Israël en guerre - Jour 624

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9 conseillers de Biden reviennent sur les relations entre les deux pays depuis le 7 octobre

Dans des interviews accordées à HaMakor, ces ex-responsables expriment leur frustration face à leurs relations tendues avec Benjamin Netanyahu durant la guerre

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

  • Le président américain Joe Biden (à droite) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 25 juillet 2024. (Crédit : Susan Walsh/AP)
    Le président américain Joe Biden (à droite) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 25 juillet 2024. (Crédit : Susan Walsh/AP)
  • L'ancien ambassadeur américain en Israël Jack Lew, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
    L'ancien ambassadeur américain en Israël Jack Lew, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
  • John Kirby lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
    John Kirby lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
  • Dan Shapiro lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
    Dan Shapiro lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
  • Roger Carstens, envoyé de l'administration Biden chargé des otages, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025 (capture d'écran de la Treizième chaîne).
    Roger Carstens, envoyé de l'administration Biden chargé des otages, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025 (capture d'écran de la Treizième chaîne).
  • Tom Nides, ancien ambassadeur des États-Unis en Israël, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
    Tom Nides, ancien ambassadeur des États-Unis en Israël, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
  • L'ancien envoyé spécial américain Amos Hochstein, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
    L'ancien envoyé spécial américain Amos Hochstein, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
  • L'ancien conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)
    L'ancien conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan, lors d'une interview pour l'émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (capture d'écran de la Treizième chaîne)

Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait manqué une occasion de conclure un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite l’année dernière, selon un haut conseiller de l’ancien président américain Joe Biden.

L’accord prévoyait un cessez-le-feu, la libération des otages, ainsi qu’un engagement d’Israël à ouvrir un horizon politique en vue de la création d’un État palestinien – une idée rejetée de longue date par Netanyahu et qu’il qualifie de « récompense accordée au terrorisme », depuis le pogrom perpétré par les groupes terroristes palestiniens de Gaza le 7 octobre 2023.

Pour leur part, les représentants de Joe Biden ont répété à plusieurs reprises que les progrès vers l’autodétermination palestinienne ne devaient pas être considérés comme une concession israélienne, puisque les États-Unis et leurs alliés arabes cherchaient à faire avancer cet objectif de manière à isoler le Hamas au profit d’une Autorité palestinienne (AP) (profondément) réformée.

« Je n’ai pas compris la décision de ne pas saisir cette opportunité, qui représentait à mes yeux le coup stratégique le plus important qu’Israël pouvait accomplir », a déclaré Amos Hochstein à l’émission d’investigation HaMakor, diffusée sur la Treizième chaîne.

« Je pense que cette opportunité a déjà été manquée par le passé. J’espère qu’Israël ne la laissera pas passer à nouveau — même si cela implique des décisions politiquement difficiles. »

Hochstein est l’un des neuf hauts responsables de l’administration Biden interviewés pour l’émission, qui ont partagé leurs frustrations à l’égard du gouvernement Netanyahu tout au long de la guerre menée à Gaza.

Les anciens responsables américains estiment que le refus de Netanyahu d’élaborer un plan pour la gestion de Gaza après la guerre relevait d’une tactique dilatoire destinée à éviter de prendre des décisions qui auraient pu provoquer la chute de son gouvernement.

Ils ont également évoqué de brèves discussions à Washington sur l’opportunité pour Biden de prononcer un discours appelant à des élections en Israël, face à l’intransigeance de Netanyahu.

Ils ont enfin révélé qu’une vidéo publiée par Netanyahu — accusant l’administration américaine de bloquer depuis des mois divers transferts d’armes — avait fait capoter un accord quasiment finalisé, portant sur la levée du gel concernant un unique lot de bombes d’environ 900 kilos.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken rencontrant le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, à Jeddah, en Arabie saoudite, le 20 mars 2024. (Crédit : Evelyn Hockstein/Pool Photo via AP)

HaMakor a également interrogé une jeune fonctionnaire qui avait démissionné pour protester contre la décision de Biden d’accorder un laissez-passer à Israël, en dépit d’une loi américaine interdisant le transfert d’armes aux pays entravant l’acheminement de l’aide humanitaire.

