À Pittsburgh, un an après, le sonneur de shofar est mort, et la Shul est fermée
A l'approche du 1er anniversaire de la fusillade de Tree of Life, qui a fait 11 morts, les communautés souffrent en cette période de Nouvel an et tentent d'aller de l'avant
PITTSBURGH (JTA) – Alors que la communauté juive de la ville a célébré Rosh HaShanah cette semaine, la synagogue Tree of Life [Arbre de vie] est restée fermée, ses portes bloquées par une clôture grillagée.
Une couronne brune et fanée est accrochée à un arbre près de la synagogue, où un homme armé a tué 11 fidèles l’année dernière dans la pire attaque antisémite de l’histoire américaine. Des étoiles de David portant les noms des victimes sont fixées sur une porte vitrée à l’entrée principale, derrière une clôture et sous un drapeau israélien et une pancarte de remerciement pour les secouristes. Un panneau en bois placé sur une barricade à côté du bâtiment dit : « Aucun jour ne vous effacera de la mémoire du temps ».
La synagogue a été construite pour accueillir des centaines de Juifs. Mais la seule personne qui y entre régulièrement aujourd’hui est un gardien qui entretient le bâtiment en attendant que les trois congrégations qui s’y réunissent décident de la suite des évènements. La synagogue est fermée depuis l’attaque.
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« J’espère que tout a été nettoyé », dit Ellen Surloff, présidente de l’une des congrégations, Dor Hadash, au moment de la fusillade. « Je ne pense pas que je pourrais retourner dans ce bâtiment sans me rappeler ce qui est arrivé là-bas. »
Les traces de l’attaque sont partout dans Squirrel Hill, la communauté tranquille, chaleureuse et bordée d’arbres qui abrite les Juifs de Pittsburgh depuis plus d’un siècle, et qui, par ailleurs, devient idyllique lorsque l’été se transforme en automne.
Les commerces locaux arborent un panneau créé peu de temps après l’attaque, sur lequel on peut lire « Plus fort que la haine » aux côtés d’une étoile de David et de diamants bleus et rouges – les couleurs traditionnelles de la ville. Le supermarché casher affiche une banderole avec les noms des 11 victimes. Le Starbucks local a fait peindre trois grands cœurs sur ses fenêtres, accompagnés des mots « amour », « bonté » et « espoir » en hébreu et en anglais.
À l’approche du premier anniversaire de l’attaque du 27 octobre, il est particulièrement difficile de tenir le coup. Les survivants de la fusillade et le reste de la communauté tentent juste de passer le Nouvel an – la période la plus intense du calendrier juif, qui appelle traditionnellement les croyants à un examen de conscience.
« Nous essayons de savoir ce qu’il faut faire à chaque heure, chaque jour », a déclaré le rabbin Jeffrey Myers de la congrégation Tree Of Life-Or LeSimcha lors d’une récente conférence de presse organisée par la communauté.
Aux premières secondes de la fusillade, c’est lui qui a appelé les secours, avant de se précipiter pour protéger ses fidèles.
« Je vis avec le 27 octobre chaque minute de chaque heure de chaque jour, et je vivrai avec pour le reste de ma vie », explique-t-il. « Chacun de nous trouve la force et le courage d’intégrer ce qui s’est passé dans sa chair, d’avancer. »
Chaque mois, les survivants de la fusillade se réunissent pour parler de leurs sentiments. Beaucoup d’entre eux sont voisins à Squirrel Hill, c’est l’occasion de se détendre et parler de la vie quotidienne.
Lors de la réunion de la semaine dernière, cependant, la discussion a porté sur le mois d’octobre et les mécanismes permettant de le traverser. Quelques survivants ont assisté aux offices de Rosh HaShana dans le quartier et se rendront à des événements commémoratifs. D’autres ne le feront pas, craignant que les prières communes ne soient trop douloureuses. Une personne a décidé de quitter sa maison et de louer un Airbnb pour le week-end du 27 octobre afin d’éviter les journalistes qui pourraient venir frapper à la porte.
