3 frères juifs italiens partent à la recherche de la grotte qui les a sauvés de l’Holocauste
Dans un documentaire, la famille Anati explore la campagne italienne en retrouvant la grotte dans laquelle ils ont vécu pendant la Deuxième guerre mondiale
JTA — La perspective de louer une maison dans la campagne italienne en dévorant des pâtes peut être considérée par un grand nombre de gens comme des vacances idéales.
Pour les trois frères Anati, toutefois, un tel voyage était un rappel des horreurs de l’Holocauste.
Et pourtant, c’est un voyage qu’avaient décidé de faire les trois frères — Bubi, 77 ans, Andrea, 85 ans et Emmanuel, 88 ans — en 2013, avec très précisément pour objectif de se relier à leur passé.
Les frères Anati ont été élevés dans une famille de la haute société à Florence. En 1942, juste avant le début des déportations des Juifs de la ville à Auschwitz, la famille a fui. Elle a erré de village en village puis s’est installée dans une forêt située à proximité de Villa a Sesta, une municipalité située à environ 80 kilomètres de Florence. Avec l’aide des locaux, leur père a creusé une caverne – et la famille a vécu là, littéralement sous la terre, pendant plusieurs mois, durant l’été 1944 jusqu’à la fin de la guerre.
La famille est alors partie s’installer en Israël où les frères ont vécu depuis lors.
« Shalom Italia », un documentaire d’une heure réalisé par Tamar Tal Anati (la belle-fille de Bubi), s’intéresse au retour en Italie des frères qui ont tenté de retrouver la caverne pour enfin tourner la page sur ces années noires. Le trio affable arpente la forêt, rencontre les membres d’une famille qui les avait aidés à survivre et – nous sommes en Italie – en profite pour dévorer des kilos entiers de succulentes pâtes.

Le vrai plaisir de ce film délicieux, toutefois, est la camaraderie authentique qui règne entre les frères et la passion qu’ils ont cultivée pour la culture italienne. Bubi, qui a travaillé pendant des années à l’Institut des sciences Weizmann, est le plus jeune et le plus sincère dans sa démarche. C’est lui qui a donné l’impulsion à ce voyage, la localisation de la grotte étant quelque chose qu’il voulait réaliser depuis des années.
Andrea, chercheur en physique océanique, est un gaffeur fantasque – il siffle souvent, fredonne et se présente aux étrangers – en grande forme physique pour un octogénaire.
Emmanuel — que ses frères appellent « Mèmè » avec affection ou parfois « Mème mio », ou « mon Mèmè” — est un archéologue internationalement connu. Il est le plus grave des trois et n’a aucun désir de revivre ses souvenirs de l’Holocauste, les ayant sortis depuis longtemps de son esprit. Mais Mèmè a accepté le voyage pour faire plaisir à Bubi.
Sur l’écran, les personnalités des trois frères n’entrent pas exactement en confrontation – même si elles se heurtent légèrement malgré tout. Les trois hommes se chamaillent pour savoir dans quelle pièce dîner, quand quitter la maison louée le matin et quel chemin choisir pour retrouver la grotte dans la forêt.
Mais ces accrocs – drôles – sont plus attachants que dérangeants. Un débat particulièrement teinté d’humour survient lorsque les trois frères s’interrogent pour savoir s’ils avaient amené des jeux d’arcs et de flèches avec eux lorsqu’ils étaient partis de Florence – Andrea insiste sur le fait que cela a été le cas, tandis que Mèmè lui répond qu’il est ridicule.
Malgré son charme, « Shalom Italia » n’oublie pas la gravité du récit qui sous-tend l’histoire. Le ton léger du film accompagne, main dans la main, les fantômes de la guerre. Les frères ont des conversations sur leurs souvenirs durant des repas qui mettent l’eau à la bouche, salami, mozzarella, tomates, prosciutto et pâtes au pesto.
Dans une scène mémorable, Andrea dit se souvenir de ces années de clandestinité avec une certaine naïveté encore –
il s’agissait pour lui d’une époque aventureuse qui avait réuni la famille entière.
« Nous avons vécu dans les bois, nous avons joué à Robin des Bois et ramassé des champignons », dit-il. « Je me suis amusé pendant l’Holocauste ».
Une remarque troublante pour Mèmè, qui dit que tandis qu’Andrea a profité de sa jeunesse, il a été obligé de grandir rapidement.
A un autre moment, Bubi dit qu’il ne peut pas manger et qu’il peut pas même sentir l’odeur des sardines. Il réalise que la raison en est que la famille a mangé des sardines pendant la guerre.
Finalement, le film est le témoignage du filtre de leurs souvenirs à travers leurs attitudes et leurs expériences, et à travers les désirs aussi de ceux qui les entourent.
« Cela a été très intéressant de voir que lorsque vous vous confrontez à quelqu’un d’autre, vos souvenirs commencent à changer », a commenté Tamar Tal Anati, interrogée par JTA depuis son domicile de Tel Aviv. « [Et] de voir comment la mémoire se reconstruit ».
Cela fait des années que Tal Anati a épousé le fils de Bubi, mais elle ignorait que son beau-père et ses frères étaient des survivants de l’Holocauste. Lorsque Bubi lui a parlé du voyage prévu dans la campagne italienne – et qu’elle a appris l’existence de la caverne et la raison de ce voyage – elle s’est sentie dans l’obligation de le filmer.
« J’ai été fascinée par le fait que chacun d’entre eux avait un souvenir complètement différent du même événement », a-t-elle confié. « Et j’étais curieuse de voir comment ils allaient gérer le défi physique et mental de ce séjour ».
Tal Anati a noté que pendant des décennies, les frères ne s’étaient jamais considérés comme de vrais survivants de l’Holocauste. Mais depuis le tournage de « Shalom Italia », qui les a aidés à tenir compte des souvenirs de cet hiver-là, ils se considèrent dorénavant ainsi.
« Notre personnalité et la manière dont nous voyons la vie sont le résultat des souvenirs que nous avons », a-t-elle dit. « Et une fois que ces souvenirs changent, nous changeons ».
(« Shalom Italia » est disponible en streaming sur le site pov.org depuis le 24 juillet jusqu’au 26 août).
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