Malgré les différends, les hauts responsables de l’administration Biden avaient réaffirmé leur engagement envers la sécurité d’Israël, expliquant que cet attachement profond rendait les attaques de Netanyahu et de ses partenaires, qui les accusaient d’abandonner Israël, particulièrement cinglantes.

« Que le Premier ministre israélien mette en doute le soutien des États-Unis après tout ce que nous avons fait — pensez-vous que ce soit le comportement correct et convenable d’un ami ? Je ne le crois pas », a déclaré l’ancien conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan. « [Néanmoins], je continuerai toujours à soutenir fermement l’idée qu’Israël a le droit de se défendre et que les États-Unis ont la responsabilité de l’aider. Et je le ferai, quel que soit le Premier ministre, quels que soient les propos tenus à mon égard, à l’encontre des États-Unis ou du président pour lequel je travaille. »

Le président américain Joe Biden salué par le Premier ministre Benjamin Netanyahu à son arrivée, à l’aéroport international Ben Gurion, à Tel Aviv, le 18 octobre 2023. (Crédit : Evan Vucci/AP)

Enterrer la hache de guerre

Avant l’assaut meurtrier du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 – au cours duquel les terroristes du groupe ont assassiné plus de 1 200 personnes et pris 251 personnes en otage qu’ils ont emmenés à Gaza – les relations entre l’administration Biden et le gouvernement Netanyahu n’étaient déjà pas au beau fixe.

Quelques semaines avant le pogrom, Biden avait finalement accepté de rencontrer Netanyahu, après avoir refusé pendant neuf mois de le faire pour marquer son désaccord avec le projet très controversé du Premier ministre de remanier de façon radicale le système judiciaire israélien.

Malgré cela, le président américain avait prononcé un discours passionné en faveur d’Israël, qui avait beaucoup ému les Israéliens, et dans lequel il avertissait l’Iran et ses mandataires de ne pas se joindre au conflit contre l’État juif. Biden avait également ordonné le déploiement de porte-avions américains en Méditerranée orientale, dans une nouvelle démonstration de dissuasion.

« On m’a demandé d’envoyer un message au Hezbollah : peu importe ce qui s’est passé, n’entrez pas dans ce conflit. Si vous le faites, les règles du jeu changeront, et en vous mêlant à cette guerre, vous vous attaquerez directement aux États-Unis », a rappelé Hochstein.

Le président américain Joe Biden, avec la vice-présidente Kamala Harris (à gauche) et le secrétaire d’État Antony Blinken (à droite), évoque les atrocités commises par le Hamas contre des Israéliens et promet un soutien sans faille à Israël, dans la salle à manger d’État de la Maison Blanche, à Washington, le 10 octobre 2023. (Crédit : Brendan SMIALOWSKI / AFP)

Biden avait décidé d’effectuer une visite de solidarité en Israël avant même que ses collaborateurs n’en aient eu l’idée, a expliqué Sullivan à HaMakor.

Les États-Unis avaient néanmoins obtenu d’Israël, avant même que le président ne pose le pied à Tel Aviv, un engagement à autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire vers la bande de Gaza depuis l’Égypte — alors que les hauts responsables de Jérusalem avaient initialement promis de ne pas en laisser passer « une seule goutte ».

« Le poids du 7 octobre s’est manifesté physiquement chez l’ensemble des dirigeants israéliens », s’est souvenu Sullivan à l’issue de cette visite. « Leur apparence avait changé. »

L’ancien porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, a indiqué qu’un des ministres israéliens – révélé par la Treizième chaîne comme étant Ron Dermer – avait dit à Biden, lors d’une réunion du cabinet de guerre, que son épouse lui avait chuchoté à l’oreille où elle prévoyait de cacher leur fille si des terroristes du Hamas pénétraient dans leur maison.

Une grande affiche remerciant le président Joe Biden pour son soutien à Israël, au-dessus de l’autoroute Ayalon à Ramat Gan, le 11 octobre 2023. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Tuer et détruire pour tuer et détruire

Dès les premiers jours, les États-Unis avaient tenté de guider un Israël traumatisé dans sa réponse au Hamas.