Il y a aussi des signes de progrès. Un survivant s’est rendu compte que 11 mois après l’attaque, il pouvait enfin se détendre – un peu. Pour la première fois cette année, le survivant n’a pas ressenti le besoin de surveiller constamment ceux qui entraient et sortaient de la pièce.
L’une des personnes présentes a dit : « Je dois vous dire quelque chose : je suis assise dos à la porte », a déclaré Lulu Orr, spécialiste clinique et intervenante-pivot pour Jewish Family and Community Services of Pittsburgh, qui n’a pas évoqué les détails personnels des survivants afin de respecter leur vie privée. « Ils sont les seuls à avoir vécu ce qu’ils ont vécu. Ils se soutiennent mutuellement. Ils rient les uns avec l’autre. »
Au-delà du cercle des survivants, les congrégations qui ont survécu à la fusillade réfléchissent également à la manière d’aller de l’avant.
Lorsque nécessaire, ils forment aux chants rituels et aux prières autrefois dirigés par ceux qui ont été tués. Le rabbin Jonathan Perlman, qui dirige la congrégation massorti Or Hadash et qui a survécu à l’attaque, a composé une prière en souvenir des victimes qui sera lue pendant une partie de l’office de Yom Kippour qui rend hommage aux martyrs juifs de l’histoire.
« Comme tous les autres, il ne méritait pas de mourir », a déclaré M. Perlman lors de la conférence de presse en parlant de Melvin Wax, un membre de l’assemblée qui a été tué et dont on se souvient comme un grand-père dévoué, un passionné de baseball et un bénévole énergique. « C’est la culpabilité du survivant ».
« Je passe en revue ces scénarios dans mon esprit, et je pense que beaucoup d’autres victimes le font aussi, à savoir que j’aurais pu en faire plus, j’aurais pu sauver des gens, pourquoi ai-je choisi de faire x, y et z, pourquoi ont-ils pris la mauvaise voie ? Et ça fait partie du traumatisme, et ça fait partie de l’être humain. Vous portez ce genre de choses en vous. »
Dor Hadash s’est réuni dans le centre communautaire juif local pour Rosh HaShana, en compagnie de rescapés de la fusillade, mais une nouvelle personne a fait retentir le shofar. Le sonneur habituel, Jerry Rabinowitz, a en effet péri dans l’attaque. Daniel Leger, qui a été blessé, s’adressera à l’assemblée à Yom Kippour.
Mme Surloff, la présidente de Dor Hadash, n’était pas à la synagogue lorsque le tireur est entré : elle se sentait mal et est arrivée en retard. Elle se rappelle avoir vu une rangée de voitures de police autour du bâtiment.
Quand elle a dit à une policière : « Je dois y aller, c’est ma synagogue », l’agent l’a enlacée, mais ne l’a pas laissé passer. La présidente de la synagogue a appris plus tard que Rabinowitz, un pilier de la congrégation, avait été tué.
« Non seulement il faisait partie intégrante de la congrégation et en était un membre à part entière, mais il était aussi un membre très important de la congrégation à l’époque des fêtes de fin d’année », se souvient Ellen Surloff. « Jerry s’occupait de l’accueil et du placement des invités. Vous entriez, et il y avait Jerry avec son visage souriant. »
Certains membres de la communauté et des survivants ont raconté que, dans la foulée des événements commémoratifs, des décisions logistiques et des interviews avec les médias, ils n’ont même pas eu le temps de commencer à traiter la question de la fusillade. Quelques-uns l’appellent le « 27/10 », un nom similaire à celui du 11/09.
Ellen Surloff raconte que les quatre mois qui ont suivi ce jour-là ont été consacrés à des réunions sur des sujets aussi variés que les questions d’assurance, la recherche d’un nouvel espace de prière, la rédaction de notes de remerciement pour ceux qui ont tendu la main après la fusillade.
« Ils sont tous inquiets à l’idée des fêtes du Nouvel an à venir, ainsi que de la commémoration », d’après M. Orr des Services familiaux et communautaires juifs au sujet des survivants de l’attaque. « L’année qui vient de s’écouler a été très publique, et ils espèrent vraiment que le 28 octobre de cette année sera le premier jour de leur deuil. »
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