Abbas : Israël change le statu quo au mont du Temple et exécute les Palestiniens
Dans une déclaration à l'ONU, le président de l'AP répète ses accusations qui sont niées avec véhémence par Jérusalem
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a lundi réïtéré ses deux accusations contre Israël qui se sont attirées une réponse furieuse d’Israël ces derniers mois – à savoir que les Juifs cherchaient à changer le statu quo sur le mont du Temple à Jérusalem et qu’il mène des « exécutions extrajudiciaires » des Palestiniens qui mènent des attaques terroristes contre les Israéliens.
Abbas a réitéré ces propos un jour avant que le secrétaire d’Etat américain John Kerry n’arrive en Israël et en Cisjordanie pour des entretiens pour calmer la situation. Kerry doit rencontrer Abbas lundi après-midi. Il s’est entretenu avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu mardi matin.
Dans une déclaration marquant la Journée internationale de la solidarité des Nations unies avec le peuple palestinien, Abbas a affirmé qu’il avait mis en garde contre « les violations commises par les colons et les extrémistes sous la protection des forces d’occupation israéliennes contre la sainteté des lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem, qui visent en particulier à changer le statu quo historique à Al-Haram Al-Sharif [le mont du Temple] et la Mosquée Al-Aqsa qui existait avant l’année 1967 et par la suite ».
Selon les dispositions mises en place depuis 1967, les Juifs peuvent se rendre sur le site – le plus saint du judaïsme et le troisième lieu saint de l’islam – mais ils ne peuvent pas prier. Israël a nié à plusieurs reprises l’accusation selon laquelle il cherche à changer le statu quo sur le site contesté.
Dans sa déclaration à l’ONU, Abbas a également placé le blâme pour la récente vague d’attaques terroristes palestiniennes – qui a coûté la vie à 19 Israéliens, un étudiant de yeshiva américain, un demandeur d’asile érythréen et un passant palestinien depuis le 1er octobre – directement sur Israël.
« Les événements qui se déroulent dans notre pays sont le résultat de la diminution des espoirs, la situation continue de strangulation, le siège, la pression, et l’absence de sentiment de sécurité et la sécurité ressentie par notre peuple. Tous ces éléments sont des facteurs qui génèrent d’énormes frustrations. Le soulèvement de notre peuple en colère et les manifestations successives de la période récente sont une conséquence inévitable contre ce que nous avons mis en garde », a déclaré Abbas, ajoutant qu’Israël menait des « exécutions extrajudiciaires » sur les terroristes palestiniens.
« La poursuite de l’occupation israélienne… les arrestations cruelles et la détention de civils, les exécutions extrajudiciaires de notre jeunesse et des enfants, le blocus de Gaza, les démolitions de maisons, les attaques répétées et brutales par les colons terroristes israéliens contre notre peuple et leurs biens, et les provocations et l’incitation [à la violence] contre leurs Lieux saints… affirment l’arrogance et l’intransigeance d’Israël, ses violations du droit international, son rejet de la paix et de son adhésion à la place à l’idéologie de l’expansion coloniale, l’asservissement et la cupidité », a-t-il accusé.
Le mois dernier, Abbas a soulevé l’ire d’Israël quand il a faussement accusé les forces israéliennes de l’ « exécution » d’un adolescent palestinien qui a participé à une attaque terroriste à Jérusalem, blessant deux personnes, dont un garçon israélien 13 ans.
Le président de l’AP a émis ces accusations lors d’un discours retransmis en direct à la télévision palestinienne.
Se référant à l’attaque du 13 octobre, au cours de laquelle Hassan Manasra, 15 ans, et son cousin Ahmed Manasra, 13 ans, ont poignardé un garçon de 13 ans et un homme de 25 ans dans le quartier nord de Jérusalem de Pisgat Zeev, blessant grièvement les deux victimes, Abbas a déclaré qu’Israël a tué les deux terroristes de « sang-froid ».
Hassan Manasra a été abattu quand il a foncé vers un agent de la police avec un couteau, et Ahmed Manasra a été grièvement blessé après avoir été heurté par une voiture alors qu’il fuyait. Il a été traité dans un hôpital israélien et est actuellement en garde à vue.