Joe Biden « a fait part de ses inquiétudes concernant une opération terrestre à Gaza sans objectif stratégique, qui pourrait créer d’énormes problèmes pour Israël », selon Sullivan.

Ilan Goldenberg, conseiller principal en sécurité nationale au sein de l’administration, a indiqué que les États-Unis avaient envisagé une approche militaire similaire à celle employée contre l’État islamique (EI) : capturer le territoire, puis le remettre à des forces locales — en l’occurrence, les Kurdes. Les États-Unis avaient alors entamé des discussions avec plusieurs alliés arabes, qui s’étaient dits prêts à assurer temporairement la sécurité de Gaza, mais à condition de pouvoir ensuite transmettre cette responsabilité à l’Autorité palestinienne (AP), perspective rejetée par Netanyahu et ses partenaires de la coalition d’extrême droite.

Bien que les ministres du cabinet de guerre de l’époque, Benny Gantz et Gadi Eisenkot, aient soutenu le plan américain, ils ont été écartés par le Premier ministre, a affirmé Goldenberg.

L’ancien haut responsable américain a également évoqué les déclarations de Dermer concernant un projet de cinquante ans qui commencerait par la « déradicalisation » des habitants de Gaza.

« J’en ai conclu qu’il n’était pas vraiment intéressé à agir. C’était plutôt une manœuvre dilatoire pour éviter toute discussion sérieuse », a indiqué Goldenberg.

Dans les mois qui ont suivi, Tsahal est revenu à plusieurs reprises dans des zones de Gaza qu’il avait précédemment libérées, mais où les terroristes du Hamas avaient réussi à se réimplanter, faute d’alternative politique proposée par Israël pour combler le vide.

Les ministres d’extrême droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich avaient alors appelé Israël à réoccuper définitivement la bande de Gaza et à y reconstruire des implantations.

Bien que Netanyahu ait publiquement rejeté cette idée, il s’était abstenu de présenter des alternatives claires pour écarter une telle éventualité. Ben Gvir et Smotrich avaient menacé de faire tomber le gouvernement si Israël mettait fin à la guerre ou permettait à l’Autorité palestinienne (AP) de reprendre un rôle dans la bande de Gaza.

L’ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Michael Herzog, a reconnu que des « considérations politiques » obscurcissaient la prise de décision. Il a déclaré à HaMakor que les responsables israéliens avaient tenu des discussions approfondies sur la question du « jour d’après » à Gaza – mais qu’elles s’étaient systématiquement soldées par une absence de décision.

« S’ils n’ont aucune intention de le faire, peu importe le résultat, le Hamas continuera à contrôler la bande de Gaza », a déploré Goldenberg. « Vous ne faites que tuer et détruire pour le simple plaisir de tuer et de détruire. Mais vous ne bâtissez pas d’alternative ».

Face à cette impasse, Goldenberg a indiqué que des discussions avaient eu lieu à Washington sur l’idée que Biden prononce un discours incitant Israël à repenser son avenir.

L’idée de ce discours était que Biden présente aux Israéliens deux voies, l’une menant à un accord sur les otages, à la fin de la guerre et à une normalisation avec l’Arabie saoudite ; et l’autre qui poursuivait la trajectoire actuelle de guerre sans fin et d’isolement international croissant.

Ce projet, finalement abandonné, a été révélé pour la première fois l’année dernière par le Times of Israel.

L’objectif, a expliqué Goldenberg, était de « bousculer la scène politique israélienne et de voir s’il était possible de déclencher des élections ».

« Il y a eu un véritable débat sur cette option, mais au final, [Biden] n’était pas à l’aise avec l’idée de s’opposer aussi frontalement à Netanyahu », a-t-il déclaré.

Un coup d’épée dans l’eau

Au lieu de cela, Biden avait prononcé un autre discours en prime time, le 31 mai 2024.

Quatre jours plus tôt, Netanyahu avait accepté un cadre progressif pour un accord sur les otages, que Washington jugeait suffisant pour rallier le Hamas.

