A Tel-Aviv, la grande communion entre juifs religieux et familles d’otages
Mardi soir, ce sont essentiellement des femmes qui sont venues, à l'occasion de l'anniversaire du décès, selon la date hébraïque, de la matriarche Rachel
« Chanter ensemble pour leur retour » : sous ce slogan, chaque mardi soir, des centaines de Juifs religieux se rassemblent à Tel Aviv, sur la Place des Otages, pour apporter leur soutien aux proches des otages retenus par le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza depuis plus d’un an.
Cette place dallée, qui accueille tous les samedis soirs les familles des otages – la plupart enlevés dans des kibboutzim laïcs – pour des rassemblements appelant à leur libération aux cris de « Un accord, maintenant », se retrouve transformée les mardis soirs quand un public religieux envahit la place.
Ce soir-là, ce sont essentiellement des femmes qui sont venues, à l’occasion de l’anniversaire du décès, selon la date hébraïque, de la matriarche Rachel.
Pour la tradition juive, Rachel, morte en couches et inhumée à Bethléem, attend le retour des Juifs exilés en versant des larmes.
Au micro, devant une assemblée attentive, la populaire conférencière orthodoxe Yemima Mizrahi fait le lien entre les larmes de la matriarche attendant ses enfants éloignés d’elle et les mères des otages.
Lors du pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, 251 personnes ont été enlevées sur le sol israélien. Au total, 97 restent otages à Gaza, dont 34 ont été déclarées mortes par l’armée.
Depuis l’unique trêve qui avait permis la libération de plus de 100 otages fin novembre 2023, les pourparlers sont dans l’impasse, à tel point que le Qatar a annoncé la suspension de sa médiation entre Israël et le Hamas.
Venue pour la première fois à la Place des Otages, Odelia Dimant, 33 ans, la tête couverte du foulard des femmes juives pratiquantes, écoute avec émotion une cousine d’Omer Neutra, un jeune soldat capturé le 7 octobre, parler de lui.
Avant que le public ne se réunisse devant la scène pour chanter, des cercles de discussion se tiennent entre les familles des otages et ces Juifs pratiquants qui viennent « les rencontrer, les écouter, leur montrer qu’on les soutient », décrypte Dimant.
Collectif créé le 8 octobre, le Forum des familles des otages et disparus est à l’origine de cette initiative sur cette esplanade du Musée d’art de Tel Aviv, rebaptisée « Place des Otages » par la mairie de la ville.
« L’idée derrière ces rassemblements, c’est l’unité, et c’est le chemin que j’ai choisi, celui du dialogue, ne pas crier mais partager ce que je vis depuis plus d’un an », explique à l’AFP Galia David, la mère d’Eviatar David, jeune homme enlevé au festival de musique Nova, où plus de 40 personnes ont été capturées.
« Le fait qu’ils viennent ici avec des idéologies différentes prouve qu’ils sont là pour nous écouter, nous aider, nous soutenir », ajoute-t-elle.
L’espoir en commun
Entre les stands de vente de rubans jaunes, devenus symboles de solidarité, et d’objets divers, dans ce lieu qu’ils n’ont visiblement pas l’habitude de fréquenter, des visiteurs se prennent en photo devant le sablier géant ou l’horloge murale indiquant le nombre de jours, heures, minutes et secondes écoulés depuis le 7 octobre.
Pour Ditza Or, une femme pratiquante mais aussi mère d’un otage, Avinatan Or, ces soirées sont « particulières ».
« Je suis émue de voir ce soutien […] Ce soir, il s’agit d’unité et de prière », dit Ditza.
« Je sens le soutien des gens tout le temps, je vois tellement d’amour […], l’unité est réelle », affirme-t-elle.
Clou de cette soirée, une prière pour la libération des otages, récitée en commun par Sheli Shem-Tov, dont le fils Omer est otage, et Shlomit Kalmanson, la tête recouverte d’un foulard, qui a perdu son mari Elhanan le 7 octobre dans les combats au kibboutz Beeri.
Celui-ci avait pris son arme le 7 octobre et, avec son frère et un neveu, était parti au kibboutz Beeri, près de Gaza, pour tenter de sauver le maximum de civils.
Plus d’une centaine de personnes ont eu la vie sauve grâce à eux mais Elhanan n’a pas survécu.
« Shlomit et moi sommes différentes, par notre apparence, par nos lieux d’habitation, sûrement par nos votes mais nous avons en commun l’amour et la possibilité de voir le bien », dit au micro, sans retenir ses larmes, Sheli, la main sur l’épaule de son amie.
« Nos cœurs se sont liés, chacune avec ses souffrances, mais au-delà de cette souffrance, nous partageons l’espoir », ajoute Sheli, sous les applaudissements de la foule.