce qu’un certain nombre de services soient garantis à ses 8,8 millions de citoyens, majoritairement gratuits sur les points de services, ce qui a mené à une forte progression dans la santé de la population israélienne, élevant le chiffre de l’espérance de vie et réduisant la mortalité des nouveaux-nés.
Mais les auteurs s’intéressent également aux défis qui persistent – comment Israël gère les besoins en termes de santé des personnes âgées, des femmes et des enfants, et des inégalités qui persistent entre les Arabes israéliens et les Juifs israéliens dans les différentes régions du pays.
Le dossier du Lancet sur Israël peut servir de tremplin pour améliorer non seulement la santé et l »équité des soins à l’intérieur d’Israël et entre Israël et ses voisins les plus proches, mais également offrir une plate-forme pour un engagement plus important des médecins et des scientifiques israéliens dans les questions de santé nationale et mondiale », a expliqué Horton.
La série d’articles a pour objectif de démontrer que « la médecine et la science peuvent servir de passerelle pour une meilleure compréhension des défis complexes et apparemment insolubles », a-t-il ajouté.
Le dossier consacré à Israël fait partie du programme d’analyse du Lancet qui décrypte par pays les progrès réalisés vers la couverture de santé universelle et qui vient explorer, cette fois-ci, les aspects du système de santé et de la délivrance de soins en Israël.
Les articles, qui ont été écrits par des universitaires et des décisionnaires politiques en Israël, offrent des recommandations pour le renforcement du système de soins dans le pays, pour l’amélioration de la santé et la gestion des inégalités dans ce secteur. Ils se penchent, entre autres, sur la santé numérique, la génétique médicale, l’éducation médicale, et les femmes et la santé.
Cette série d’articles a été chapeautée par le professeur Mark Clarfield de l’Université Ben-Gourion du Negev, le professeur Orly Manor de l’Institut national d’Israël pour les politiques de santé et la recherche sur les services, et le professeur Zaher Azzam du Campus de Rambam. Cette série sera lancée à l’occasion d’événements consécutifs organisés à Tel Aviv, Haifa, Nazareth, Beersheba, et Jérusalem de lundi à mercredi.
L’espérance de vie plus basse parmi les Israéliens arabes
« Israël a fait de forts progrès dans la santé mais il reste des défis à relever », a indiqué Clarfield dans le communiqué. « La privatisation lente mais en augmentation des services, les dépenses nationales qui stagnent dans le secteur de la santé doivent être prises en compte de façon à garantir que le pays sera en mesure de continuer à offrir des soins de santé de qualité à tous ses citoyens. Tandis que la délivrance de soins de santé et la représentation dans les professions des services médicaux sont des vecteurs d’égalité plus grande parmi les différentes population en Israël, des disparités résiduelles préoccupantes dans les résultats en terme de santé – au sein de la population et des groupes régionaux – reflètent les inégalités dans les fondements socio-économiques de la santé et du bien-être ».
L’espérance de vie en Israël est toujours plus importante chez les Juifs israéliens que chez les Arabes israéliens (80,3 ans contre 78 ans chez les hommes, 84,1 ans contre 80,9 chez les femmes).
Les hommes arabes israéliens fument deux fois plus (43,9 %) que les Juifs israéliens (22,1 %) et le cancer du poumon est bien plus commun chez les Arabes israéliens, même si d’autres cancers touchent à peu près de la même façon les deux groupes.
Les taux de diabète et de maladies du coeur surviennent aussi plus fréquemment chez les Arabes israéliens. Les disparités existent en termes de soin de santé également. Par exemple, les femmes arabes israéliennes sont souvent diagnostiquées à un stade plus avancé de cancer du sein, et elles suivront de manière moins probable des programmes de dépistage.
Parmi les recommandations établies par les auteurs, augmenter les dépenses dans le secteur de la santé en les faisant passer de 7,8 % du PIB comme c’est le cas actuellement à 9 %, conformément à la moyenne de l’OCDE. Ils prônent des financements garantis à long terme pour des programmes nationaux de santé dans la lutte contre le tabac, pour la réduction de la consommation de sel et de sucre, la promotion de l’activité physique, en particulier parmi les groupes de population défavorisés.
Ils recommandent de cesser les passages du public au privé et de s’assurer que le ministère de la Santé saura se concentrer sur une planification à long-terme et sur le financement des services relatifs aux soins de santé. Ils estiment également qu’il faut augmenter les financements pour les services à domicile et communautaires pour appuyer la population vieillissante et augmenter le nombre de lits dans les hôpitaux, et demandent de faire passer le congé maternité de 14 semaines à six mois et de fournir une contraception via des plans d’assurance santé.
Les auteurs ont également vivement recommandé des collaborations sur les problèmes de santé au-delà des divisions historiques, démographiques, ethniques, politiques et même économiques même là où les relations diplomatiques sont inexistantes.