Craignant que le Premier ministre israélien ne fasse marche arrière, Joe Biden avait profité de son allocution pour dévoiler le plan de cessez-le-feu accepté par Jérusalem et appeler le Hamas à faire de même.

L’ancien conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan, lors d’une interview pour l’émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025. (Crédit : capture d’écran de la Treizième chaîne)

« Le président Biden voulait souligner que cette option était envisageable et, surtout, qu’Israël était prêt à la mettre en œuvre. Il ne s’agissait pas d’essayer de piéger qui que ce soit. Il s’agissait de donner le sentiment qu’un accord était possible et qu’il avait une structure concrète », a déclaré Sullivan.

Michael Herzog a précisé qu’Israël n’avait été informé du discours que quelques instants avant qu’il ne soit prononcé, Washington craignant que Jérusalem n’essaie de saboter l’initiative.

« Je pense qu’ils étaient un peu mal à l’aise parce que nous ne les avions pas prévenus », a ajouté Goldenberg.

Gel ou pas gel ?

À ce stade, la sympathie dont Biden avait bénéficié auprès du gouvernement israélien et de ses citoyens, grâce à son soutien immédiat après l’attaque du Hamas, avait commencé à s’éroder.

Le nombre de morts à Gaza avait dépassé les 30 000, selon le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas, ne distinguant pas terroristes des civils, et début mai, Biden avait annoncé la suspension d’une livraison américaine de bombes de 2 000 livres destinées à Israël, craignant qu’elles ne soient utilisées dans des zones densément peuplées.

Pourtant, à la mi-juin, le ministère israélien de la Défense et le Pentagone étaient sur le point de finaliser un accord permettant d’acheminer la cargaison, Israël ayant donné l’assurance que ces bombes à forte charge ne seraient pas utilisées à Gaza, a déclaré Dan Shapiro à HaMakor, secrétaire adjoint à la Défense pour le Moyen-Orient à l’époque.

Juste avant la finalisation de cet accord, Netanyahu avait publié une vidéo accusant les États-Unis non seulement de bloquer la livraison unique de bombes de 2 000 livres, mais aussi de geler un ensemble beaucoup plus large de transferts d’armes, des accusations que l’administration Biden avait catégoriquement rejettées.

Des panaches de fumée s’élèvent à la suite d’explosions dans la bande de Gaza, le 27 avril 2025. (Crédit : Menahem KAHANA / AFP)

L’accord qui se dessinait autour de la livraison des bombes de 2 000 livres s’est finalement effondré.

Les représentants de Biden s’étaient emportés contre Netanyahu, estimant que ce dernier faisait preuve d’ingratitude envers les États-Unis, malgré le soutien massif qu’ils lui avaient accordé.

Quelques semaines plus tôt, la Maison Blanche avait en effet réussi à faire adopter par le Congrès un programme supplémentaire d’aide sécuritaire de 19 milliards de dollars en faveur d’Israël.

« Oui, nous avions un désaccord sur une cargaison, mais nous attaquer de cette manière était particulièrement exaspérant », a souligné Goldenberg.

« Nous avons manqué une occasion de résoudre un problème – un problème que nous voulions vraiment résoudre », a affirmé Shapiro.

HaMakor a rapporté que le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, reste convaincu que Netanyahu avait publié la vidéo afin de l’empêcher de s’attribuer le mérite d’avoir réglé la question.

Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin (à droiteà et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, écoutant l’hymne national israélien lors d’une cérémonie au Pentagone, à Washington, le 25 juin 2024. (Crédit : Susan Walsh/AP)

L’acheminement chaotique de l’aide humanitaire

Une question connexe, source de différends fréquents entre les États-Unis et Israël, concernait l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, dont le flux avait périodiquement diminué au fil de la guerre.

L’ancien ambassadeur des États-Unis en Israël, Jack Lew, a évoqué l’une de ses premières conversations avec Gallant, à sa prise de fonction, pour lui demander de prendre des mesures contre les Israéliens d’extrême droite qui bloquaient et pillaient les camions d’aide humanitaire en route vers la bande de Gaza. Ben Gvir était accusé d’avoir donné pour instruction à la police de ne pas intervenir contre les auteurs de ces actes.