Le numéro deux de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) Saëb Erakat a, quant à lui, déclaré lundi dans une interview à l’AFP qu’il tenait les politiques du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour responsables des violences actuelles.
A la veille d’une rencontre avec le chef de la diplomatie américaine John Kerry, Saëb Erakat a affirmé qu’il était opposé aux assassinats de civils sans pour autant formellement condamner la vague d’attaques, notamment au couteau, visant des soldats mais aussi des civils israéliens.
« Je ne soutiens pas l’assassinat de civils, qu’ils soient Israéliens ou Palestiniens. Je veux faire la paix. Je reconnais le droit à l’existence d’Israël » a ajouté le numéro deux de l’OLP.
Erekat a ajouté que si rien de concret ne sort des rencontres avec Kerry, les Palestiniens pourraient aller de l’avant et modifier leurs liens de longue date avec Israël, y compris dans le domaine de la coordination sécuritaire.
La visite de Kerry intervient alors que depuis près de deux mois la violence règne en Israël qui prend la forme d’attaques quasi-quotidiennes au couteau, aux armes à feu et à la voiture bélier.
« Je condamne les politiques de Benjamin Netanyahu (…) et je le tiens pour responsable de cette détérioration », a déclaré Erakat, qui participera aux discussions avec Kerry.
Il a accusé Netanyahu de réduire à néant les espoirs des jeunes Palestiniens en refusant de reconnaître un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et en autorisant la construction d’implantations juives en Cisjordanie, entre autres questions.
« Nous espérons vraiment, et j’espère vraiment contre toute espérance, que M. Kerry va réussir à obtenir de Netanyahu un engagement à mener à bien ses obligations », a déclaré Erekat.
Abbas a « promis à Kerry que nous ne ferons rien jusqu’à ce qu’il arrive, donc cela va dépendre de ce qu’il va dire demain », a indiqué Erakat.
« Mais après cela, si Netanyahu continue (…) la colonisation, les diktats et la destruction de la solution à deux Etats, il y aura des décisions très très importantes », a-t-il prévenu.
Il a dit qu’une enquête internationale était nécessaire pour sonder les allégations d’exécutions extrajudiciaires et l’usage excessive de la force par les Israéliens, et a averti que « les choses se détériorent. Les choses glissent de nos doigts comme du sable ».
Erekat a déclaré que « quand vous parlez simplement de gens qui meurent, ces gens qui meurent sont mes enfants et mes petits-enfants. Ce sont les mêmes gens à qui nous sommes censés donner une vie meilleure ».
Les négociations de paix sont au point mort depuis avril 2014 et Netanyahu a lancé des messages contradictoires sur son engagement à parvenir à une solution à deux Etats.
Il accuse de son côté les dirigeants palestiniens d’avoir nourri les violences actuelles.
Je condamne ceux qui détruisent l’espoir (…) ceux qui choisissent les colonies et les diktats plutôt que la paix et les négociations », a réaffirmé Erekat.
« Je dis maintenant à M. Netanyahu : ‘Vous avez réussi Mr Netanyahu. Vous avez détruit la solution à deux Etats. Vous avez détruit le camp modéré palestinien’ « , a-t-il ajouté.
De leur côté, les responsables américains ont indiqué qu’ils n’avaient pas l’ambition de relancer le processus de paix lors de la visite de John Kerry, mais d’enrayer les violences actuelles.
Abbas dans son discours à l’ONU en septembre avait déclaré qu’il n’était plus lié par les accords avec Israël, en disant : « nous ne resterons pas les seuls engagés dans la mise en œuvre de ces accords ».
Il y a eu des menaces de se retirer des accords d’Oslo de 1990, qui forment la base du processus de paix, mais qui n’ont pas conduit à un Etat palestinien indépendant.
Erekat a indiqué qu’un manque de progrès immédiats pourrait aboutir à des actions concrètes, y compris des décisions impliquant la coordination de la sécurité avec Israël.
« Nous voulons que les gens commencent à demander à Netanyahu de joindre le geste à la parole », a déclaré Erekat. « Nous voulons des actes, pas des mots ».