Abbas pourrait être le dernier chef de l’AP à croire en deux États, dit Jibril Rajoub
Un potentiel successeur d'Abbas à la tête de l'AP salue son président et exhorte les États-Unis à travailler avec lui, cherchant à rester dans les bonnes grâces de son dirigeant alors qu'aucun nouveau scrutin n'est prévu

AL-BIREH, Cisjordanie – Mahmoud Abbas pourrait bien être le dernier dirigeant palestinien à encore croire en une solution à deux États et à s’opposer à la violence comme moyen d’atteindre cet objectif, selon un potentiel successeur du président de l’Autorité palestinienne (AP) qui s’est récemment entretenu avec le Times of Israel.
Abbas « est le dernier pilier fondateur du mouvement national palestinien à croire en deux choses : une réconciliation historique [avec Israël] sur la base de la solution à deux États, avec la conviction que pour atteindre cet objectif, les effusions de sang ne sauraient être un choix », confie Jibril Rajoub, qui est secrétaire-général du parti du Fatah, placé sous la direction d’Abbas. L’homme est aussi un ancien chef des forces de sécurité de l’AP.
Lors de notre entretien, Rajoub souligne que le Fatah et la majorité des factions qui figurent au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) apportent toujours leur soutien à la solution à deux États – « mais je ne pense pas que qui que ce soit, après Abou Mazen (Abbas), pourra avoir le courage […] d’avancer [vers un] traité de paix ».
De la même manière, Rajoub exhorte l’administration Trump à ouvrir le dialogue, sans plus attendre, avec le chef de l’AP. « Que nous l’apprécions ou non, [Abbas] a toujours une légitimité et sa conviction reste de régler ce conflit par des moyens pacifiques, » estime ce radical.
S’il est rare que des responsables de l’OLP se permettent de critiquer Abbas, la décision prise par Rajoub de de rendre hommage au président de l’AP au cours d’une interview accordée à un média anglophone – ce qui est peu courant – démontre son désir de conserver les bonnes grâces de son dirigeant.
Alors qu’aucune nouvelle élection n’est actuellement prévue et qu’Abbas, âgé de presque 90 ans, n’a pas désigné son successeur officiel, le nom de Rajoub, 71 ans, est souvent cité parmi ses possibles remplaçants à la tête de l’AP.

Parmi ces factions, il y a le Hamas – qui, selon Rajoub, pourrait intégrer l’administration palestinienne s’il accepte les obligations de l’OLP, notamment en reconnaissant Israël ainsi que la « non-violence comme choix stratégique ».
Laissant entendre qu’il procède à une équivalence, il insinue que ceux qui s’interrogent sur la nécessité d’inclure le Hamas dans la politique palestinienne – en particulier après le pogrom commis par le groupe terroriste dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023 – ne font pas preuve du même scepticisme à l’encontre des partisans israéliens de la ligne dure.
« Que dire des mêmes groupes complètement fous à l’intérieur d’Israël ? Personne ne se pose de questions sur [Itamar] Ben Gvir et [Bezalel] Smotrich », dit-il, faisant référence aux deux dirigeants de partis d’extrême droite avec lesquels le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est associé, il y a deux ans, pour pouvoir former son gouvernement.
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Rajoub dénonce néanmoins les atrocités commises par le Hamas, le 7 octobre.
« Je sais que des innocents, notamment des militants pour la paix, je sais que des femmes et des enfants ont été tués ce jour-là. Personne ne peut soutenir une telle chose », assure Rajoub, qui est également le président de la Fédération palestinienne de football et qui a réclamé la suspension de l’État hébreu lors de compétitions.
« Toutefois, le conflit n’a pas commencé ce jour-là », ajoute-t-il, à l’instar des détracteurs d’Israël, soulignant des décennies de « démolitions d’habitations, de construction d’implantations, d’humiliations et de meurtres » des Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza.