« Demain, nous serons le seul pays au monde à défendre Israël. Vous devez nous donner des éléments sur lesquels nous puissions nous appuyer », avait indiqué Lew à Gallant, qui lui avait assuré qu’il s’occuperait de la question.

« Si l’on m’avait dit que nous serions aussi impliqués dans la logistique que nous l’avons été, je ne l’aurais jamais cru », a confié Lew, ajoutant que même Biden était informé de détails spécifiques concernant l’acheminement de l’aide — fait inédit pour un président.

Sous la pression de l’aile progressiste de son parti, Biden avait signé au début de l’année précédente une note demandant au département d’État de certifier que les bénéficiaires des armes américaines respectaient le droit international et ne faisaient pas obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire vers les civils.

Des Gazaouis se bousculent pour recevoir des sacs de farine dans un centre de distribution d’aide de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) à Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 3 novembre 2024. (Crédit : Eyad Baba/AFP)

Stacy Gilbert, ancienne conseillère principale au département d’État, a participé à la rédaction de ce rapport. Peu avant sa publication, le 10 mai, elle et ses collègues avaient été écartés du processus, les conclusions finales ayant été rédigées par des responsables de plus haut niveau, a-t-elle confié à HaMakor.

Le rapport avait conclu que, bien qu’Israël n’ait pas pleinement coopéré aux efforts visant à garantir l’acheminement de l’aide humanitaire vers Gaza, ses actions n’étaient pas assimilables à une violation de la loi américaine qui justifierait l’arrêt des livraisons d’armes.

« J’ai dû lire le rapport deux fois, parce que je n’arrivais pas à croire ce qu’il disait. Son caractère mensonger est tout simplement choquant. Tout le monde savait que ce n’était pas vrai », a-t-elle déclaré, expliquant sa décision de démissionner en signe de protestation peu de temps après.

Pas de marge de manœuvre pour la normalisation saoudienne

Alors même que la guerre s’éternisait, l’administration Biden poursuivait ses discussions avec l’Arabie saoudite en vue d’un accord de normalisation avec Israël.

Cet accord devait s’accompagner d’une série de traités bilatéraux américano-saoudiens dans les domaines de la défense et de l’économie, que les deux parties avaient pratiquement finalisés lors du déplacement de Sullivan à Djeddah en juillet.

Mais la composante palestinienne de l’accord de normalisation s’était révélée trop difficile à accepter pour Israël.

« Nous savions que le gouvernement israélien dépendait de ministres d’extrême droite qui essaieraient de bloquer cet objectif – prévoir une voie vers un État palestinien – et que cela aurait pu entraîner des élections, un remaniement de la coalition ou le recours à des partis d’opposition plus ouverts à cette idée », a expliqué Shapiro.

« Le fait que le système politique israélien n’ait pas permis à quiconque de faire avancer cette démarche est assez choquant », a ajouté Lew.

Herzog avait par ailleurs souligné qu’une brève fenêtre d’opportunité existait pour conclure un accord de normalisation, entre la défaite électorale des démocrates en novembre 2024 et l’entrée en fonction de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025.

« J’ai alors compris que Trump préférait attendre d’entrer en fonction pour finaliser l’accord, afin d’en être le seul à l’initiative plutôt que de partager [le mérite] avec Biden », a soutenu l’ancien envoyé israélien.

Des passants devant un panneau d’affichage électronique qui montre le président américain Donald Trump, à gauche, serrant la main du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avec un texte qui dit : « Nous sommes prêts », à Tel Aviv, le 3 février 2025. (Crédit : Ariel Schalit/AP)

Porter leur plaque militaire

La libération des otages et la conclusion d’un accord de cessez-le-feu, que l’administration Biden s’est efforcée de finaliser jusqu’aux dernières heures de son mandat, étaient également des conditions clés pour obtenir un accord de normalisation.

« Rien n’était plus important pour le président que les familles [des otages] et le fait qu’elles se sentent informées », a indiqué Kirby.

Roger Carstens, l’envoyé de Joe Biden auprès des otages, a été chargé d’assurer la liaison avec les familles des otages américains ; il était en contact permanent avec elles pendant toute la durée de la guerre. Il portait autour du cou les plaques d’identification militaires de l’otage à la double nationalité israélienne et américaine, Edan Alexander.

« J’ai hâte qu’Edan rentre à la maison, j’ai hâte de lui rendre ses plaques », dit Carstens, très ému, lors de l’émission.

Carstens a également raconté que des familles lui demandaient parfois s’il leur était permis de critiquer publiquement l’administration américaine. Il a confié à HaMakor qu’il les avait toujours encouragées à s’exprimer librement, y compris en le critiquant personnellement.

Le contraste avec Netanyahu était frappant. Celui-ci n’avait pas hésité à dénoncer les manifestants israéliens réclamant un accord sur les otages, en affirmant qu’ils avaient encouragé le Hamas à durcir ses exigences lors des négociations.

Sur ce point, toutefois, l’administration Biden s’était abstenue de critiquer Israël, craignant qu’une divergence publique entre les deux pays n’incite le Hamas à radicaliser davantage ses positions.

De fait, l’administration américaine avait systématiquement désigné le Hamas comme principal obstacle aux négociations sur les otages, sans jamais pointer Israël du doigt.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) et le président américain Joe Biden (à gauche) rencontrent des familles d’otages américains à la Maison Blanche, le 25 juillet 2024. (Amos Ben Gershom/GPO)

Aujourd’hui, alors que le cadre de mai 2024 a été partiellement mis en œuvre, les responsables de l’administration Biden reconnaissent que Netanyahu a parfois joué le rôle de trouble-fête dans les négociations.

Ils soulignent notamment la décision du Premier ministre, en août 2024, de lancer une campagne publique sur l’importance de maintenir Israël dans le corridor de Philadelphi entre l’Égypte et Gaza, une décision jugée malhonnête par Washington et considérée comme une tentative de faire échouer les négociations à un moment critique.

« Il est apparu assez rapidement que le ministre Gallant ne considérait pas cela comme une nécessité militaire et qu’il aurait été prêt à retirer Tsahal du corridor de Philadelphi en échange d’un accord prévoyant la libération de tous les otages ; nous avons donc pris au sérieux les propos de notre principal interlocuteur au sein du système israélien », a déclaré Shapiro.

« Nous étions très proches d’un accord avec l’Égypte sur une base pratiquement identique à celle de l’accord final de la phase 2, et qui était réalisable à ce moment-là. Il y avait, à mon avis, des considérations de politique intérieure qui ont poussé Netanyahu à adopter une position particulièrement rigide concernant le corridor de Philadelphi », a expliqué Lew.

« Pendant des mois, le Hamas a refusé de discuter sérieusement de la question des otages. Cela signifie-t-il que le Premier ministre n’a jamais ajouté de conditions supplémentaires ou manifesté une certaine réticence à avancer ? Je ne dis pas cela », a indiqué Sullivan.

Goldenberg s’est montré plus catégorique, tout en reconnaissant être minoritaire. « De vieux amis israéliens me confiaient que tous les responsables de la sécurité affirmaient que [Netanyahu] sapait les efforts à chaque étape du processus. Au vu de tout ce qui émerge aujourd’hui, je commence à le croire, même si certains de mes collègues ne l’ont pas tout à fait perçu de la même manière. »

L’ancien envoyé spécial américain Amos Hochstein, lors d’une interview pour l’émission Hamakor de la Treizième chaîne, le 28 avril 2025 (Crédit : capture d’écran de la Treizième chaîne)

Amos Hochstein, proche ami des parents de l’otage, à la double nationalité israélienne et américaine, Hersh Goldberg-Polin, a évoqué avec émotion son incapacité à conclure un accord avant l’exécution de Hersh et de cinq autres otages en août dernier.

L’ancien envoyé spécial de Biden a confié que, le jour même de la mort de Hersh, les négociateurs avaient envisagé d’ajouter son nom à la liste des otages libérables lors de la première phase de l’accord.