Il déclare que la recrudescence de ce genre d’agissements, sous la gouvernance du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a entraîné un essor de l’antisémitisme en dehors des frontières d’Israël – une haine qui a atteint des niveaux record dans certains pays occidentaux dans le sillage du pogrom du 7 octobre et de la guerre qui a suivi à Gaza.
« Il est maintenant demandé aux Israéliens d’enlever leur kippa lorsqu’ils se rendent à l’étranger », indique Rajoub. « Est-ce que c’est vraiment ça qu’ils veulent ? »
Interrogé sur les appels aux réformes au sein de l’arène politique palestinienne, et dans la mesure où l’ensemble du système de l’AP, basée en Cisjordanie, est contrôlé par Abbas, Rajoub reconnaît que de tels changements sont nécessaires et qu’ils sont « dans notre intérêt national ».
Cela fait presque deux décennies que l’AP n’a pas organisé d’élections et, selon Rajoub, des réformes sont indispensables. Il ajoute qu’un futur État palestinien devra défendre les valeurs de « la démocratie et du pluralisme politique sous le principe d’une seule autorité, d’une seule loi et d’un seul fusil ».
« Je pense que nous devons entreprendre des réformes… Mais la corruption au sein de l’Autorité palestinienne est peu de chose en comparaison avec Bibi et à sa mafia », assure-t-il, faisant référence au procès criminel en cours dont le Premier ministre israélien est au centre.
« Nous ne devons néanmoins pas perdre espoir et nous ne devons pas abandonner l’objectif de la reconnaissance mutuelle », soutient Rajoub.
« Il y a zéro confiance entre nous. Eux ont leurs raisons et nous avons les nôtres », a-t-il poursuivi, estimant que l’intervention d’un tiers était nécessaire pour faire avancer les parties dans la bonne direction.

« Cette partie tierce, c’est la communauté internationale mais elle devrait être dirigée par les Américains, » a déclaré Rajoub. « Les Américains sont les seuls à pouvoir exercer des pressions sur les Israéliens ».
Alors que le retour au pouvoir du président Donald Trump s’approchait, Ramallah avait initialement fait preuve d’optimisme concernant la volonté des États-Unis de jouer un tel rôle – alors que son envoyé au Proche-Orient, Steve Witkoff, réussissait à convaincre Netanyahu d’accepter un accord de cessez-le-feu ouvrant la porte à la remise en liberté des otages avec le Hamas, après des mois d’impasse dans les négociations.
Un sentiment qui s’est dissipé assez rapidement, Trump ayant annoncé, le mois dernier, qu’il souhaitait que les États-Unis prennent le contrôle de Gaza et qu’ils déplacent de manière permanente tous les habitants de l’enclave.
« C’est une honte pour cette administration d’abuser ainsi de la souffrance de personnes innocentes », s’exclame Rajoub.
Toutefois, dans l’immédiat, Washington œuvre actuellement à obtenir une prolongation du cessez-le-feu à Gaza, avec de nouveaux échanges d’otages et de prisonniers palestiniens entre Israël et le Hamas.
Une question sur laquelle Rajoub a un point de vue unique : lui-même a été libéré d’une prison israélienne dans les années 1980 sur la base d’un tel accord.

L’homme était resté incarcéré pendant 17 ans pour des violences commises à l’encontre d’Israël. Il raconte avoir utilisé tout ce temps pour étudier le conflit israélo-palestinien.
« Ma conclusion a été que si je ne prenais pas en compte les préoccupations rationnelles des Israéliens, je ne pourrais pas réaliser mes aspirations nationales », a dit Rajoub.
« Les Israéliens, comme les Palestiniens, ont le droit de vivre en paix, en sécurité, avec des normalisations… mais à l’intérieur de frontières internationalement reconnues », a-t-il ajouté, faisant référence aux lignes d’armistice antérieures à la guerre des Six Jours de 1967.
S’agissant du type d’accord sur les otages auquel il serait susceptible d’apporter son soutien, Rajoub dit que : « Il faut que ce soit tout le monde contre tout le monde, de manière à ce que nous puissions ouvrir un nouveau chapitre »…
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