« Je sais que beaucoup disent qu’avec le recul, c’était peut-être mieux qu’aucun accord n’ait été conclu pendant l’été, au vu de tous les gains militaires obtenus en août, septembre et octobre. Mais il ne faut pas oublier que conclure un accord plus tôt aurait eu un avantage immense : ces otages seraient toujours en vie, et certains de ceux qui sont rentrés auraient été en bien meilleure santé », a rappelé Hochstein.

« Dieu a fait une faveur à Israël »

Malgré leurs nombreux différends, Biden et Netanyahu se sont efforcés dans la dernière phase de leur relation publique de projeter l’image d’une amitié de plusieurs décennies.

« Bibi, je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis, mais je t’aime bien », plaisantait souvent Biden lors d’événements publics.

En privé, toutefois, Biden employait un ton bien différent.

« Parce que c’est Netanyahu. C’est un survivant, un manipulateur, un magicien des relations. Biden en était pleinement conscient », a expliqué l’ancien ambassadeur américain en Israël, Tom Nides. « Le président Biden a l’habitude d’employer des termes fleuris, et il arrivait parfois à [Netanyahu] de le pousser à en user. »

Biden, qui se définit comme un sioniste, prenait très mal toute remise en question de son engagement envers Israël. « Cela l’énervait vraiment. Cela le mettait dans une colère telle que vous ne vouliez pas vous trouver près de lui lorsqu’il explosait », a raconté Nides.

HaMakor a rapporté que, lors d’une de leurs conversations pendant la guerre, Biden avait raccroché au nez de Netanyahu. Lors d’un autre échange, il lui aurait lancé qu’il racontait « des conneries ». Netanyahu aurait été offensé, mais n’aurait pas réagi.

Le président américain Joe Biden (à droite) accueilli par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à l’aéroport international Ben Gurion, le 18 octobre 2023. (Crédit : Evan Vucci/AP)

« Chaque camp était convaincu que l’autre cherchait à l’affaiblir », a indiqué Herzog.

Malgré son animosité envers Netanyahu, Biden est resté solidaire d’Israël jusqu’à la fin de son mandat.

« Ce fut le plus grand risque politique de la carrière de Joe Biden. La chose la plus facile pour lui, … s’il se souciait des voix dans le Michigan, aurait été d’adopter une position plus conciliante. Il a refusé de le faire », a déclaré Nides.

« La pression exercée sur [Biden] à l’intérieur de la Maison-Blanche pour qu’il change de position était énorme. Alors, quand j’entends des critiques affirmant qu’il n’a pas assez soutenu Israël, est-ce que cela me dégoûte ? 100 %. Est-ce que c’est vrai ? Non, à 100 %. »

« Imaginez le tollé qu’il y aurait eu si cela avait été Amos [Hochstein] qui avait rencontré et négocié avec le Hamas. Vous imaginez l’ampleur de la colère que cela aurait suscité ? », a ajouté l’ancien ambassadeur américain, en référence aux négociations inédites menées le mois dernier entre l’envoyé de Trump pour les otages, Adam Boehler, et des responsables du Hamas. Israël avait réagi avec colère à ces discussions, tout en s’abstenant de les critiquer publiquement.

Herzog, lui aussi, a dressé un bilan positif du mandat difficile de Biden.

« Dieu a véritablement rendu service à l’État d’Israël en plaçant Biden à la tête des États-Unis pendant cette période, car la situation aurait pu être bien pire. Nous avons combattu [à Gaza] pendant plus d’un an, et jamais l’administration américaine n’est venue nous dire : ‘cessez-le-feu maintenant’. Jamais. Et cela ne doit pas être considéré comme acquis », a affirmé l’ancien ambassadeur israélien.

Pour Raviv Drucker, présentateur de HaMakor, ce soutien indéfectible pourrait avoir été la faiblesse de l’administration Biden – à savoir qu’elle était trop loyale et trop pro-Israël pour exercer une pression déterminante sur Netanyahu. Selon lui, le Premier ministre israélien l’a compris et a choisi de faire traîner les décisions clés tout au long de la guerre, espérant gagner du temps jusqu’au retour de Trump au pouvoir.

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